FOCUS – Les juges viennent de relaxer le PDG du Dauphiné libéré. En sa qualité de directeur de la publication, Christophe Tostain était accusé de diffamation publique à l’encontre des placiers de Grenoble. En cause, un article de presse litigieux faisant état de la corruption de certains d’entre eux. Affaire classée ? Pas sûr. Les placiers et leur avocat pourraient se pouvoir en appel les jours prochains.
Dans l’affaire qui oppose les placiers de la Ville de Grenoble au PDG du Dauphiné libéré, le tribunal correctionnel a rendu son jugement mercredi 23 janvier. Et il décide de relaxer le directeur de publication « des faits de diffamation aggravée qui lui sont reprochés ». Christophe Tostain était poursuivi pour avoir laissé paraître un article dans lequel des placiers du service de la Ville de Grenoble sont accusés de tirer profit de leur fonction pour s’enrichir personnellement.
Dans l’article publié en avril 2017 dans les colonnes du quotidien et sur Internet, plusieurs témoignages, anonymes pour la plupart, concourent en effet à accuser des placiers du service communal de faits de corruption. Des allégations graves, mensongères et diffamatoires estiment les placiers. Allégations qu’ils ont toujours contestées.
Inutile de préciser que le jugement qui vient de tomber ne leur convient pas… Loin d’en rester là, ces derniers vont ainsi probablement faire appel de cette décision.
Décision de justice en demi-teinte ?
L’avocat de la partie civile Maître Bernard Boulloud se dit par ailleurs confiant quant à la possibilité de remporter la deuxième manche. De son point de vue, l’explication sur laquelle se sont fondés les juges, débouchant sur la relaxe du PDG, est des plus contestables. Si le tribunal dédouane le directeur de publication, il reconnaît en effet que « l’article contient à l’évidence des propos de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération ».
Quoi qu’il en soit, le directeur de la publication et la journaliste auteure de l’article n’ont rien à se reprocher, considèrent les juges. L’honneur des placiers de Grenoble n’a pas été entamé par cet article, affirment-ils.
Leurs arguments ? Les professionnels ne sont pas nommés par la journaliste, et les témoignages ne permettent pas de dater précisément les actes délictueux.
« Cet article fait état tant de pratiques qui seraient actuelles que de pratiques anciennes », est-il ainsi établi dans le prononcé du jugement.
Des placiers non identifiés… mais régulièrement raillés selon eux
Par suite, le tribunal conclut que les placiers du service de Grenoble n’étant pas visés ostensiblement dans cet article, ces derniers ne peuvent s’ériger en victimes, ni par conséquent recevoir de dédommagements.
Et les magistrats de citer dans le prononcé du jugement le texte de loi qui appuie leur décision : « L’action en diffamation n’est fondée que si le texte diffamatoire permet à la personne qui se prétend diffamer de se reconnaître comme étant personnellement visée, et aux lecteurs dudit texte de l’identifier. »
Les juges n’ont ainsi pas retenu l’argument des placiers qui ont affirmé lors de la première audience faire régulièrement l’objet de railleries de la part de commerçants et d’habitants depuis la publication de cet article.
L’avocat de la partie civile contre-attaque
Finalement, le tribunal a fait sien l’un des arguments de la défense avancé par Maître Jean-Philippe Delsart, avocat du PDG du Dauphiné libéré.
Argument qu’avait immédiatement voulu contrer l’avocat des placiers, Maître Boulloud, le jour de l’audience du 19 décembre dernier, et qu’il pourfend toujours. L’avocat de la partie civile rappelait ainsi que « l’article ne parlait pas “d’un” placier grenoblois mais plutôt “des” placiers ; ce qui englobait forcément l’ensemble des placiers encore en activité sur les marchés Grenoble, sans distinction aucune ».
En outre le service des placiers n’est constitué que d’une petite équipe de six à sept personnes qui travaillent alternativement sur les différents marchés. « À notre sens, l’identification s’imposait forcément ! [dans cet article d’avril 2017, ndlr] », proteste toujours l’avocat.
Le procureur de la République devra se prononcer
Les placiers ont jusqu’au 4 février pour interjeter l’appel. Si la partie civile n’a aucun droit d’appel concernant la peine prononcée, les placiers pourront en revanche réitérer leur requête de dédommagements à l’occasion d’une seconde audience.
Ils réclament chacun la somme de 10 000 euros « en réparation de leur préjudice moral respectif », ainsi que 2 000 euros, pour chacun également, au titre des frais nécessaires à leur défense.
Par ailleurs, « compte tenu de la nature de cette affaire et de la gravité des propos contenus dans l’article litigieux », Maître Boulloud entend également écrire au procureur de la République pour l’enjoindre d’user de son pouvoir de casser le premier jugement.
L’affaire serait alors intégralement rejugée par la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Grenoble.
Séverine Cattiaux