Actualité

Sebti Rezaigia, agent des espaces verts à Grenoble, entouré de Cherif Boutafa et Patrick Fiorina syncalistes FO © Séverine Cattiaux - Place Gre'net

Un agent muni­ci­pal de Grenoble jugé inapte réin­té­gré après trois ans de “galère” : FO accuse, la Ville se défend

Un agent muni­ci­pal de Grenoble jugé inapte réin­té­gré après trois ans de “galère” : FO accuse, la Ville se défend

DÉCRYPTAGE – La Ville de Grenoble vou­lait le mettre en retraite anti­ci­pée. Sebti Rezaigia tenait à reprendre son tra­vail. Après trois ans d’ex­per­tises et de contre-exper­tises médi­cales, l’agent des Espaces verts a réin­té­gré son poste au 1er avril et va pou­voir finan­ciè­re­ment sor­tir de tête de l’eau. On efface tout et on recom­mence ? Pas tout à fait. L’agent va récla­mer des répa­ra­tions à la Ville pour les pré­ju­dices moraux et finan­ciers subis.

Sebti Rezaigia, agent des espaces verts à Grenoble, entouré de Cherif Boutafa et Patrick Fiorina syncalistes FO © Séverine Cattiaux - Place Gre'net

Sebti Rezaigia, agent des espaces verts à Grenoble, entouré de Cherif Boutafa et Patrick Fiorina, syn­di­ca­listes FO. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

Sebti Rezaigia, 60 ans, vient d’être réin­té­gré sur son poste, au ser­vice des Espaces verts, à la Ville de Grenoble.

Une vic­toire pour lui et les syn­di­ca­listes de Force ouvrière, qui se battent à ses côtés depuis trois ans, afin qu’il récu­père son poste et son salaire de 1 300 euros net.

Depuis 2015, l’agent doit se conten­ter d’une indem­nité de congés mala­die de 600 euros, avec laquelle ce père de trois enfants peine à joindre les deux bouts. Une situa­tion finan­cière que lui et sa famille ont très mal vécue. La cel­lule fami­liale a ainsi éclaté en cours de route. Au bord du déses­poir, l’agent a tenté de mettre fin à ses jours.

La Ville pro­pose à l’agent une retraite anticipée

En 2012, Sebti Rezaigia connaît un pre­mier acci­dent du tra­vail, puis un autre en 2014. Il subit deux opé­ra­tions suc­ces­sives des genoux. En 2015, l’agent affirme être réta­bli. Qu’importe le poste que lui pro­po­sera la Ville, Sebti Rezaigia n’est pas regar­dant. Même du ménage lui convien­drait. « Je fais le ménage chez moi, iro­nise-t-il, je peux très bien le faire aussi à la Ville ! »

Il dit avoir écrit mails et cour­riers, en vain, au maire de Grenoble Eric Piolle, à l’ad­jointe au per­son­nel, Maud Tavel, aux ser­vices des res­sources humaines, pour deman­der à réin­té­grer la col­lec­ti­vité. Les res­pon­sables ont fait la sourde oreille et se sont ren­voyés la balle, dénoncent le syn­di­cat FO, alors que la situa­tion morale et finan­cière de l’agent conti­nuait à se détériorer.

Sebti Rezaigia, agent des espaces verts à Grenoble, entouré de Cherif Boutafa et Patrick Fiorina syncalistes FO © Séverine Cattiaux - Place Gre'net

Sebti Rezaigia, agent des espaces verts à Grenoble, entouré de Cherif Boutafa et Patrick Fiorina, syn­di­ca­listes FO. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

D’après les syn­di­ca­listes, la Ville n’a en fait qu’une idée en tête : convaincre l’agent de quit­ter la col­lec­ti­vité, en le pous­sant à prendre une retraite anti­ci­pée pour cause d’in­va­li­dité. Maud Tavel s’ins­crit en faux. « L’agent a été suivi par les res­sources humaines pour qu’on lui retrouve un autre poste, tenant compte d’une liste de res­tric­tions médi­cales émises par le méde­cin du tra­vail en 2016. » 

Dans un second temps, le « corps médi­cal » a pro­noncé « l’i­nap­ti­tude totale » de l’agent, dixit l’ad­jointe au per­son­nel. À par­tir de là, la Ville se bor­nant à « suivre les recom­man­da­tions des avis médi­caux » garan­tit Maud Tavel, elle lui a pro­posé la retraite anti­ci­pée pour invalidité.

Le plan d’é­co­no­mies en arrière-plan ? 

Durant ces trois der­nières années, force est de recon­naître qu’au­cun poste n’a été pro­posé à l’agent. La Ville a‑t-elle vrai­ment fait son maxi­mum pour reclas­ser l’agent sur une autre mis­sion ? Ce n’est pas si simple pour une per­sonne de pas­ser d’un poste tech­nique à un poste admi­nis­tra­tif, tient à dire Maud Tavel.

