REPORTAGE VIDÉO - Grenoble accueillait, ce samedi 9 octobre 2021, une mobilisation organisée par l'association Millions missing France visant à faire mieux connaître l'encéphalomyélite myalgique (EM). Un rassemblement accompagné par La BatukaVI, marraine de l'association, particulièrement sensibilisée à cette maladie chronique invalidante qui a frappé sa cofondatrice.
« C'est une maladie invisible parce que les autorités sanitaires ne veulent pas la voir. Aujourd'hui, tout va bien, je suis là devant vous, mais demain je pense que je serai probablement alitée mais ça personne ne le verra. » Ce que décrivait devant une assistance fournie Chantal Somm, de l'association collégiale Millions missing France (MMF)1Cette association milite pour la connaissance et la reconnaissance de l'encéphalomyélite myalgique en France porte le nom compliqué d'encéphalomyélite myalgique (EM). Une maladie systémique invalidante qui touche plus de 300 000 personnes en France, reconnue par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 1969 mais toujours pas dans l'Hexagone2L’union européenne a pourtant voté une résolution en juin 2020, demandant aux États membres de reconnaître la maladie, d’améliorer sa prise en charge et de financer des recherches biomédicales.
Chantal Somm, membre de l'association collégiale Millions Missing France. © Joël Kermabon - Place Gre'net
D'où ce rassemblement organisé samedi 9 octobre 2021 rue Félix-Poulat par l'association afin de faire connaître cette maladie au grand public. Scolarité ou carrières arrêtées, familles éclatées, rêves brisés... L’EM vole des vies de femmes, d’hommes et d’enfants de tous âges et de tous milieux. « Les 3/4 des malades ne peuvent plus travailler. Une grande partie reste confinée à domicile sans date de sortie. Plus de 75 000 malades sont totalement dépendants, alités en permanence », alerte Millions missing France.
« La méconnaissance de la maladie crée un climat d'incompréhension, voire de discrimination et de maltraitance, explique l'association. Ainsi les malades se retrouvent-ils trop souvent isolés, sans aucun soutien du corps médical ou de leurs proches ».
La BatukVI, marraine de l'association Millions missing France
L'EM3Souvent appelée par erreur syndrome de fatigue chronique, souligne MMF est une maladie déroutante qui apparaît le plus souvent brutalement4Notamment à la suite d'une infection (mononucléose - virus d'Epstein-Barr, grippe, virus de l'herpès humain (HHV6), cytomégalovirus, parvovirose, infection par Giardia, Shigella etc.. Le malaise ou épuisement post-effort, caractéristique principale de la maladie, consiste en une aggravation des symptômes et de l’épuisement des patients après une activité physique ou cognitive, souvent banale. « Un malade peut se retrouver ainsi alité pendant plusieurs jours ou semaines après avoir fait de simples courses ou reçu des amis », décrit l'association MMF.
De surcroît, ajoute MMF, « les professionnels de santé n’ont aucune formation sur cette maladie complexe, aux multiples symptômes ». Ainsi douleurs, migraines, vertiges, troubles neurologiques, sensibilité aux infections sont-ils le lot de tous ceux qu'elle frappe. « Il n’y a pas de traitement curatif, la recherche – lorsque elle existe – se révèle largement sous-financée », regrette au micro Chantal Somm.
Devant la tribune improvisée sur les marches de l'église Saint-Louis, des chaussures, pour certaines accompagnées de pancartes, symbolisent les malades absents, trop faibles pour se déplacer. Tout autour, beaucoup de personnes venues en soutien, revêtues d'un tee-shirt rouge et blanc aux couleurs de MMF, accompagnent des malades en fauteuil roulant. Un véritable tour de force pour certaines d'entre elles qui ont tout de même réussi à puiser assez d'énergie pour être présentes sur ce rassemblement d'envergure nationale.
Au sein de la petite foule, on pouvait reconnaître les jeunes percussionnistes de la BatukaVI, une batucada d'enfants de Grenoble et d'Échirolles, marraine de Millions missing France. La maladie a, en effet, un jour rattrapé Shasha, une jeune femme très active avec laquelle Willy Lavastre avait lancé la fameuse batucada en 2010.
« On pourrait doubler le nombre de patients atteints d'ici un an en France »
La crise sanitaire de la Covid-19 aura-t-elle un impact sur la survenue de l'encéphalomyélite myalgique ? « Nous avons alerté, l'année dernière les autorités sanitaires en leur disant que nous aurons plus de malades qui développeraient la maladie. Mais elles ne nous ont pas entendus à ce moment-là, explique Chantal Somm. On l'est depuis et nous travaillons avec la Haute autorité de santé (HAS) pour la prise en charge des malades Covid long ». Mais aussi et surtout, précise-t-elle, « pour qu'ils ne déclenchent pas l'EM car les premiers chiffres qui arrivent sont très alarmants. On pourrait doubler le nombre de patients atteints d'ici un an en France. C'est un enjeu de santé publique majeur. »
Si aucune étude épidémiologique n'est disponible en France, « entre 330 000 et 670 000 personnes seraient atteinte d'EM, dont 90 % de non diagnostiquées et non prises en charge », affirme Chantal Somm.
Que demande l'association MMF ? « Nous avons besoin de gens, d'aide, que les proches des malades se mobilisent car tout le monde connaît un malade d'EM, mais on ne le sait pas et ça peut toucher n'importe qui », conclut Chantal Somm.