FOCUS - Les anti-PMA sans pÚre et anti-GPA se sont rassemblés place de Verdun à Grenoble, samedi 10 octobre. Ils souhaitent le retrait du projet de loi bioéthique qui doit passer en deuxiÚme lecture au Sénat. Plusieurs manifestations ont eu lieu partout en France pour peser dans le débat public. Mais aussi des contre-manifestations avec des militants anti-Manif pour tous. à Grenoble, les deux cortÚges ne se sont pas rencontrés.
« Un papa. Une maman. On ne ment pas aux enfants ! » Les slogans n'ont pas changé depuis la Manif pour tous de 2013. Mais les manifestants se battent désormais contre un autre projet de loi : la loi bioéthique. Une loi « ni bio, ni éthique » pour la centaine de militants rassemblés ce samedi place de Verdun à Grenoble.
Réunies sous la banniÚre Marchons enfants, une vingtaine d'associations ont battu le pavé ensemble autour de cet objectif commun. On distinguait des tee-shirts de la Manif pour tous, d'autres d'Alliance Vita, aux cÎtés de militants d'associations catholiques et protestantes.
La PMA pour toutes "priverait les enfants de la présence du pÚre"
La loi bioéthique a été adoptée en deuxiÚme lecture à l'Assemblée nationale, le 31 juillet 2020, avec 60 voix pour, 37 contre et quatre abstentions. Elle prévoit l'élargissement de l'accÚs à la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires.
« Nous considĂ©rons que cette mesure est injuste pour les enfants, puisqu'ils seraient alors dĂ©libĂ©rĂ©ment et intentionnellement privĂ©s de la prĂ©sence de leur pĂšre. Or on considĂšre qu'un pĂšre est nĂ©cessaire Ă l'enfant », argumente Augustin Cathignol, porte-parole du collectif "Marchons enfants". Un avis partagĂ© par Marie, 17 ans, responsable de "GĂ©nĂ©ration On ne lĂąche rien 38". Un groupe de jeunes rattachĂ© Ă la Manif pour tous. « Ce qui nous gĂȘne, c'est le fait qu'un pĂšre ne soit pas essentiel Ă l'Ă©ducation et que cela soit inculquĂ© aux enfants dĂšs leur plus jeune Ăąge. Que cela soit banalisĂ©. Nous pensons que ce projet de loi bioĂ©thique peut nous amener Ă un oubli du pĂšre », explique-t-elle.
Si les familles monoparentales existent déjà dans la société, « ce type de situation a été subi, rappelle Augustin Cathignol. Cela n'a pas été organisé par la société. Je ne suis pas sûr que l'on puisse s'en réjouir », poursuit-il.
Un risque « d'instrumentalisation de l'embryon » pour les manifestants
Les opposants à la GPA et la PMA sans pÚre s'insurgent également contre ce qu'ils considÚrent comme une « marchandisation du corps humain ». Pourquoi ? Parce que le projet de loi permet l'autoconservation des gamÚtes pour les femmes et les hommes, afin de pouvoir procréer plus tard. Et assouplit le protocole encadrant les recherches sur les cellules souches embryonnaires.
« Pour nous, lâembryon devient de plus en plus un matĂ©riau de laboratoire. Hier, on pouvait faire des recherches sur l'embryon jusqu'Ă sept jours. Demain, si la loi passe, ce serait jusqu'Ă quatorze jours et on ouvrirait la possibilitĂ© de crĂ©er des embryons transgĂ©niques », s'indigne Augustin Cathignol. Un nouveau dĂ©lai qui s'appliquerait Ă la culture in vitro des embryons humains.
"C'est une rupture anthropologique majeure. On l'on viendrait briser la ligne de crĂȘte entre le monde biologique humain et animal », ajoute-t-il.
Prendre en compte l'intĂ©rĂȘt de l'enfant
Pour les manifestants proches des milieux religieux catholiques et protestants, le sujet est Ă©galement sensible. « L'ĂȘtre humain n'est plus considĂ©rĂ© comme une personne Ă part entiĂšre. On en fait ce que l'on en veut », se dĂ©sole Jacqueline de la fĂ©dĂ©ration des associations familiales catholiques de l'IsĂšre. L'Ă©vĂȘque de Grenoble, Guy de KĂ©rimel, craignait dĂ©jĂ des dĂ©rives graves en juillet dernier.
Jean-Luc Tabailloux, pasteur protestant à Grenoble, s'est lui aussi opposé à la loi visant à renforcer et faciliter le droit à l'avortement, adoptée en premiÚre lecture à l'Assemblée nationale début octobre. Il redoute la suppression de la clause de conscience spécifique des médecins leur permettant de refuser un avortement.
