FOCUS – L’inimitié grandit chaque jour un peu plus entre le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin et Eric Piolle, maire EELV de Grenoble. Chacun tient en effet l’autre pour responsable de la montée de l’insécurité et du trafic de drogue, notamment à Mistral. La polémique a éclaté après l’opération de la police nationale dans ce quartier, faisant suite à la diffusion de vidéos sur les réseaux sociaux montrant des dealers armés sur un point de vente.
Il s’est dit « effaré » tant sur le fond que sur la méthode. C’est peu dire qu’Eric Piolle, interrogé ce vendredi 28 août sur BFM TV, a peu apprécié le courrier du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin. Le maire ne s’attendait en effet pas à découvrir sur les réseaux sociaux la missive ministérielle de deux pages à son attention.
Face à la délinquance, tous les acteurs doivent prendre leurs responsabilités. Nos compatriotes n’attendent pas de nous des discours angéliques mais une intervention résolue pour restaurer l’autorité de l’Etat.
Mon courrier de réponse à Eric Piolle, maire de #Grenoble. ?⤵️ pic.twitter.com/0tXBTZinrz— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) August 28, 2020
Une réponse bien tardive, se plaint également le maire de Grenoble, à un courrier de sa part remontant à mars dernier, juste avant le confinement. Face à la montée des tensions dans les quartiers, Eric Piolle avait alors cosigné avec les maires d’Échirolles et de Saint-Martin-d’Hères une lettre réclamant des moyens supplémentaires afin que la police nationale puisse assurer la sécurité de leurs concitoyens.
Une police municipale « dans le haut du panier »
Dans son courrier, Gérald Darmanin soutient que la police nationale ne ménage pas ses efforts ni ses moyens pour s’attaquer à la délinquance et au trafic de stupéfiants à Grenoble. Mais il faudrait par contre que le maire de Grenoble mette du sien dans la « co-production » de la sécurité dénonce le ministre. Lequel passe en revue certains aspects de la police municipale de Grenoble problématiques à ses yeux.
À commencer par les effectifs. Cent policiers municipaux, c’est peu comparé à ceux de Nice, par exemple, tacle Gérald Darmanin. On dénombre en effet un agent pour 1580 habitants à Grenoble contre un pour 550 habitants à Nice.
Elle fait partie des polices les « plus importantes de France », conteste le maire de Grenoble sur BFM. « Nous sommes dans le haut du panier » renchérit-il.
Du reste, cette comparaison n’a aucun sens pourfend, dans un communiqué, le groupe EELV Grenoble. « Les effectifs de la police municipale [de Nice] sont une exception et la conséquence de la dérive sécuritaire de la droite locale. »
Un armement adapté aux missions selon Éric Piolle
Autre grief, formulé par le ministre, les policiers municipaux de Grenoble ne disposent pas d’armes à feu. Ils sont dotés de pistolets à impulsion électrique, rétorque le maire sur BFM. Soit un équipement adapté et qui correspond à leurs missions de sécurité de l’espace public, estime-t-il. Et de souligner, contrairement à ce qu’affirme le ministre, que la police municipale de Grenoble effectue bien des patrouilles la nuit jusqu’à 3 heure 30.
Le maire omet toutefois de préciser que seules deux équipes sont opérationnelles la nuit et se cantonnent au centre-ville.
Quid de la vidéosurveillance également en jeu ? Le maire n’a jamais caché sa méfiance à l’égard du dispositif. Il dément néanmoins les allégations du ministre.
Trafic à Grenoble : la vidéosurveillance en question
La vidéosurveillance est bien opérationnelle dans la capitale des Alpes et présente dans les « endroits stratégiques » martèle Eric Piolle. Peu avant son intervention sur BFM, Maud Tavel, adjointe à la tranquillité s’était, elle aussi, montrée tout aussi catégorique.
« On a continué à entretenir les caméras dans tous les lieux où elles fonctionnaient et à la développer, là où on considère qu’elle est importante. À savoir dans les espaces clos, les transports en communs et sur les axes de circulations ».
Grenoble s’est tout de même passée de l’aide financière de la Région Aura pour l’installation de caméras, ne manque pas de souligner Les Républicains de l’Isère.
Une aide qui serait « conséquente », précise Nathalie Béranger, conseillère régionale au sein de la majorité de Laurent Wauquiez. Laquelle partage globalement l’analyse du ministre LREM s’agissant des griefs à l’encontre de la gestion de la sécurité par Eric Piolle. La secrétaire du groupe isérois et conseillère municipale d’opposition du groupe dirigée par Alain Carignon ajoute que le « manque de vigilance dans l’attribution des logements sociaux » participe à accentuer les difficultés dans les quartiers.
« Stratégie de communication digne de l’extrême-droite »
« Cette mise en cause de notre police municipale est irritante, déclare mécontente Maud Tavel, On n’a pas besoin de ça. Ce qu’il faut, plutôt, c’est une coordination avec l’État », affirme l’adjointe. Reste que ces récents échanges houleux par réseaux sociaux et médias interposés risquent fort de retarder les prises de décision contre le trafic de stupéfiants à Grenoble.
D’autant qu’EELV Grenoble n’y va pas non plus avec le dos de la cuillère. Le groupe politique qualifie ainsi la réponse du ministre de « trumprienne », d’« indécente » et de « stratégie de communication digne de l’extrême-droite ».
Ce qui n’empêche pas Eric Piolle de proposer au ministre de venir à Grenoble sur BFM TV afin de « débattre de la coopération » entre la police municipale et L’État, ainsi que « des stratégies possibles de lutte contre les trafics, contre toutes les violences, dont celles faites aux femmes » ajoute-t-il. Une allusion grinçante à l’accusation de viol visant le ministre de l’intérieur.
Et si besoin était d’en rajouter, le groupe EELV enfonce encore le clou à ce sujet. « Darmanin n’aurait jamais dû devenir ministre de l’intérieur, étant l’objet d’une enquête suite à des accusations d’avoir obtenu des faveurs sexuelles en échange de promesses de logements sociaux ». L’intéressé appréciera.
Légalisation du cannabis et revenu universel contre le trafic à Grenoble
Enfin, le démantèlement du trafic de stupéfiants à Grenoble réclame la mise en place de « solutions structurelles », rappelle le groupe local EELV. Ce qui passe, selon les Verts, par la légalisation du cannabis et la réglementation de sa vente, assorties d’une politique de réduction des inégalités, avec l’instauration d’un revenu universel. Des propositions pour sûr très éloignées du logiciel du gouvernement LREM…