FOCUS – La section apiculture du Groupement de défense sanitaire de l’Isère (GDS 38) a annoncé ce lundi 15 avril que l’éradication du frelon asiatique était impossible. En revanche, il est possible de limiter son expansion grâce à l’intensification d’une lutte ciblée s’appuyant sur un réseau de référents. Le tout adossé à une plateforme de signalement en ligne facilitant la localisation et la destruction des nids de frelons.
Le frelon asiatique, apparu dans notre département en 2014, inquiète sérieusement le Groupement de défense sanitaire de l’Isère (GDS 38). Remontant des département du Rhône, de l’Ardèche et de la Drôme, l’invasion a très vite tourné au cauchemar. Notamment pour les apiculteurs, à travers la pression que ce puissant prédateur exerce sur les ruchers, décimant sans pitié des colonies entières d’abeilles.
Une menace prise très au sérieux par le groupement, et ce pour plusieurs raisons. Outre la pression économique touchant les apiculteurs, existe aussi un risque sanitaire. Ne serait-ce qu’avec l’augmentation des décès par piqures, suite à des attaques massives.
Par ailleurs, le frelon à pattes jaunes, son autre nom, constitue aussi un véritable danger pour l’environnement et la biodiversité. En effet, il n’hésite pas à s’attaquer à une « population énorme » d’autres insectes – papillons, chenilles… – voire même à des petits passereaux pour nourrir ses larves, de juillet à septembre.
En résumé ? Une espèce invasive, nuisible, prédatrice pour les insectes et « dangereuse » pour l’homme. C’est du moins ce que confirme un arrêté de 2012 classant le frelon asiatique dans la liste des dangers sanitaires de 2e catégorie* pour l’abeille domestique
Tout le territoire de l’Isère risque d’être touché en 2019
Comment lutter contre ce fléau en Isère où 100 % du territoire risque d’être touché en 2019 ? Le GDS Rhône-Alpes et le GDS 38 avec sa section apiculture (GDSA) sont, en la matière, aux avants-postes. Ces organismes s’appuient sur un réseau de 500 référents “frelon asiatique” dont le rôle est d’aller sur le terrain pour confirmer la présence d’une colonie d’insectes. Des désinsectiseurs prennent ensuite le relai pour détruire sans états d’âme le nid ainsi repéré.
Présentation du dispositif de lutte contre le frelon asiatique à la Maison de l’Agriculture le lundi 15 avril 2019. © Joël Kermabon – Place Gre’net
« Ce n’est pas qu’un problème d’apiculteurs. Ils ont été les lanceurs d’alerte mais tout seuls nous ne pouvons rien faire. La lutte doit être collective », explique Érik Burdet, l’un de ces référents. De fait, détruire un nid est coûteux – environs 200 euros – d’où la nécessité d’une collaboration, notamment avec le Département de l’Isère.
Ce que confirme Robert Duranton, son vice-président chargé de l’agriculture. « Nous allons collaborer avec le GDS 38 pour l’aider à réduire la prolifération du frelon asiatique. Mais il faut aussi que les intercommunalités et les départements voisins interviennent, sinon nous n’y arriverons pas. »
État, Région, Département, « tout le monde doit être autour de la table ! »
À cet effet, le Département a ouvert une ligne budgétaire d’un montant de 30 000 euros qui doivent permettre de lancer l’opération. Pour autant, l’élu avoue ne pas savoir exactement quelle sera la somme totale nécessaire pour la première année. Ce, faute de connaître le nombre d’interventions réalisées avec le GDS 38 d’ici le mois de septembre. « Mais tout ce qui sera fait dès le départ permettra d’arrêter le développement du frelon asiatique », assure-t-il.
« Nous allons d’ailleurs nous rapprocher de toutes les communes de l’Isère pour les sensibiliser à cette problématique », enchaîne l’un des vice-présidents du GDS 38. L’objectif ? « Après la destruction d’un nid, outre la participation du Département, une partie pourrait incomber aux intercommunalités », espère-t-il.
Le tout sans oublier les autres participations de la Région et de l’État, car « tout le monde doit être autour de la table ! », ajoute Robert Duranton.
« Nous ne pourrons plus l’éradiquer, il faudra vivre avec »
Mais concrètement, comment réduire l’expansion du frelon asiatique et s’en protéger ? Le piégeage des insectes femelles fondatrices pour qu’elles ne fassent pas de nids primaires est une partie de la solution, indique le GDS 38. Mais c’est surtout la destruction des nids pour limiter leur prolifération que préconise le groupement. Pour autant, prudence, ce travail n’est pas à la portée de tous. « Il ne faut jamais prendre l’initiative de détruire soi-même un nid ! », conseille Érik Burdet.
