Les asso­cia­tions accusent le Département de vou­loir mettre « à la rue » des jeunes migrants tout juste majeurs

Les asso­cia­tions accusent le Département de vou­loir mettre « à la rue » des jeunes migrants tout juste majeurs

FOCUS – Droit au loge­ment 38 et plu­sieurs asso­cia­tions de défense du loge­ment ou des migrants se don­naient ren­dez-vous devant le Conseil dépar­te­men­tal de l’Isère mer­credi 28 août. Motif de leur colère ? Environ soixante-dix jeunes, pris en charge par l’aide sociale à l’en­fance en tant que mineurs non accom­pa­gnés et ayant atteint leur majo­rité, seraient en passe d’être mis « à la rue » au soir du 31 août. Le Département réplique en affir­mant que la mis­sion de pro­tec­tion de l’en­fance ne peut être confon­due avec celle de l’hé­ber­ge­ment d’ur­gence, et que la col­lec­ti­vité suit près de 500 jeunes majeurs en cours de formation.

« Soixante-dix jeunes majeurs étran­gers mis sèche­ment à la rue » ? C’est le chiffre que livre le Dal 38 (Droit au loge­ment) à l’oc­ca­sion d’un ras­sem­ble­ment devant l’Hôtel du Département de Grenoble. En cause ? La fin de l’hé­ber­ge­ment pour des jeunes mineurs non-accom­pa­gnés (MNA), sui­vis au titre de l’Aide sociale à l’en­fance (Ase), dont le pas­sage à la majo­rité les exclu­rait du dis­po­si­tif. Et les pri­ve­rait de solu­tion de loge­ment dès le début du mois de septembre.

Rassemblement de jeunes majeurs devant l'Hôtel du Département le 28 août 2019 © Florent Mathieu - Place Gre'net

Rassemblement devant l’Hôtel du Département le 28 août 2019 © Florent Mathieu – Place Gre’net

Face à cette situa­tion, l’as­so­cia­tion explique avoir demandé un entre­tien avec Sandrine Martin-Grand, vice-pré­si­dente du Département en charge de la Famille, de l’Enfance et de la Santé. Réponse ? Impossible pour cause de vacances. « Elle nous a fait dire […] que nous ne devions pas nous inquié­ter, que chaque cas était suivi et qu’elle nous tien­drait informé », écrit le Dal, visi­ble­ment peu convaincu.

« Un double dis­cours mani­feste et cynique »

C’est pour­quoi le col­lec­tif appe­lait à une mani­fes­ta­tion devant les locaux mêmes du Conseil dépar­te­men­tal de l’Isère le mer­credi 28 août à par­tir de 12 h 30. Une mobi­li­sa­tion sui­vie par de très nom­breux jeunes concer­nés par les sor­ties, ainsi que par d’autres orga­ni­sa­tions comme la Cisem, la Cimade, Migrants en Isère ou encore RESF 38. Tous signa­taires d’un com­mu­ni­qué com­mun pour s’in­quié­ter de l’a­ve­nir de ces jeunes majeurs.

Un jeune expose sa situation aux côtés des représentants des associations et collectifs, ainsi que de Bernard Macret, adjoint de la Ville de Grenoble © Florent Mathieu - Place Gre'net

Un jeune expose sa situa­tion aux côtés des repré­sen­tants des asso­cia­tions et col­lec­tifs, ainsi que de Bernard Macret, adjoint de la Ville de Grenoble © Florent Mathieu – Place Gre’net

Les reven­di­ca­tions des asso­cia­tions ? Que les jeunes en ques­tion puissent ter­mi­ner leur for­ma­tion qua­li­fiante, qu’ils obtiennent un titre de séjour avec auto­ri­sa­tion de tra­vailler, et que leur héber­ge­ment soit main­tenu jus­qu’à leur accès à l’au­to­no­mie. Et Stéphane Dezalay, res­pon­sable du groupe local de la Cimade, de dénon­cer un « double dis­cours mani­feste et cynique », alors que le Département vient de signer avec l’État un enga­ge­ment pour empê­cher les sor­ties sèches de l’Ase.