« Tout croyant qui travaille dans ce domaine et qui sâhonore risque d'avoir Ă dĂ©missionner et Ă renoncer Ă son poste Ă lâhĂŽpital public. Ils devront choisir d'autres professions qui ne les obligent pas Ă transgresser leur foi ou leur convictions et leurs consciences », a tempĂȘtĂ© le pasteur Ă la tribune.
Jean-Luc Tabailloux remet aussi en cause l'allongement de l'IVG qui passerait de douze Ă quatorze semaines. « Si la vie d'un bĂ©bĂ© n'est pas sacrĂ©e, rien n'est sacrĂ©. Tout se vaut et, au final, rien n'a d'importance », juge-t-il. Le projet de loi bioĂ©thique devrait arriver au SĂ©nat dĂ©but 2021. D'ici-lĂ , les dĂ©bats risquent d'ĂȘtre houleux entre pro et anti-PMA sans pĂšre.
Tim Buisson
UNE CONTRE-MANIFESTATION DES PRO-âPMA POUR TOUSTESâ
En marge de ce rassemblement anti-loi bioĂ©thique (PMA, GPAâŠ), une contre-manifestation â dĂ©clarĂ©e en prĂ©fecture â est partie de la place Victor-Hugo. Plusieurs centaines de personnes avaient ainsi rĂ©pondu Ă l'appel de militants, syndicats et associations1Dont Nous toutes 38, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Solidaires, la CGT, le Planning familial, l'Union nationale lycĂ©enne (UNL), Pour une Ă©cologie populaire et sociale, La ConfĂ©dĂ©ration nationale du travail (CNT), l'Unef. Mais aussi Ensemble! IsĂšre, Collages fĂ©minicides Grenoble, Rita et l'Association transfĂ©minine de l'agglomĂ©ration Grenobloise (Atfag) pour la âPMA pour toustesâ.
« Ă chaque fois que les courants rĂ©actionnaires sont sortis pour attaquer nos droits, nous nous sommes mobilisĂ©Es plus nombreux/euses quâelleux », haranguait ainsi le tract des contre-manifestants.
« Lors de leurs priÚres devant le centre IVG ou de leurs conférences au diocÚse, [leur] présence a permis de faire entendre notre voix plus forte que la leur ! », y indiquaient les militants. En invitant, dÚs lors, à ne pas « leur laisser la rue [...] pour défendre [leurs] droits contre les réacs et pour en gagner de nouveaux ».
La loi bioéthique « ne va pas assez loin », selon les féministes
La principale revendication des contre-manifestants ? La procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes, dont l'élargissement aux femmes seules et aux couples de lesbiennes met « fin à une discrimination », estiment-ils. Avant de regretter que la loi bioéthique n'aille pas plus loin. Notamment concernant la filiation dans les couples de lesbiennes et des personnes trans qui, selon les organisations présentes, « restent toujours discriminantes ».
Les militantes fĂ©ministes demandent Ă©galement lâarrĂȘt des mutilations des enfants intersexes.
« Le droit des enfants Ă lâintĂ©gritĂ© physique et sexuelle est un droit inaliĂ©nable. Cela implique le droit de choisir si, quand, et comment, leur corps sera modifiĂ© », plaident-elles.
Quant à l'interruption volontaire de grossesse, « il faut aller plus loin », réclament les défenseurs des droits des femmes. Qui exposent ainsi leurs revendications en la matiÚre, forgées pour la plupart sur la base du rapport d'information Battistel-Muschotti sur l'accÚs à l'IVG
Une personne interpellée aprÚs la dispersion du cortÚge
Retour en images sur cette manifestation qui, bien qu'animée, s'est déroulée dans le calme. à ceci prÚs que des débordements ont eu lieu juste aprÚs la dispersion du cortÚge place Notre-Dame, selon nos confrÚres du Dauphiné libéré. Ainsi, les policiers ont-ils interpellé une personne, placée ensuite en garde à vue pour outrages envers les forces de l'ordre.
Joël Kermabon
1 Dont Nous toutes 38, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Solidaires, la CGT, le Planning familial, l'Union nationale lycéenne (UNL), Pour une écologie populaire et sociale, La Confédération nationale du travail (CNT), l'Unef. Mais aussi Ensemble! IsÚre, Collages féminicides Grenoble, Rita et l'Association transféminine de l'agglomération Grenobloise (Atfag).