EN BREF - À L'Alpe d'Huez, le projet de remplacer et déplacer un télésiège et d'étendre le réseau de canons à neige se heurte à l'avis de l'autorité environnementale régionale. Un avis pourtant absent du dossier d'enquête publique consultable par le public. Nouveau coup de canif dans le contrat de démocratie environnementale ? Il y a un mois, l'avis de cette autorité indépendante avait été balayé sur un autre dossier d'aménagement concernant, lui, les Deux Alpes.
Pour se faire une idée de l'impact d'un projet sur son environnement, les pouvoirs publics se basent sur l'avis d'une autorité indépendante : l'autorité environnementale. Ses travaux sont censés éclairer le verdict rendu par le préfet.
Mais, en Isère, coup sur coup, deux projets d'aménagement dans les stations de ski ont manifestement jeté aux oubliettes des rapports à chaque fois très critiques de ces experts.
Aux Deux-Alpes, l'avis de la mission régionale d'autorité environnement avait tout bonnement été relégué après les annexes, comme nous le relations le 1er septembre dernier. À l'Alpe d'Huez, le rapport n'a tout simplement pas été joint au dossier d'enquête publique consultable par le public jusqu'au 18 septembre. Tout comme la réponse du maître d'ouvrage. Ce qui va à l'encontre des dispositions réglementaires.
Un avis de l'autorité environnementale régionale absent du dossier en consultation
Au cœur de ce dossier ? Non pas seulement le remplacement d'un télésiège deux places par un six places débrayage – comme l'intitulé de l'enquête publique le stipule – mais également son déplacement. Quant à l'autre volet de l'enquête publique – celui de l'enneigement d'une piste de ski –, il reste pour le moins discret. Il n'apparaît en tout cas ni dans l'intitulé ni sur le site de la mairie d'Huez.
Deux points sur lesquels l'autorité environnementale régionale tire à boulets rouges. Un avis très critique, étayé de nombreuses recommandations, que le quidam désireux de s'informer sur le projet ne peut donc consulter. Faut-il y voir un lien de cause à effet ? En dehors de quelques spécialistes et personnes bien informées, les observations favorables à ce nouvel équipement sont pléthores.
Nouveau coup de canif dans le contrat de démocratie environnementale ? Cette “entorse” aux dispositions réglementaires a, en tout cas, fait bondir Pierre Christophe Blanchard, qui a notamment été commissaire enquêteur sur le dossier désormais enterré du Center parcs de Roybon. Celui-ci ne s'étonne pas seulement de tels « oublis ».
En toile de fond, la liaison Alpe d'Huez - Deux-Alpes ?
« Il est surprenant de constater que le marché de travaux du TS6 a été publié le 4 février 2020, ce qui ne peut qu'étonner au regard des éventuelles prises en considération des résultats de l'enquête publique unique », pointe ainsi Christophe Blanchard, tout comme l'autorité environnementale régionale.
Cet équipement se justifie-t-il ? L'extension du réseau d'enneigement artificiel a-t-il été bien étudié ? L'autorité environnementale en doute. Elle recommande en tout cas notamment de reprendre l'étude d'impact sur les volets ressource en eau et zones humides. Un chapitre qui avait plombé le projet de Pierre & Vacances dans la forêt des Chambarans.
Elle n'est pas la seule. Paul Chatelus, dont la famille a été à l'origine de la fondation de la station de ski, juge lui aussi le projet démesuré.
« La capacité de l’installation prévue/débit skieurs est trop ambitieuse », écrit-il en marge du rapport d'enquête publique. « La piste de Sarenne est déjà souvent saturée et son accidentologie depuis sa transformation en quasi “autoroute” a explosé. On ne comprend donc pas bien pourquoi une si grande capacité est proposée, à moins qu’on ne veuille pas dire qu’on pense au trafic généré par une potentielle liaison Huez-Les Deux Alpes. »
Une liaison dans les cartons depuis des années et qui pourrait être remise à l'ordre du jour. La société d’aménagement touristique (Sata), gestionnaire de la station de l'Alpe d'Huez, sera le 1er décembre prochain le nouveau gestionnaire des Deux-Alpes.
Patricia Cerinsek