Militant CGT et RESF, Pedram Zouechtiagh évoque pour sa part une déci­sion qui lui « glace le sang ». « Je pense à ces jeunes de 18 ans lâchés comme ça, du jour au len­de­main. Même nous qui sommes dans la société fran­çaise, on se pose plein de ques­tions sur com­ment rem­plir un for­mu­laire admi­nis­tra­tif. Vous ima­gi­nez com­ment ils doivent se sen­tir, eux qui com­mencent à peine à par­ler le fran­çais et sont tout juste à la sor­tie de leur for­ma­tion ? », dénonce-t-il.

L’opposition de gauche monte au front

Les asso­cia­tions et les jeunes n’é­taient pas seules pré­sents au ras­sem­ble­ment. Parmi les sou­tiens au mou­ve­ment, l’élu de la Ville de Grenoble Bernard Macret qui n’a tou­te­fois pas sou­haité prendre la parole. Une pré­sence d’au­tant plus sym­bo­lique que l’ad­joint aux Solidarités inter­na­tio­nales est lui-même… un ancien res­pon­sable de l’Aide sociale à l’enfance.

Prise de parole aux côtés de jeunes de Nadia Kirat, du groupe d'opposition RCSE du Département © Florent Mathieu - Place Gre'net

Prise de parole de Nadia Kirat, du groupe d’op­po­si­tion RCSE © Florent Mathieu – Place Gre’net

Les trois groupes d’op­po­si­tion de gauche du conseil dépar­te­men­tal ont, pour leur part, adressé une lettre aux élus de la majo­rité. Leur demande ? Un « état des lieux de la situa­tion du renou­vel­le­ment des contrats jeunes majeurs en Isère au 31 août 2019 [et] des mesures d’accompagnement pour celles et ceux qui vont sor­tir de ce dis­po­si­tif ».

Pour Véronique Vermorel, élue du groupe RCSE (Rassemblement citoyen soli­daire et éco­lo­gie), le Département est en situa­tion de déni de ses obli­ga­tions. « C’est une pres­ta­tion légale de pour­suivre les par­cours jus­qu’à la fin des études, et une obli­ga­tion d’a­ver­tir un an avant qu’ils ne vont pas pour­suivre pour que les jeunes puissent quand même trou­ver une solu­tion », affirme-t-elle. Et de conclure : « Il y a clai­re­ment une volonté de ne pas assu­mer cela ! »

« Conduire les jeunes à l’autonomie »

Réponse de Sandrine Martin-Grand, sol­li­ci­tée par Place Gre’net ? « Ce que je peux com­prendre de la part de res­pon­sables asso­cia­tifs qui ne connaissent pas for­cé­ment la pro­tec­tion de l’en­fance ou ce que fait le Département, j’ai plus de mal en ce qui concerne les élus de l’op­po­si­tion ! », tacle l’é­lue. Avant de faire remar­quer que sur les 1 100 mineurs non accom­pa­gnés pris en charge par la col­lec­ti­vité à ce jour, près de 500 ont passé le cap des 18 ans.

Sandrine Martin-Grand aux côtés de Jean-Pierre Barbier © Florent Mathieu - Place Gre'net

Sandrine Martin-Grand aux côtés de Jean-Pierre Barbier © Florent Mathieu – Place Gre’net

Pour la vice-pré­si­dente, la mis­sion du Département est claire : « Accompagner ces jeunes avec le souci de les conduire à l’au­to­no­mie, de ter­mi­ner leurs études avec un diplôme qui leur per­mette de tra­vailler et de s’as­su­mer finan­ciè­re­ment ». Ce qui est le cas, estime-t-elle, des jeunes concer­nés par les sor­ties à la fin du mois d’août, soit deux mois après les exa­mens de juin. « Deux mois pour se retour­ner, trou­ver un emploi et un loge­ment », ajoute-t-elle.

