FOCUS – Cette fois ça y est : après quatre ans de travaux, le théâtre Prémol de Grenoble rouvre ses portes au public au soir du 19 octobre. Non sans organiser une grande fête, dont le programme s’étend de 19 heures… à 8 heures le lendemain matin. L’occasion pour l’équipe du théâtre et l’association qui le gère de tourner la page sur plusieurs années de tristesse, après la nuit de 2015 où l’établissement a été détruit par les flammes d’un incendie volontaire.
« Nous sommes partis du principe que nous étions restés toute une nuit pour l’incendie, alors nous allons rester tout une nuit pour la réouverture », se réjouit d’avance Elizabeth Papazian.
L’incendie ? Le 18 avril 2015, le théâtre Prémol au cœur du quartier Villeneuve était détruit par les flammes. Un incendie d’origine criminel, dont les auteurs n’ont jamais été identifiés. Et qui avait alors suscité une vive émotion et un profond sentiment de révolte chez les habitants.
Responsable de secteur, Elizabeth Papazian se souvient encore de cette nuit. « Nous étions en salle le soir de l’incendie. Il a fallu évacuer une cinquantaine de personnes et nous sommes restés bien impuissants toute la nuit à voir ce bel outil se désagréger sous nos yeux. » Quatre ans plus tard, le théâtre rouvre au public, à l’occasion d’une nuit de toutes les surprises, le samedi 19 octobre de 19 heures… à 8 heures du matin le lendemain.
Le renouveau dans la continuité
L’objectif de la soirée ? Que des représentations de théâtre, des lectures de poésie, de la musique, de la danse et d’autres choses encore soient là pour accueillir le visiteur à tout moment. « Peu importe l’heure à laquelle vous pousserez la porte de Prémol. Des équipes artistiques seront là pour vous régaler ! », promet Elizabeth Papazian. Un « moment de fête et de convivialité » qui réunit une pléiade d’artistes, ainsi que la participation des habitants.
Pour la présidente de l’association MJC Théâtre Prémol, cette grande nuit de réouverture n’est pas seulement un événement festif, mais a presque valeur d’exorcisme. « C’est peut-être une page qui va se tourner enfin, après quelques années de tristesse et de douleur », espère Hélène Vincent. Qui parle volontiers de nouveau souffle ou de renouveau, mais « dans la continuité d’une histoire ». Le théâtre Prémol s’appuie après tout sur cinquante ans d’existence. Avec à cœur une mission d’éducation populaire et d’initiation aux formes d’expression artistique.
Après quatre ans de travaux, pour un coût de 1,2 million d’euros supporté en grande partie par la Ville de Grenoble, le théâtre a donc retrouvé des couleurs. Mieux isolé sur les plans thermique et acoustique, il est aussi plus accessible aux personnes à mobilité réduite et désormais équipé d’une régie ouverte pour une meilleure communication entre artistes et support technique. « Tout n’est pas parfait », tempère son directeur Donatien de Hautecloque, mais le « niveau d’acceptabilité » est à ses yeux atteint.
Le théâtre Prémol, « un lieu de culture qui fait du lien entre les habitants »
Mais pourquoi avoir reconstruit le théâtre quand Grenoble en compte déjà tellement tant ? feint de s’interroger l’espace d’un instant Hélène Vincent. Pour mieux mettre en avant les enjeux et les atout du théâtre Prémol. « C’est important parce que c’est un lieu de culture qui permet de faire du lien entre les habitants, mais aussi entre les artistes, et l’on sait combien la culture est essentielle pour s’ouvrir et mieux se comprendre », note la présidente de l’association.
La culture est d’autant plus importante au sein du quartier Villeneuve que la population en est souvent plus éloignée que dans d’autres secteurs. « Il faut toujours aller vers les habitants, vers les jeunes pour les aider à se sentir légitimes », insiste Elizabeth Papazian. Pour qui trop souvent des personnes passent leur chemin devant le théâtre, avec le sentiment qu’un tel lieu n’est au final pas fait pour eux.
Autre particularité du théâtre Prémol ? Si l’établissement compte des salariés qualifiés, sa gestion est donc assurée par une association. Et un conseil d’administration composé en grande partie d’habitants, en mesure de donner leur avis sur les orientations de la salle. « C’est précieux pour que les gens puissent davantage se l’approprier ! », souligne Hélène Vincent. Une proximité qui se retrouve encore entre les artistes et les habitants, au travers notamment des résidences ou des espaces de répétition.
Gymnase, théâtre et collège proies des flammes
Si l’heure est à la fête et au renouveau, difficile cependant de ne pas repenser aux nombreux incendies qui ont touché le quartier de la Villeneuve ces dernières années. Alors que les “libertaires” ou assimilés s’attaquent à des gendarmeries ou des médias, voire peut-être des églises* ou l’Hôtel de Ville, c’est un gymnase, un théâtre ou un collège qui sont la proie des flammes dans le sud de Grenoble.
Quelle réalité ces faits disent-ils de la Villeneuve ? « Ça pose des questions sur la société dans laquelle on vit », préfère se demander l’auteur et metteur en scène Ali Djilali, animateur d’ateliers au plus près des jeunes du quartier.
« Je ne comprends pas que l’on foute le feu ici. Je ne comprends pas que l’on crame une bagnole en bas de chez moi, mais je ne crois pas que cela soit spécifique à ici : c’est spécifique à ce monde qui ne va pas très bien », insiste-t-il.
Membre du conseil d’administration et habitant du quartier, Cécilio Sanchez aimerait surtout que l’attention ne se focalise pas sur ces actes qu’ils considèrent « idiots et dangereux ». « Le quartier ne le mérite pas ! », juge-t-il. Avant d’appeler les pouvoirs publics à apporter de l’apaisement et des réponses aux habitants. Car « certaines personnes peuvent avoir un sentiment d’abandon ou d’insécurité ». Un accès de proximité à la culture pourra-t-il, aussi, aider à y remédier ?
Florent Mathieu
* Longtemps décrit comme d’origine accidentelle, l’incendie de l’église Saint-Jacques de Grenoble serait au final d’origine criminelle, a en effet indiqué le procureur de Grenoble.