EN BREF – Plusieurs associations et collectivités territoriales poursuivent leur action contre le groupe Total. Selon elles, la multinationale pétrolière ne respecte pas la loi sur le devoir de vigilance, notamment au niveau environnemental.
Elles persistent et signent. Après l’avoir mis en demeure en juin 2019, cinq associations et quatorze collectivités territoriales, dont Grenoble, assignent Total en justice. En cause : le manque d’engagements de la firme en faveur de la réduction de son impact environnemental.
Que dit la loi ?
L’action en justice repose sur la loi de mars 2017 concernant le devoir de vigilance s’appliquant aux entreprises. Qui stipule que celles-ci doivent prendre des « mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement ».
Ces mesures comprennent une partie surveillance, avec l’obligation de fournir une cartographie des risques, une évaluation régulière de la situation de l’entreprise, de ses filiales et de sous-traitants, et un mécanisme d’alerte. Elles comportent aussi une partie exécutive, avec l’obligation de prendre des actions d’atténuation des risques et d’inclure un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d’évaluation de leur efficacité. Le détail de ces mesures doit ensuite être inclus dans un plan de vigilance, au sein du rapport annuel de l’entreprise.
Rappel de la chronologie
23 octobre 2018 : le collectif d’associations et de collectivités « 1,5 C° nous sommes les territoires qui se défendent » interpellent Total sur l’absence de référence environnementale dans son plan de vigilance. Ce malgré le fait que le géant du pétrole soit responsable, à lui seul, de 1 % des émissions mondiales de gaz à effets de serre selon le rapport spécial du Giec.
14 janvier 2019 : le directeur juridique du géant pétrolier accepte l’intégration de cette problématique dans le prochain rapport annuel. Toutefois, le second plan de vigilance s’avère très décevant pour le collectif.
19 octobre 2019 : Total est mis en demeure par le collectif, qui dénonce par ailleurs « l’inaction de l’État en matière de régulation des multinationales ».
28 janvier 2020 : Face au rejet de la mise en demeure par Total, les associations et collectivités assignent la firme devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Cela signe le premier contentieux climatique contre une multinationale de pétrole en France.
Pousser la justice à agir contre Total
« Ce contentieux est une occasion forte de mesurer la portée concrète de la loi sur le devoir de vigilance. La nécessité de passer du discours aux actes, c’est tout le message qui doit être adressé à ce groupe et à tous les acteurs », explique Florence Denier Pasquier, vice-présidente de France nature environnement, membre du collectif d’action. Les autres associations à la manœuvre sont Notre Affaire à tous, Sherpa, Zea libérons l’océan et les Éco maires.
Côté collectivités, Éric Piolle dénonçait déjà, lors de la mise en demeure de 2019, l’impact négatif du changement climatique sur le territoire des Alpes et déclarait : « Ensemble, nous avons aussi la responsabilité de pousser les plus gros émetteurs de gaz à effets de serre à montrer l’exemple. »
Une commune empêchée de se joindre à l’action par la préfecture de l’Isère
À noter également que la préfecture de l’Isère s’était opposée, en décembre dernier, à la décision de la commune de Champneuville de se joindre à l’action contre Total. Le maire se défendait : « Notre délibération n’est pas une délibération militante ni politique mais bien une délibération citoyenne. L’action de notre commune se substitue aux manquements de l’État qui laisse les plus gros émetteurs de GES ne pas respecter leur devoir de vigilance. »
La balle est maintenant dans le camp de la justice. Selon la décision du tribunal, Total pourrait être dans l’obligation d’intégrer un plan détaillé de vigilance à son bilan annuel. Elle pourrait même devoir rembourser les dégâts environnementaux causés par le non-respect de son devoir de vigilance.
Anissa Duport-Levanti