Pas ques­tion en somme pour Sandrine Martin-Grand de confondre aide sociale à l’en­fance et héber­ge­ment d’ur­gence. « Ces jeunes sont en capa­cité de tra­vailler et d’ob­te­nir un loge­ment ou un héber­ge­ment, dans un foyer de jeunes tra­vailleurs par exemple. Nous ne sommes pas sur la même pro­blé­ma­tique ou la même confi­gu­ra­tion que pour les per­sonnes que défend le Dal, comme les débou­tés du droit d’a­sile. Il ne faut pas tout mélan­ger ! », s’agace-t-elle.

« L’idée, c’est d’a­me­ner ces jeunes vers le droit com­mun » assure le Département

Le direc­teur géné­ral adjoint du Pôle famille du Département abonde. « L’idée, c’est d’a­me­ner ces jeunes vers le droit com­mun, de pré­ve­nir les sor­ties sèches de l’Aide sociale à l’en­fance ». Le droit com­mun ? « L’accompagnement social, le Fonds soli­da­rité loge­ment, les mis­sions locales, les foyers de jeunes tra­vailleurs, les struc­tures d’hé­ber­ge­ment d’ur­gence, les dis­po­si­tifs des CCAS, etc. », énu­mère Alexis Baron.

Alexis Baron © Florent Mathieu - Place Gre'net

Alexis Baron © Florent Mathieu – Place Gre’net

Le cas se pose éga­le­ment pour les jeunes dont le titre de séjour n’est pas accordé par la Préfecture. « Si nous avons connais­sance que l’État a décidé que tel ou tel jeune n’a pas de droit au séjour, cela peut nous faire consi­dé­rer que son pro­jet d’in­ser­tion sociale et pro­fes­sion­nel n’a­bou­tira pas. Le Département ne peut qu’en tenir compte », indique Alexis Baron. Et ainsi mettre fin à l’hé­ber­ge­ment de la per­sonne en question.

Certes, Alexis Baron admet qu’il existe un risque que cer­tains jeunes puissent se retrou­ver à la rue, mais rela­ti­vise : « Ce risque existe dans l’en­semble de la popu­la­tion, avec les ten­sions selon les ter­ri­toires ». Sandrine Martin-Grand, pour sa part, res­serre de nou­veau sur la com­pé­tence du Département : « La pro­tec­tion de l’en­fance, ce n’est pas héber­ger des per­sonnes qui n’ont pas de toit sur la tête ! », insiste-t-elle.

L’inconditionnalité de l’ac­cueil en question

Un (nou­veau) dia­logue de sourds, entre un Département qui évoque sa mis­sion et des asso­cia­tions qui invoquent « l’in­con­di­tion­na­lité de l’ac­cueil » ? Une délé­ga­tion devait été reçue par Alexis Baron suite à la mani­fes­ta­tion, mais les col­lec­tifs ont demandé une ren­contre directe avec Sandrine Martin-Grand et Jean-Pierre Barbier, pré­sident du Département. « Je les ai ren­con­trés en février et en juillet, je n’ai pas prévu de les ren­con­trer de nou­veau », répond l’intéressée.

De nombreux jeunes majeurs ou mineurs non accompagnés étaient présents au rassemblement devant le Département. © Florent Mathieu - Place Gre'net

De nom­breux jeunes majeurs ou mineurs non accom­pa­gnés étaient pré­sents au ras­sem­ble­ment devant l’Hôtel du Département. © Florent Mathieu – Place Gre’net

Le Dal compte bien, pour sa part, pous­ser au bras de fer. « On a demandé aux jeunes de ne pas quit­ter les lieux, et on va leur don­ner des docu­ments à mettre sur leur porte pour rap­pe­ler la notion d’inconditionnalité du loge­ment », explique Patricia Ospelt, membre de Droit au Logement 38. Avec l’es­poir d’être suivi ? « Le sys­tème mis en place est très com­pli­qué pour eux, mais on va les aider à faire ça ! », conclut la militante.

Florent Mathieu

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Florent Mathieu

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