Cette tâche nécessite en effet un personnel spécialisé ainsi que des produits, des outils et un équipement spécifiques.
Et pour cause, le frelon est très agressif lorsqu’il est dérangé. À tel point que le vêtement habituellement utilisé par les apiculteurs ne suffit pas à assurer une protection efficace.
Sans compter que l’insecte ne se contente pas seulement de piquer, il projette aussi un venin lorsqu’il attaque…
« À court terme, il n’y a pas une bonne visibilité sur les moyens de lutte autres que la destruction des nids », constate Bernard Verneyre du GDSA 38. Quant au piégeage, d’autres pistes sont explorées : trouver un appât très sélectif, procéder par détection par infra-rouges voire par drone interposé… Rien de bien solide pour l’heure.
L’idéal ? Trouver la bonne phéromone qui puisse attirer seulement le frelon à pattes jaunes, les pièges actuels attirant en effet d’autres insectes non nuisibles.
« Le frelon, il est là, nous ne pourrons plus l’éradiquer ! Il faudra apprendre à vivre avec et faire en sorte que sa pression soit la moins forte possible », affirme Bernard Verneyre.
Le frelon ? « Il faut le trouver, il faut le débusquer ! »
« Ce qui nous importe c’est que les apiculteurs, les randonneurs ou toute autre personne puissent signaler le frelon asiatique. » Pour Grégoire Maleval, le président de l’organisme, un seul leitmotiv : « il faut le trouver, il faut le débusquer ! »
C’est bien là tout l’objet du site internet crée par le GDS Rhône-Alpes, destiné à la localisation des nids pour permettre leur destruction systématique. Une plateforme de signalement où il est possible de pointer sur une carte la localisation précise de la découverte d’un nid qui sera ainsi géolocalisé et horodaté.
Est-ce un insecte seul ou un nid ? L’a-t-on trouvé sur un arbre, un bâtiment ? Si c’est un nid sur un arbre, à quelle hauteur est-il ? Autant de données complémentaires, dont d’éventuels commentaires et une photo – obligatoire –, utiles pour le destructeur qui sera dépêché sur place. Notamment pour le matériel à employer. La photo est importante, la majorité des gens confondant souvent les frelons européens ou les guêpes buissonnières avec le frelon asiatique.
Pour les smartphones, le site se décline à travers une application en tous points similaires, disponible sur les systèmes d’exploitation Apple et Android. Avec, cerise sur le gâteau, le confort de pouvoir prendre une photo sans devoir la géolocaliser, l’appareil s’en chargeant directement.
Un outil essentiel à la gestion et au recensement du frelon asiatique
Une partie administration ou back-office est associée au site. « C’est pour nous un outil de gestion où nous allons pouvoir retrouver tous les signalements », explique le président. En cas de doute avant de mandater un destructeur ? « Nous allons envoyer un des référents formés par l’État le plus proche de la zone qui va confirmer la validité des informations », précise Grégoire Maleval.
Le GDS Rhône-Alpes, qui prévoit la diffusion de la plateforme dans d’autres régions, reste optimiste. « Cet outil est très important pour nous car il va être la base de la gestion et du recensement du frelon asiatique en Isère », se félicite le président du GDS Rhône-Alpes. Une manière d’être réactif et de ne rien laisser passer face à cette invasion devenue un véritable fléau.
Joël Kermabon
* « Danger pour lesquels il peut être nécessaire de mettre en place des mesures de prévention, de surveillance et de lutte »
Le frelon asiatique en quelques mots
Il existe douze sous-espèces de frelons asiatiques (Vespa velutina) dans le monde. Celui qui est arrivé en Isère depuis l’Asie est le Vespa velutina nigrithorax, plus connu sous le nom de frelon asiatique “à pattes jaunes”. Bien que lui ressemblant, il ne doit pas être confondu avec le frelon européen qui, lui, n’est pas un nuisible.
Depuis sa première apparition en 2005 à Nerac (Lot-et-Garonne), il a ainsi couvert 100 % des départements français. Et ce sans rencontrer de difficulté particulière pour s’adapter. L’insecte à trouvé sous notre latitude un climat favorable, une nourriture abondante, pas de concurrents, ainsi qu’une absence quasi-totale de prédateurs.
Sans oublier qu’il a su s’imposer grâce à sa taille imposante – de 30 à 35 mm –, sa férocité et un cycle de vie permettant une reproduction exponentielle.