FOCUS – Lors du conseil municipal du lundi 14 décembre, le groupe d’opposition Société civile, divers droite et du centre est revenu sur le risque d’effondrement du plafond du restaurant scolaire du Jardin de Ville. Condamnant ces « rumeurs » et ces « fake news », le maire assure que cet immeuble ne présente aucun danger pour les enfants. Pour autant, l’état de ce bâtiment d’Actis présente de sérieuses dégradations. L’une des locataires éconduite par le service hygiène et salubrité de la Ville1Cf. droit de réponse en fin d’article, saisit l’équipe juridique mobile défendant les mal-logés pour avoir une expertise complète.
Lors du conseil municipal de lundi 14 décembre, le groupe d’opposition Société civile, divers droite et du centre (OSCDC) a interpellé le maire EELV Éric Piolle sur le problème du restaurant scolaire du Jardin de Ville. Située rue des Augustins, la cantine continue d’accueillir les demi-pensionnaires de l’école Jardin de Ville, alors que son plafond menace de s’effondrer, s’inquiète Brigitte Boer, conseillère municipale du groupe conduit par Alain Carignon.
À l’origine de ce risque ? Un dégât des eaux survenu début novembre, ainsi que l’état déplorable des planchers de l’immeuble d’Actis abritant la cantine, rappelle l’opposante.
Cette situation démontre, selon Brigitte Boer, « l’absence d’attention, la désorganisation, l’imprévision et les risques » que la Ville fait courir aux enfants.
Et la conseillère municipale de s’en prendre plus spécialement à Éric Piolle : « Comment, comme maire et président d’Actis disposant de tous les pouvoirs de décision dans ce domaine, avez-vous été aussi négligent ? » L’opposition demande également des diagnostics urgents sur les planchers de l’immeuble.
Tout risque d’effondrement de l’immeuble est écarté, selon la Ville et le bailleur
Il n’y a pas eu négligence, a réfuté le maire, à son tour de parole. « Toutes les précautions ont été prises en temps et en heure […] » depuis le 2 novembre, le jour du dégât des eaux, affirme Éric Piolle.
« Vous montez ici en épingle une situation […] Vous instrumentalisez, propagez des rumeurs, des fake news et mettez en doute le travail efficace et engagé des équipes ! », condamne le maire de Grenoble.
Il n’y a pas de risque d’effondrement, poursuit le premier magistrat de la Ville, se référant aux bilans rendus par les experts de la Ville et du bailleur Actis. Lesquels ont conclu à « l’absence de danger ». Pour la Ville, le dossier est clos. Le restaurant scolaire demeurera ouvert car « aucun élément ne permet […] de conclure à la nécessité de déplacer les enfants sur un autre site suite à ce dégât des eaux », précise encore Éric Piolle.
Des parents rassurés, une locataire de cet immeuble beaucoup moins
De leurs côtés, les parents délégués ont pris connaissance des rapports et se disent rassurés. « Le bâtiment est vétuste, mais sa solidité n’est pas remise en cause, la cantine n’est pas concernée par la problématique des logements », commente ainsi une déléguée de parents d’élèves.
Par contre, on ne peut pas dire que le rapport d’Actis ait apaisé l’inquiétude de l’une des locataires de l’immeuble, également mère d’une élève de l’école. L’expertise du bailleur a été bâclée, juge-t-elle.
L’expert n’a visité qu’un seul appartement de l’immeuble sur les seize, s’étonne-t-elle, et s’est basé sur quelques photos pour le reste.
Depuis des mois, cette locataire bataille pour faire constater les « graves dysfonctionnements » dans son appartement et dans l’immeuble. Elle a écrit plusieurs fois au maire de Grenoble, à l’époque aussi où il était encore président d’Actis, sans obtenir aucune réponse.
Délabrement des planchers à tous les étages
Pour sûr, les planchers de son immeuble s’effritent, se désagrègent, pourrissent et s’affaissent, maintient cette locataire. Les infiltrations des eaux durent depuis un bon bout de temps. Et le tableau que dépeint l’habitante n’est pas glorieux.
« Lorsque ma voisine du quatrième se douche, l’eau coule chez son voisin du dessous. Lorsque mon voisin du premier se douche, l’eau inonde le sol de sa salle de bain et de son couloir, relate-t-elle. Le plancher de sa salle de bain forme un « trou », c’est-à-dire une zone tellement imbibée d’eau, comme une éponge, que le bois y est noir et totalement pourri », poursuit la locataire.
« Mon voisin n’ose plus poser le pied à certains endroits, et moi non plus d’ailleurs, de peur de passer au travers. »
Et celle-ci de poursuivre son énumération : Un autre voisin du quatrième a dû placer, il y a dix-huit ans, en 2002, une plaque au sol pour couvrir un trou dans son plancher. Actis s’était engagée à effectuer des travaux qui n’ont jamais été réalisés. »
En plus des planchers, l’eau ruisselle des fenêtres. Le local à vélos délabré contient de l’amiante. Et les rats pullulent.
