FOCUS – Si les livres restent des cadeaux de fin d’année particulièrement prisés, encore faut-il les trouver. Quoi de mieux, dès lors, que de pousser la porte d’une bouquinerie ? À Grenoble, Le Livre voyageur a succédé in extremis à La Bouquinerie, pour le plus grand plaisir de ses habitués comme des bibliophiles.
« La bouquinerie, c’est un endroit où l’on trouve ce que l’on n’était pas venu chercher ! » C’est ainsi que Sylviane Clier appréhende son nouvel univers, elle qui depuis six mois déjà tient à Grenoble Le Livre voyageur, venu remplacer La Bouquinerie, boulevard Agutte-Sembat. Ceci alors que rien (ou presque) ne prédestinait cette “ancienne” de la fonction publique territoriale à aborder sa retraite en devenant propriétaire d’une bouquinerie.
Après quarante ans au service du livre et de la littérature, les propriétaires de la Bouquinerie de Grenoble, Martine et François Gaspari, pensaient en effet fermer pour de bon leur échoppe. C’est in extremis que Sylviane Clier a repris le local, après avoir poussé la porte… pour jeter un œil aux promotions. « C’était le jour de mon anniversaire. Je me suis dit que j’allais me faire un cadeau », plaisante-t-elle aujourd’hui.
Une reprise à peine quelques jours avant la fermeture
Une reprise qui a été un soulagement pour les clients habituels et les bibliophiles de Grenoble. Les libraires d’occasion sont certes au rendez-vous à la brocante Hoch chaque premier samedi du mois, et au Jardin de Ville chaque troisième samedi du mois. Mais le plaisir de pousser une porte pour s’emplir les narines des senteurs de livres anciens se fait rare, après de nombreuses fermetures au cours des quinze dernières années.
« C’est un patrimoine que j’avais envie de conserver, de faire perdurer », explique Sylviane Clier. Qui nourrissait depuis quelques années l’envie de monter un projet autour du livre, sans envisager pour autant la reprise d’une librairie. « Ça s’est concrétisé sans préméditation de ma part », raconte-t-elle. Mais le désir de transmettre sa passion de lectrice comme d’amoureuse du livre-objet était, lui, bien présent.
Comment s’est déroulée la transition ? Sylviane Clier craignait que le poids des Gaspari puisse peser sur ses épaules. « On ne passe comme cela quarante ans de bouquinerie à une novice dans le domaine », se disait-elle. Rien de tout cela, pourtant : « Ils ont vraiment été extraordinaires. Ils m’ont aidée, accompagnée, conseillée… Je les ai beaucoup écoutés, je leur ai même conseillé d’écrire un livre ! » Et aujourd’hui, le couple de retraités compte parmi ses clients occasionnels.
« Je pense que les livres peuvent nous sauver de tout »
Sylviane Clier s’est naturellement appropriée les lieux, tout en gardant l’esprit d’une bouquinerie généraliste. Les rayons bandes dessinées et littérature jeunesse ont disparu, deux domaines que la bouquiniste avoue ne pas maîtriser suffisamment. Les livres anciens sont en revanche toujours présents, aux côté de la littérature contemporaine. Le rayon poésie s’est quant à lui agrandi, et un rayon dédié aux auteures a été créé au premier étage.
« C’est le rayon des “passeuses d’histoires”, des auteures féminines classiques ou contemporaines, qui ont permis d’apporter leur pierre à l’édifice, ça me tenait à cœur », explique-t-elle. Nancy Huston ou Virginia Woolf comptent d’ailleurs parmi ses (nombreux) écrivains préférés. Aux côtés d’un Pascal Quignard, d’un Patrick Modiano, d’un Jim Harrison ou d’un Haruki Murakami.
« Il ne faut pas être élitiste. Il n’y a pas de bons ou de mauvais auteurs. Il y a des choses qui nous parlent », s’empresse d’ajouter Sylviane Clier. Qui explique apprendre autant de ses visiteurs qu’elle a, elle-même, l’occasion de les conseiller et de leur transmettre sa passion. Une nécessité par les temps qui courent ? « Je pense que les livres peuvent nous sauver de tout. De la solitude, de la mélancolie, de la tristesse », conclut-elle.