FOCUS – Une quinzaine d’enseignants se sont rassemblés devant le rectorat de Grenoble, ce mercredi 12 juin. Ils manifestaient une nouvelle fois leur inquiétude face à la réforme des lycées et du baccalauréat de Jean-Michel Blanquer. Répondant à l’appel national de plusieurs syndicats de l’Éducation nationale, ils feront grève le 17 juin, lors de la surveillance du premier jour du bac.
Et s’il manquait des examinateurs le lundi 17 juin, premier jour du baccalauréat ? C’est en tout cas la menace de grève brandie par des syndicats* d’enseignants pour tenter de convaincre Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale, d’abandonner ses réformes du bac et du lycée.
Réformes contre lesquelles, depuis plusieurs mois, les personnels de l’Éducation nationale se mobilisent dans de nombreux établissements et se sont rassemblés au cours d’actions nationales d’ampleur. Ce mercredi 12 juin, une quinzaine d’enseignants ont ainsi manifesté une nouvelle fois leur inquiétude devant le rectorat de Grenoble.
« C’est ceux qui ont le moins de mobilité qui auront le moins de choix »
« Nous sommes là pour alerter sur les différentes réformes de Blanquer du premier degré jusqu’au supérieur. Nous appelons, à partir d’aujourd’hui, à la grève le 17 juin prochain, premier jour du bac », explique Benjamin Moisset, représentant de Sud Éducation. Syndicaliste mais aussi professeur, ce dernier fustige la « destruction du bac national ».
Pourquoi l’idée de ces nouveaux « bacs locaux », avec des spécialités dans certains lycées et pas dans d’autres, hérisse le corps enseignant ? Parce que certains lycées de centre-ville seront privilégiés, avec une douzaine de spécialités, tandis que d’autres, en banlieue ou dans les zones rurales, n’en auront que quatre.
« C’est ceux qui ont le moins de mobilité qui auront le moins de choix. C’est une catastrophe en matière de distribution de l’offre de formation de l’Éducation nationale », tempête Alexandre Majewski de la FSU.
Les syndicats dénoncent aussi d’autres difficultés engendrées par la réforme Blanquer qui ne touche pas que ses seuls aspects territoriaux. En cause ? La complexité des choix que sont amenés à faire des élèves de seconde. Des décisions importantes qui vont influer sur leur orientation vers le supérieur via Parcoursup.
« Cette complexité va permettre aux élèves dont les parents ont les codes de l’école de s’en sortir beaucoup plus facilement qu’un élève dont les parents sont très éloignés de ces normes », explique Alexandre Majewski. Qui ajoute : « Nous sommes bien, là, devant une inégalité sociale et scolaire ! »
« On privilégie les lycées de centre-ville au détriment de ceux de la banlieue »
Benjamin Moisset pointe une autre inégalité : celle générée par les algorithmes de Parcoursup, où les implantations géographiques des lycées sont prises en compte. « Là encore, on privilégie les lycées de centre-ville au détriment de ceux de la banlieue », déplore l’enseignant. Inégalité à laquelle s’ajoute le stress de l’attente d’une affectation. En effet, certains lycéens doivent attendre jusqu’en septembre pour savoir s’ils intègrent ou pas des études supérieures.
« Avant cette réforme-là, tout le monde, quelles que soient ses notes pouvait accéder à l’université publique et gratuite », rappelle Benjamin Moisset.
Pourquoi avoir cristallisé la grève sur le jour du bac ? « Le bac, c’est Blanquer et Parcoursup qui l’ont tué. Concrètement, le bac ne sert plus à grand chose ! » Xavier Lecoq, enseignant au lycée des Eaux-Claires, ne décolère pas. « Soit les élèves ont une réponse positive dans Parcoursup et savent ce qu’ils vont faire l’année d’après, soit ils sont en attente », poursuit-il. Dans ce dernier cas, l’enseignant en est convaincu, « ce n’est pas le bac qui va changer les choses ! »
Des inégalités de traitement pour l’apprentissage
« D’une manière globale, nous avons une augmentation des effectifs par classe et une diminution de l’offre de formation », poursuit le syndicaliste. Une situation dont souffrent également les lycées professionnels. Ainsi, ajoute-t-il, « un tiers des disciplines importantes des lycées professionnels sont supprimées au profit de l’apprentissage ». Un secteur qui n’échappe pas, selon les syndicats, aux inégalités de traitement.
« Les filles, elles, n’ont pas accès à l’apprentissage parce que les employeurs n’en veulent pas. Pas plus qu’ils n’acceptent les enfants issus de l’immigration ! », fulmine Jean-François Michel de la CGT. Le résultat ? « Ceux-là vont rester dans les lycées professionnels avec moins d’heures de français, de maths et d’atelier, tandis que les autres pourront trouver des apprentissages. »
Quid des élèves passant leurs examens en ce premier jour du bac ? « L’UNL soutient notre appel à la grève. Les lycéens nous comprennent et soutiennent notre mouvement », assure Benjamin Moisset.
Joël Kermabon
* CGT Educ’action, CNT, FO-FNECFP, FSU (Snep, Snes, Snuep), Sud Éducation