FOCUS – Oriade-Noviale, leader de la biologie médicale de l’arc alpin, a inauguré sa nouvelle chaîne de microbiologie, ce jeudi 4 avril. Installée à Saint-Martin‑d’Hères, Total Lab Automation BD KiestraTM intègre les derniers progrès de la robotisation et de la digitalisation. Une modernisation augmente la vitesse et le volume des analyses, mais aussi la qualité et la fiabilité des résultats. De quoi améliorer la pertinence des soins, une des priorités de la réforme « Ma santé 2022 ». Et appuyer le développement régional du groupe.
« En France, près de 70 % des décisions thérapeutiques s’appuient sur les résultats d’un test de diagnostic en médecine de ville et plus de 80 % à l’hôpital », estime le Dr Philippe Cart-Lamy, président du laboratoire de biologie médicale Oriade-Noviale. C’est par ce constat sur l’importance du secteur dans la chaîne des soins que le médecin biologiste a introduit l’inauguration, ce jeudi 4 avril, de la nouvelle plateforme de bactériologie du plateau Oriapôle situé à Saint-Martin‑d’Hères.
Conçue par Becton Dickinson (BD), l’installation nommée Total Lab Automation BD KiestraTM intègre les derniers progrès de la robotisation et de la digitalisation. Ainsi, le leader de biologie médicale de l’arc alpin, qui capte 80 % du marché à Grenoble, peut désormais rivaliser, en volume notamment, avec les premiers plateaux techniques de France.
De quoi permettre au groupe, comptant déjà 52 laboratoires en Rhône-Alpes, d’envisager de se déployer encore davantage à l’échelon régional en s’appuyant sur de nouveaux partenaires. Peut-être des Lyonnais avec lesquels des discussions sont déjà engagées.
Oriade-Noviale dispose en outre d’un autre argument de poids pour les convaincre. En effet, cette évolution de la plateforme d’Oriapôle s’inscrit dans le cadre de la stratégie de transformation du système de santé « Ma Santé 2022 », axée sur la pertinence des soins.
Plus de deux millions d’investissement
Qu’en est-il concrètement ? Grâce à cette nouvelle chaîne de microbiologie, Oriapôle traîte désormais plus de 6 000 dossiers de patients par jour, dont 1 250 pour la seule bactériologie. Soit une progression de 66,6 % depuis la mise en œuvre de cette nouvelle installation. Le coût de ce petit bijou bardé d’innovations technologiques ? La bagatelle de 2,6 millions d’euros !
« Actuellement, plus de 96 % de nos prélèvements passent par cette solution innovante et technologique », se félicite Pierre-Alain Falconnet, pharmacien biologiste, également cogérant d’Oriade-Noviale et coordinateur de la transformation de la chaîne.
Toutefois, avant d’en arriver là, il a fallu deux années pleines. De la réflexion initiale menée en 2017 à la montée en charge progressive de la chaîne de microbiologie. Soit le temps nécessaire pour mener les études de marchés, les études technologiques et les travaux qui ont duré sept mois, suivis des tests de validation de la nouvelle plateforme.
Une transformation qu’il qualifie de véritable « mutation ». « Auparavant, tout était manuel, de l’ensemencement, en passant par l’incubation jusqu’à la lecture et l’interprétation des cultures bactériennes », rappelle le cogérant.
« C’est la première installation avec cette configuration en France »
Désormais, la robotisation et la digitalisation de la chaîne de microbiologie permet la standardisation des tâches, en particulier l’ensemencement des bactéries sur milieu de culture. Tout autant que l’automatisation du convoyage des échantillons entre les ensemenceurs, les étuves et les postes de travail.
Lors de l’analyse des échantillons, maintenant externalisée dans une salle calme, le technicien est également assisté par une « intelligence informatique » et les cultures bactériennes sont stockées sous forme numérique. « C’est la première et unique installation avec cette configuration en France ! », souligne Pierre-Alain Falconnet, non sans fierté.
Outre l’augmentation du volume des analyses, cette « mutation » s’est immédiatement traduite en matière de vitesse. Mais aussi « d’accroissement de la qualité et de la fiabilité des résultats, notamment par la diminution du nombre d’erreurs », souligne le biologiste.
Les compétences des techniciens sont également mieux utilisées, grâce à une forte diminution des tâches manuelles « sans valeur ajoutée ». Autant de temps libéré pour ce cœur du métier qu’est l’interprétation et l’expertise des cultures bactériennes. À cela s’ajoute une « traçabilité désormais totale » des échantillons analysés.
La détection ultra-rapide d’un panel de bactéries
L’autre innovation technologique intégrée à la plateforme ? Le groupe Oriade-Noviale s’est doté d’un équipement pour la biologie moléculaire syndromique. À savoir, la détection rapide d’un panel d’agents infectieux. Jusqu’ici, pour détecter des bactéries, « cela prenait vingt-quatre heures pour les bactéries à croissance rapide, jusqu’à soixante-douze heures, voire plus, pour d’autres bactéries », révèle le biologiste. Il fallait en effet leur laisser le temps de se développer sur un milieu de culture gélosé pour obtenir des colonies visibles à l’œil nu.