Quant aux caves inutilisables, elles ont purement et simplement été condamnées par Actis, rapporte la locataire qui trouve la décision choquante.
Comme bon nombre de locataires de l’immeuble, l’habitante veut quitter son appartement. De fait, elle a demandé sa mutation, qui tarde à venir.
Un service hygiène et salubrité de la Ville qui ne joue pas son rôle ?
Deux de ses voisins viennent de saisir le service hygiène et salubrité de la Ville de Grenoble. Pour sa part, ce service ne l’a pas aidée. En février dernier, la locataire l’a sollicité. S’agissant des planchers, les deux techniciens ont formulé l’hypothèse de la présence de xylophages.
Mais leur mission s’est arrêtée là. Ils ont passé le relais au bailleur. Faute de moyens, le service de la Ville a pour usage de procéder ainsi.
Il se concentre sur le parc privé et laisse les bailleurs gérer leurs difficultés avec les locataires.
Sauf que, pour l’habitante, Actis n’a toujours pas pris la mesure du problème, s’agace-t-elle.
Cet arrangement entre Actis et le service hygiène et salubrité lui paraît inadmissible dans la mesure où il empêche les locataires du parc social de faire valoir leurs droits. « Il s’agit, là, d’un usage du service hygiène et salubrité discriminant pour les plus vulnérables, estime la locataire. « Non seulement, ils subissent des conditions d’existence peu enviables et, de surcroît, ne trouvent personne pour en attester et légitimer leur parole. » Raison pour laquelle elle vient de saisir l’équipe juridique mobile de la Ville de Grenoble, dont le rôle est d’aider les mal-logés à se faire entendre, quitte à saisir la justice. Affaire à suivre donc…
Séverine Cattiaux
Droit de réponse de la Ville de Grenoble
La Ville de Grenoble a souhaité réagir après publication de l’article ci-dessus, au nom des agents du service Santé environnementale, ex Hygiène Salubrité Environnement. Nous reproduisons ci-après sa réaction telle qu’elle est parvenue à la rédaction, mercredi 23 décembre au matin.
« Le dossier dont il est question dans votre article est suivi par un des technicien-nes du service depuis fin février 2020. Il a fait l’objet d’échanges fréquents et continus avec la plaignante citée, locataire dans cet immeuble géré par Actis, jusqu’à ce jour. La coopération avec Actis a été permanente, malgré les contraintes posées par le premier confinement.
Les technicien-nes sanitaires sont des expert-es de la lutte contre l’habitat indigne, qui relève de plusieurs textes réglementaires. Ils / elles sont à ce titre habilité-es par le préfet et le maire, et assermenté-es par le Tribunal d’instance [Tribunal judiciaire désormais, ndlr]. Ils agissent en cas de défaillance ou inertie du / des propriétaires, et de risque pour la santé.
Les technicien-nes du service Santé environnementale de la Ville interviennent également, depuis 2015, en cas de suspicion de périls, au titre du Code de la Construction et de l’Habitation.
Ils traitent environ 300 dossiers relatifs à l’habitat chaque année.Concernant le 2 bis Philippeville :
– les visites sur place n’ont permis de constater aucune infraction au Règlement sanitaire départemental dans le logement de la plaignante, ni risque de péril, fut-il ordinaire.
– Pour le local à vélo, des dispositions ont été prises suite à notre signalement au bailleur.
– L’entreprise certifiée missionnée par Actis n’a pas identifié de traces ni de présence de xylophages.
– Actis a posé des boîtes de dératisation dans la cour.
– Le bureau d’études structure mandaté par Actis, qui a fait son expertise le 1er décembre, n’a relevé aucun risque d’affaissement de planchers ou d’écroulement de plafonds.
Contrairement à ce qui est indiqué dans l’article, Actis n’a pas comblé un défaut de moyens de la ville, mais a agi sur la base de son rôle de propriétaire.Certain-es plaignant-es peuvent-être insatisfait-es des conclusions, c’est compréhensible, dès lors qu’elles ne vont pas dans le sens de leur demande. Mais la mission des agent-es du service santé environnementale est d’appliquer la loi. Le dossier dont il est question dans l’article a été suivi de près par les technicien-nes et toutes les démarches ont été réalisées.
Pour finir, les plaignant-es ont la possibilité de recourir au Code Civil qui régit les rapports locatifs et les litiges entre locataires et propriétaires, relevant du droit privé. Les agent-es de la Ville leur rappellent régulièrement et les informent également du recours possible à la médiation grâce aux conciliateurs de justice. »