FOCUS – Les sages-femmes de la Clinique des Cèdres, à Échirolles, ont lancé ce lundi 3 janvier 2022 une grève d’une semaine reconductible. Une mobilisation qui entre dans le cadre d’un mouvement national touchant les maternités privées. Ces sages-femmes réclament une revalorisation des salaires, via un alignement sur ceux du public, ainsi qu’une augmentation des effectifs dans les établissements de santé privés.
Ce lundi 3 janvier 2022, les couloirs de la maternité de la Clinique des Cèdres, à Échirolles, sonnaient bien creux. La raison ? Dix-huit des dix-neuf sages-femmes de l’établissement avaient entamé une grève d’une semaine reconductible, le matin même. Et encore, précise Laure1Le prénom a été modifié, sage-femme gréviste, « la seule collègue non gréviste ne la fait pas pour des raisons personnelles mais elle soutient le mouvement ».
Dix-huit des dix-neuf sages-femmes de la Clinique des Cèdres, à Échirolles, ont lancé une grève d’une semaine reconductible, ce lundi 3 janvier 2022, dans le cadre d’un mouvement national dans les maternités privées. DR
Quant à leurs collègues de la Clinique Belledonne, à Saint-Martin-d’Hères, celles-ci ont « déjà effectué plusieurs journées de grève [en 2021] mais n’ont pas suivi cette fois-ci », tout en « restant mobilisées », assure Laure. Le mouvement de grève est en effet national et implique l’ensemble des sages-femmes salariées des établissements de santé privés.
Ces dernières alertent depuis des mois le gouvernement et la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) au sujet de la dégradation de leurs conditions de travail et se disent ulcérées par le manque de reconnaissance à leur égard. « Depuis un an, on a surtout répondu favorablement aux sages-femmes de l’hôpital public mais, dans le privé, nous nous sommes senties à la traîne », souligne la sage-femme échirolloise.
« La différence de salaires entre public et privé est de 25 % en notre défaveur »
De fait, si nombre de revendications sont communes aux maternités publiques et privées, les sages-femmes exerçant dans les secondes font un peu office de parents pauvres de la profession. Illustration avec la question particulièrement sensible des salaires, premier des deux gros points de friction avec les autorités de tutelle.
Les sages-femmes des maternités publiques et privées se sont déjà mobilisées plusieurs fois en 2021 (comme ici, en juin) pour leurs conditions de travail. © Sarah Krakovitch – Place Gre’net
Naturellement, Laure se félicite de la revalorisation salariale consentie par le ministère de la Santé en novembre 2021 et effective à partir du 1er février 2022. « Tout le monde sera payé 500 euros de plus », se réjouit-elle. Mais « si on compare les grilles salariales hors cette augmentation, la différence entre public et privé est en moyenne de 25 % en notre défaveur », déplore-t-elle. « Notre grosse demande, c’est de combler cet écart et d’aligner nos salaires sur ceux du public. »
L’amertume des grévistes est d’autant plus prononcée qu’à partir de trente ans d’ancienneté, leur rémunération « ne bouge plus du tout, même pas d’un centime ». « Notre grille salariale date de 2002 et n’a pas changé en vingt ans, malgré l’inflation et la hausse du coût de la vie », pointe ainsi Laure.
Les effectifs sont fixés par le décret de périnatalité de 1998
La deuxième revendication concerne quant à elle l’augmentation des effectifs de sages-femmes au sein des maternités privées françaises. Car ceux-ci, fixés par le décret de périnatalité de 1998, n’ont « pas bougé depuis ». Et ce, alors que le travail a, lui, considérablement évolué, que ce soit avec « les demandes des parents, le développement des tâches administratives ou l’informatisation des dossiers ».
Le problème de sous-effectif des sages-femmes ne touche heureusement pas encore la clinique des Cèdres à Échirolles, même si la maternité ne dispose néanmoins d’aucune marge de manœuvre. © Clinique des Cèdres
Laure l’admet, le problème ne touche pas spécifiquement la Clinique des Cèdres où les sages-femmes sont – du moins pour l’instant – en nombre suffisant. Mais à l’échelle nationale, c’est un réel souci, avec une « pénurie de personnel formé » et un manque croissant de remplaçantes disponibles.
« Le nombre d’étudiants choisissant la filière maïeutique a brutalement diminué de 20 % depuis deux ans », regrettaient ainsi les sages-femmes des maternités privées, dans un communiqué, le 26 novembre 2021. Rappelant que « la durée d’exercice des sages-femmes de maternité est en moyenne de cinq ans », elles jugeaient « urgent de retrouver de l’attractivité pour [leur] métier ».
Des conséquences potentiellement dramatiques pour les patientes et leur bébé
Même à la Clinique des Cèdres, pourtant pas la plus mal lotie, « le moindre grain de sable suffirait à dérégler la machine », témoigne Laure. Avant de préciser un peu sa pensée : « Pour l’instant, le Covid n’a pas eu un énorme impact sur nous, d’autant qu’on est toutes vaccinées. Mais si demain, par exemple, on a des cas contacts, c’est simple, le service ne tourne plus ! »
Le sous-effectif et la dégradation des conditions de travail des sages-femmes dans les maternités privées pourraient avoir de lourdes conséquences sur la santé des patientes et de leurs nouveau-nés, alerte le personnel. © Shutterstock
Les sages-femmes insistent en outre sur les conséquences potentiellement dramatiques de cette dégradation des conditions de travail, couplée à une surcharge certaine. Les effectifs actuels, assurent-elles, « ne permettent plus un accompagnement des patientes et de leurs nouveau-nés en toute sécurité ».
« Ce sera au préfet de décider s’il nous réquisitionne »
Afin d’enclencher une réaction, 2049 sages-femmes de toute la France (soit 92 % des professionnels du secteur privé) ont co-signé une lettre adressée, le 26 novembre 2021, au président de la FHP. Faute de réponse, un second courrier de relance a été envoyé le 24 décembre, suscitant cette fois un retour laconique du destinataire. Les sages-femmes ont donc passé la vitesse supérieure en déposant, à partir de ce lundi 3 janvier 2022, des préavis de grève reconductible ou illimitée selon les maternités.
Quid de la suite ? Sans proposition du ministère de la Santé ou de la FHP, le mouvement devrait se poursuivre. « Après, ce sera au préfet de décider s’il nous réquisitionne ou si on ferme les salles d’accouchement », explique Laure.
Sollicitée par nos soins, la direction de la Clinique des Cèdres, à Échirolles, n’avait pu être jointe au moment de la publication de cet article.