Les nouvelles techniques permettent de réduire considérablement le temps de détection des bactéries dans les prélèvements. À tel point « qu’il faut désormais de une à trois heures seulement ! », s’enthousiasme le spécialiste. Par quelle magie est-on parvenu à réduire autant les délais d’analyse ?
Une certitude : fini le travail sur les bactéries vivantes. La nouvelle technique consiste à extraire puis amplifier et détecter l’ADN des bactéries par PCR* (pour Polymerase chain reaction en anglais ou Réaction en chaîne utilisant une polymérase). Ce grâce à la technologie Becton Dickinson BD MAX™ (cf. encadré).
La fin de l’antibiothérapie probabiliste ?
Une chose est sûre, avec un rendu du résultat le jour même, la biologie moléculaire syndromique permet au clinicien de prendre rapidement une décision éclairée. Terminé donc les prescriptions inutiles d’antibiotiques ou mal ciblées ? C’est du moins ce que pense Olivier Véran, député de la 1re circonscription de l’Isère, également neurochirurgien.
Pour lui, ces technologies annoncent la fin de l’antibiothérapie probabiliste, qui contribue à l’antibiorésistance. « Voilà qui répond parfaitement à l’une des priorités de la réforme Ma santé 2022 concernant la pertinence des soins », ne manque pas de souligner le député.
La rapidité d’analyse est aussi particulièrement intéressante dans les cas contagieux.
Notamment pour les unités de soins ou auprès de personnes fragiles comme dans les établissements de personnes âgées. D’une part, la prise en charge plus précoce réduit la gravité des symptômes. D’autre part, « plus vite sont prises les mesures adaptées pour limiter la diffusion épidémique », complète Pierre-Alain Falconnet, citant le cas de la grippe.
« Nous investissons en continu dans l’innovation »
« Il y a quarante ans, on a connu l’automatisation en biochimie, et là, c’est une petite révolution. On voit les premières automatisations d’une discipline qui y avait longtemps résisté », s’est pour sa part réjouit Jean-Marc Baïetto, directeur adjoint du centre hospitalier universitaire de Grenoble (Chuga).
Celui-ci prenait part à cette inauguration au titre du partenariat public – privé noué entre Oriade-Noviale et l’hôpital, fondé sur le besoin de secours mutuels. Tout particulièrement en cas de panne majeure de l’une de leurs installations respectives. Le Chuga s’est en effet doté du même type de plateforme, toutefois moins riche en options.
Pour autant, le groupe Oriade-Noviale ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Philippe Cart-Lamy l’assure, le laboratoire « investit en continu dans l’innovation, en réponse aux besoins des professionnels de santé et des patients ». Comment ? Grâce au partenariat solide avec Becton Dickinson dont le siège social français est situé à Pont-de-Claix. L’occasion pour Nicolas Chandellier, son directeur général, d’évoquer le dynamisme de l’entreprise américaine. Une firme « en perpétuelle recherche de solutions industrielles plus intégrées pour mieux répondre aux besoins de santé », précise-t-il.
L’augmentation du volume d’activité devrait permettre de pérenniser les emplois
Les prochains développements envisagés ? « Nous allons prochainement implémenter la dernière solution de Becton Dickinson d’automatisation des tests de sensibilité aux antibiotiques », anticipe Pierre-Alain Falconnet.
Tout cela aura-t-il pour conséquence une réduction de personnels ? De fait, la robotisation de la plateforme induit mécaniquement une diminution du nombre d’intervenants dans la chaîne d’analyse. Quant à l’intelligence artificielle, elle peut permettre, à terme, d’automatiser dans les cas simples, l’étape d’expertise du technicien. C’est le cas pour environ 60 % des échantillons. Mais le groupe compte sur l’augmentation du volume d’activité pour pérenniser les cinquante emplois de techniciens œuvrant sur la plateforme.
Véronique Magnin
* Plus précisément par PCR temps réel multiplexe.
En savoir plus sur la technologie BD MAX™
« La technologie Becton Dickinson BD MAX™ permet de détecter simultanément jusqu’à huit pathogènes à partir du même échantillon », précise Pierre-Alain Falconnet. Ainsi, en une seule PCR, il devient possible de détecter les principales bactéries « signatures » d’un syndrome infectieux (ensemble de symptômes caractérisant un état pathologique de nature infectieuse). Telle que celles de la gastroentérite bactérienne sur la base d’un même échantillon de selles.
Autres atouts de la bien nommée PCR syndromique ? Cette technique permet de réduire le taux d’erreurs et d’augmenter la précision du diagnostic. Ce, en supprimant la variabilité d’interprétation inter-opérateurs sur des échantillons jusqu’ici observés au microscope.
De nouvelles bactéries détectables
C’est notamment le cas pour la détection des infections génitales chez la femme, « qui représentent pour nous un gros volume de prélèvements », précise-t-il. « La mise en place de la PCR a également doublé notre taux de détection de Trichomonas vaginalis », se réjouit le pharmacien biologiste.
À cette optimisation de la performance analytique s’ajoute encore l’identification de bactéries, parasites ou virus difficilement détectables par d’autres techniques. Ainsi, les mycoplasmes (bactéries pathogènes bien décrites dans les affections génitales) peuvent enfin être détectés grâce à la PCR.
Les autres syndromes visés à court terme ? Les affections respiratoires mais également les méningites virales ou bactériennes et la septicémie (infection généralisée du sang).