FOCUS - Alors que la stratégie nationale est d'établir des priorités dans le dépistage de la Covid-19, le test RT-PCR n'est manifestement pas la panacée pour donner une indication quant à la contagiosité d'un patient. C'est pourtant sur la base de ces tests que les personnes infectées sont isolées. Et que des mesures sont prises pour ralentir la propagation du virus. Éclairage avec le Professeur Poignard, virologue au CHU de Grenoble.
Le test RT-PCR ne disent pas grand-chose de la contagiosité d'un patient. © Anissa Duport-Levanti - Place Gre'net
Le test RT-PCR, un test rendu quasi-inutile de par la lenteur de sa mise en œuvre et des résultats ? Ce n'est pas le seul point faible de ces tests viraux, pratiqués au moyen d'un prélèvement nano-pharyngé.
Peu fiables parce que trop sensibles, ces tests donneraient une image à un instant T pas vraiment représentative de la contagiosité du virus.
Car les tests virologiques sont d'abord des tests d’amplification génique chargés de détecter la présence du génome du virus, l’agent de la maladie Covid-19. Une technique très sensible, capable de détecter de très faibles quantités de génome viral en l'amplifiant par cycles successifs (cycle threshold ou CT).
« Si une grande quantité de virus est présente dans l’échantillon analysé, alors peu de cycles sont nécessaires à l’amplification et à la détection du génome viral, explique à Place Gre'net le Pr Poignard, virologue au CHU de Grenoble. Par contre, si la quantité de virus est faible, il faudra un plus grand nombre de cycles pour obtenir une amplification. Le nombre de cycles nécessaire à l’amplification est donc le reflet de la quantité de génome viral dans l’échantillon analysé ».
Le génome viral détecté ne correspond pas toujours à du virus vivant infectieux
En réalité, le génome viral ne correspond pas nécessairement à du virus vivant infectieux. « Il peut provenir par exemple de débris de virus qui peuvent persister des jours après l’infection, poursuit le virologue. On sait ainsi maintenant que seule une quantité relativement élevée de génome viral détectée par RT-PCR correspond à une quantité de virus vivant infectieux suffisante pour engendrer un risque de contagiosité. »
Pour connaître le potentiel de contagiosité du virus, il suffirait de connaître le nombre de cycles utilisés. Or, ces données ne sont pas communiquées par les laboratoires. © Anissa Duport-Levanti - Place Gre'net
Des tests donc qui peuvent être positifs, même pour des individus qui portent trop peu de virus pour être encore contagieux. Mais impossible d'en évaluer l'ampleur. Pour connaître le potentiel de contagiosité du virus, il suffirait de connaître le nombre de cycles utilisés. Or, ces données ne sont pas communiquées par les laboratoires. Qui plus est, il n'existe pas de consensus entre les laboratoires sur la valeur seuil du nombre du cycles correspondant à la présence de virus infectieux en quantité suffisante pour être contagieux, souligne le Pr Poignard.
Test RT-PCR : « Un résultat négatif n'exclut pas à 100 % la présence du virus »
Résultat ? Les laboratoires s'en tiennent à un résultat binaire : positif en cas de présence du génome viral, négatif son absence. Tout en préconisant dans ce dernier cas de figure, de refaire un test dans les jours suivants.
Car le résultat obtenu dépend de nombreux paramètres : qualité du prélèvement, sécurité de l'acheminement... Mais aussi de l'instant du prélèvement. Testé trop tôt, un patient aura une charge virale faible et un CT élevé. Mais pourra être infectieux deux jours après. Raison pour laquelle les laboratoires réclament une médicalisation du dépistage. Objectif : que le résultat soit interprété non pas sur la seule base des tests mais aussi d'un constat clinique, afin de limiter les fausses interprétations sans pour autant multiplier les prélèvements.
Bref, le test RT-PCR, non content de creuser le trou de la Sécu, est loin d'être la panacée. Il reste pourtant encore le test de référence. « L’avenir plus probablement appartient aux tests qui commencent à se développer, des tests plus faciles à réaliser, par exemple effectués sur des prélèvements salivaires, des tests rapides, beaucoup moins coûteux que la RT-PCR, que l’on pourra répéter fréquemment, et dont la sensibilité sera adaptée à la détection des sujets contagieux, souligne le Pr Poignard. La mise en place de tels tests aidera fortement à contrôler la pandémie de SARS-CoV-2. »
Patricia Cerinsek
Dépistage : des règles de priorité formalisées
Fini le dépistage de masse ? L'Agence régionale de santé Auvergne Rhône-Alpes (ARS) a édicté, dans la foulée de l'annonce du ministre de la Santé, des règles de priorité. Priorité donc aux patients munis d'une ordonnance. Mais aussi aux cas contacts à risques, aux personnels de santé et aux patients présentant des symptômes covido-compatibles. Dans la pratique, cela ne devrait pas changer grand-chose, les laboratoires n'ayant pas attendu le virage à 180 ° du gouvernement pour hiérarchiser les patients qui affluaient en masse.
« Entre le 7 et le 13 septembre, ce sont 132 200 tests qui ont été réalisés et diagnostiqués dans la région par les laboratoires publics et privés, comptabilise l'ARS. Cela représente en moyenne 18 900 tests par jour. »
L'Agence régionale de santé annonce l'ouverture de centres de prélèvement pour les personnes prioritaires. Centres qui seront adossés aux laboratoires qui en auront la responsabilité. Sans plus de précision pour l'heure quant au calendrier et lieux de déploiement.