REPORTAGE VIDÉO – L’occupation des anciens locaux du Crédit agricole sur l’avenue Marcelin-Berthelot à Grenoble n’aura pas duré plus de quarante-huit heures. Informés d’une plainte de la Ville et d’une intervention imminente des forces de l’ordre, les militants du Dal 38 ont battu le rappel de leurs soutiens. C’est aux alentours de 18 heures que la police a procédé à l’expulsion, tandis qu’un membre du cabinet du maire conduisait en personne des familles sans-abris dans un gymnase.
L’occupation n’aura pas duré plus de quarante-huit heures. Les militants du Dal 38 avaient “ouvert” les anciens locaux du Crédit agricole, désormais propriété de la Ville de Grenoble, sur l’avenue Marcelin-Berthelot le mardi 9 avril. Ils ont été évacués manu militari par la police le lendemain, avec les personnes qui occupaient les bureaux déserts. Une opération policière annoncée, que le Dal et ses soutiens ont attendue de manière souvent festive toute l’après-midi (voir diaporama).
Dès le mardi soir, le collectif était en effet informé que la Ville de Grenoble avait porté plainte. Une déception pour les activistes, qui avaient reçu la visite l’après-midi même de David Laumet, membre du cabinet du maire Éric Piolle. Conseiller auprès des questions sociales, David Laumet avait soigneusement noté les revendications du Dal. Parmi celles-ci, une rencontre avec les élus grenoblois sur la question du logement et de l’hébergement.
Rassemblement de soutien au Dal devant les locaux
La rencontre n’aura pas eu lieu, ou du moins pas dans l’immédiat. Le mercredi 10 avril, David Laumet était en effet de retour sur les lieux en fin de matinée pour prévenir les occupants du local municipal que la police allait procéder à son évacuation le jour même. Dès midi, les militants du Dal et leurs soutiens ont alors battu le rappel sur les réseaux sociaux ou par SMS. Objectif : qu’un maximum de personnes soient présentes au moment de l’arrivée de la police.
[slideshow_deploy id=“238079”]
Si la police s’est fait attendre, les soutiens ont afflué de toutes parts. Membres du Dal ou de la Cisem (Coordination iséroise de solidarité avec les étrangers migrants), syndicalistes de Solidaires ou de l’Union nationale des lycéens, Gilets jaunes… Sans oublier le passage de Bruno de Lescure, du collectif (entre autres) Vivre à Grenoble. Ou la (longue) présence des deux élus grenoblois “dissidents” du groupe Ensemble à gauche, Guy Tuscher et Bernadette Richard-Finot.
Si des étrangers sans-papiers avaient quitté les lieux dans la matinée pour ne pas croiser la police, restaient encore sur place des personnes ayant passé la nuit dans le bâtiment. Des hommes seuls ainsi que plusieurs familles. Le Dal aurait reçu l’assurance qu’ils seraient pris en charge par les services du CCAS au moment de l’évacuation, et hébergés dans un gymnase pour une durée de dix jours.
Des familles emmenées dans un gymnase
Une information confirmée par Alain Denoyelle, adjoint de Grenoble à l’Action sociale, peu avant l’intervention des forces de l’ordre. « Nous allons leur proposer une prise en charge à l’extérieur du bâtiment, et un suivi sur leurs besoins d’hébergement », a ainsi expliqué le directeur du CCAS de Grenoble. Ceci « pour faire en sorte de travailler sur les solutions d’hébergement ou de logement qui pourraient être disponibles pour elles », a‑t-il ajouté.
Scène quelque peu surréaliste, c’est au final le membre du cabinet David Laumet en personne qui viendra chercher les familles au volant d’un mini-bus Citiz, aux alentours de 18 heures. Seul représentant de la municipalité, il se fera copieusement insulter. Et même agresser verbalement par un jeune sans-abri. Impassible, l’homme a emmené les familles chargées de leurs affaires, sous les cris de « vendu ! » scandés par les militants.
« Je trouve que nos élus n’ont pas de c… », s’indigne vertement Bernadette Richard-Finot face à la scène. « Soit on a le courage de flanquer les gens dehors, soit on ne l’a pas, mais faire venir un membre du cabinet, cela prouve qu’ils ne sont pas bien dans leurs baskets », estime-t-elle encore. David Laumet aurait, par la suite, assuré au Dal qu’une rencontre avec le maire de Grenoble serait organisée. Dans quel délai ? « Une dizaine de jours », selon le collectif.
Une évacuation dans la douleur
Toutes les familles n’ont pas encore “déménagé” lorsque la police procède à l’évacuation des locaux. En entrant par derrière, les forces de l’ordre repoussent les derniers occupants jusqu’aux escaliers de la porte d’entrée. Heurts et insultes : un policier lâche plusieurs jets de gaz lacrymogène (voir vidéo). Une petite fille en reçoit en plein visage. De même qu’une dame d’un certain âge, victime ensuite d’un malaise. Quand David Laumet revient pour un second voyage, il trouve le camion des pompiers sur place, en plus des voitures de police…
https://www.facebook.com/pagedeplacegrenet/videos/266373940936066/
Cette expulsion, Alain Denoyelle la justifie. « Ces locaux ne sont pas vides : ils sont en phase de préparation de travaux pour permettre l’intégration de 600 agents de la Ville et du CCAS à échéance de l’année prochaine », explique l’adjoint. Avant d’expliquer que des réunions et rencontres prévues sur place ont été annulées, du fait de la présence du Dal dans les locaux. « Ces lieux, nous en avons besoin pour la Ville dès à présent ! », assure-t-il.
À l’image de la Ville d’Échirolles la semaine précédente, l’adjoint juge enfin que le Dal fait un mauvais procès à la municipalité grenobloise : « Ce n’est pas facile d’être mis en cause quand nous nous battons, nous aussi, depuis des années sur la prise en charge des personnes ! » Et de citer les « logements alternatifs » mis en place par la Ville, qu’il s’agisse du village du Rondeau ou des appartements d’instituteurs mis à disposition.
« Sur le combat du logement, nous sommes bien en phase avec le Dal… mais, derrière, c’est la Ville de Grenoble qui se retrouve mise en cause, et les locaux de la Ville qui sont occupés », déplore enfin Alain Denoyelle. Un discours peu audible pour le Dal qui, de son côté, continue d’exiger de la municipalité grenobloise, comme de la Métropole, qu’elles procèdent à des réquisitions de logements vides, et signent des arrêtés anti-expulsion.