FOCUS – Le Dauphiné libéré a été définitivement relaxé et ne déboursera pas d’argent au profit des placiers de la Ville de Grenoble. Certains d’entre eux avaient en effet attaqué le quotidien régional suite à la parution d’un article mettant en cause leur probité. Vif soulagement du côté de la journaliste Saléra Benarbia, accusée d’avoir rapporté des propos diffamatoires par les plaignants. Déception pour ces derniers, qui n’en ont pas moins la « conscience tranquille », affirme leur avocat Maître Bernard Boulloud.
La cour d’appel du tribunal correctionnel de Grenoble a mis un point final à l’affaire opposant les placiers de la Ville de Grenoble au quotidien régional Le Dauphiné libéré.
Suite à l’audience en appel qui s’est déroulée le 20 mai dernier, les placiers de Grenoble n’ont pas obtenu de réparations financières pour préjudice moral.
Une procédure en appel « brinquebalante » selon l’avocat des placiers
Des réparations financières, c’est tout ce que les placiers pouvaient attendre de cette deuxième audience. Car le quotidien régional, accusé d’avoir colporté des propos diffamatoires à leur encontre, avait été relaxé en première instance.
Or, dans le système judiciaire français, la partie civile n’a qu’une seule possibilité pour qu’un procès soit rejugé au fond : que le procureur général ou de la République décide de casser le premier jugement. Sans cette intervention, la cour d’appel se borne à reprendre le dossier pour juger « les fautes civiles » éventuelles. Ce qui remet très rarement en question le jugement arrêté en première instance.
Regrettant cette « procédure brinquebalante », inhérente au fonctionnement de la justice française, l’avocat Maître Boulloud a par ailleurs déploré l’attitude du procureur général et du procureur de la République « quelque peu irrespectueuse à l’égard de ses clients ».
Les courriers adressés à ces deux hauts magistrats, leur demandant d’user de leur pouvoir et de casser le premier jugement, sont en effet restés lettre morte. L’avocat de la partie civile voit dans ce refus de répondre un manque de considération fort regrettable à l’égard des justiciables et des avocats.
Une affaire qui laisse bien des questions en suspens…
Quant à Saléra Bénarbia, auteure de l’article incriminé, elle avoue être soulagée de se savoir blanchie. Et n’a surtout pas envie de passer pour une journaliste opportuniste qui aurait voulu faire du buzz médiatique.
« Je n’ai jamais eu l’intention de nuire aux placiers, tient-elle à préciser. J’ai fait mon travail de journaliste du mieux que je pouvais […]. Je suis partie d’un point de départ et j’ai tiré le fil […]. La cour a reconnu que l’article était écrit de manière équilibrée […]. Et celle-ci d’exprimer un regret : « Il est un peu dommage que les placiers n’aient pas voulu que je les rencontre pour apporter leur témoignage. »
Faut-il y voir les effets du devoir de réserve du fonctionnaire, qui n’interdit toutefois pas aux placiers de parler de leur métier dans la presse ? À moins que ces derniers n’aient été expressément empêchés par la Ville de répondre aux questions du Dauphiné libéré ?
Une chose est certaine, l’équipe municipale a choisi la voie judiciaire en attaquant Le Dauphiné libéré et le journal de l’Union de quartier Saint Bruno-Europole-Berriat.
« Les placiers se remettront de ce procès, ils ont la conscience tranquille, estime leur avocat. Il y a sans doute eu des magouilles par le passé, mais eux n’ont rien à se reprocher. Ils sont allés en justice, en sachant qu’à tout moment le procureur pouvait lancer une enquête de police. »
Autre bénéfice que les placiers devraient tirer de cette affaire, ajoute leur avocat : être débarrassés des médias pendant un bon moment. « Si jamais ça se reproduit, on ne lâchera pas », lance Maître Boulloud comme une mise en garde.
Séverine Cattiaux
RETOUR SUR L’ARTICLE DU DL QUI A MIS LE FEU AUX POUDRES…
À l’origine de l’affaire opposant les placiers au Dauphiné libéré ? Un article de la journaliste Saléra Benarbia, sorti en avril 2017. Où plusieurs témoins font état de pratiques douteuses commises par des placiers de la Ville de Grenoble.
Ces placiers auraient bénéficié de largesses et de pourboires de la part de commerçants sur les marchés, à en croire des témoins cités dans l’article.
Des placiers, fonctionnaires de la Ville de Grenoble, auraient ainsi profité de leurs prérogatives pour s’en mettre plein les poches, apprend-on dans l’article.
Les placiers du service de la Ville de Grenoble ont toujours farouchement démenti ces accusations de corruption. Et ont voulu porter l’affaire en justice, après que la Ville de Grenoble ait renoncé à déposer plainte contre Le Dauphiné libéré.