Conseil municipal de Grenoble. 6 mars 2017. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'net

Maud Tavel, lors du conseil muni­ci­pal de Grenoble, 6 mars 2017. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net

Il faut maî­tri­ser suf­fi­sam­ment l’ou­til infor­ma­tique et le fran­çais. Or ce ne serait pas le cas de l’agent, d’a­près les infor­ma­tions de l’adjointe.

« En aucun cas, nous n’a­vons cher­ché à mettre en dif­fi­culté cet agent ! », déclare-t-elle fer­me­ment. Cherif Boutafa n’en croit pas un mot. 

« Vous ima­gi­nez un peu l’ab­sur­dité de la situa­tion ?, ful­mine le syn­di­ca­liste. La Ville de Grenoble qui refuse de reprendre un agent motivé, qui veut tra­vailler ? Et on fait croire à cet agent qu’on n’ar­rive pas à lui trou­ver un poste ? » Les expli­ca­tions, d’a­près lui, crèvent les yeux. Sebti Rezaigia est d’a­bord dans le col­li­ma­teur du plan de sau­ve­garde des ser­vices publics locaux

« Les res­sources humaines qui portent bien mal leur nom », tacle-t-il, ont en fait pour consigne de dégrais­ser la masse sala­riale, peste Cherif Boutafa. « Ce sont les agents les plus faibles qui trinquent », se désole-t-il. Patrick Fiorina, syn­di­ca­liste FO acquiesce. « Ce dos­sier res­semble à quelques autres que nous sui­vons ».

Des avis médi­caux évolutifs

Partir en retraite anti­ci­pée signi­fiait pour Sebti Rezaigia se conten­ter d’une pen­sion men­suelle de 250 euros. Hors de ques­tion pour lui d’ac­cep­ter un tel arran­ge­ment, d’au­tant que l’agent clame sa volonté de retravailler.

Des agents des espaces verts s'activent autour des plantations. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Des agents des espaces verts s’ac­tivent autour des plan­ta­tions. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Épaulé par FO, Sebti Rezaigia, 

conteste donc la déci­sion de la Ville, et l’a­vis médi­cal sur lequel elle se repose.

Et l’employeur ter­ri­to­rial se voit même obligé de sai­sir la com­mis­sion de réforme, une ins­tance consul­ta­tive pari­taire char­gée de don­ner des avis, en cas de litige.

En 2017, la com­mis­sion répond qu’elle n’a pas assez d’élé­ments pour sta­tuer et réclame une exper­tise médi­cale, rap­porte Cherif Boutafa, qui ajoute : « Ce qui démontre bien que la Ville affirme ce qu’elle veut ». Il faut attendre février 2019, et l’in­ter­ven­tion du syn­di­cat pour que le dos­sier repasse enfin en com­mis­sion. Cette fois, le ver­dict tombe : l’agent doit être réin­té­gré. Comprend qui peut, les exper­tises médi­cales sont deve­nues favo­rables à la reprise du tra­vail. La col­lec­ti­vité s’exé­cute et retrouve un poste à l’agent.

N’ayant aucune expli­ca­tion à four­nir sur ce revi­re­ment de l’a­vis médi­cal, Maud Tavel dit com­prendre l’a­mer­tume qu’a pu res­sen­tir l’agent : « C’est regret­table d’être passé par cette pre­mière étape qui a dû être dif­fi­cile pour lui, admet com­pré­hen­sive Maud Tavel, mais aujourd’­hui je ne peux que me satis­faire qu’il puisse reprendre son tra­vail sur le poste qui était le sien, il y a quelques années. »

L’agent compte se pour­voir en justice

Le 1er avril, Sebti Rezaigia a repris son poste à la Ville de Grenoble, celui qu’il occu­pait à son entrée à la Ville en 2008. Ces trois ans de « galère », comme il dit, lui res­tent néan­moins en tra­vers de la gorge et il n’est pas ques­tion pour lui de pas­ser l’éponge.

Sebti Rezaigia, agent des espaces verts à Grenoble, entouré de Cherif Boutafa et Patrick Fiorina syncalistes FO © Séverine Cattiaux - Place Gre'net

Sebti Rezaigia, entouré de Cherif Boutafa et Patrick Fiorina, syn­di­ca­listes FO. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

Sur les conseils du syn­di­cat FO, l’agent se pré­pare à sai­sir la jus­tice afin de récla­mer des répa­ra­tions à son employeur pour les pré­ju­dices moraux et finan­ciers subis.

Il n’a ainsi pas du tout appré­cié le cour­rier remon­tant à six mois à peine, dans lequel la direc­tion de res­sources humaines sou­tient qu’il ne sait ni lire ni écrire, et lui fait com­prendre qu’il est inemployable.

Et Sebti Rezaigia de bran­dir son cur­ri­cu­lum vitae manus­crit rédigé par ses soins pour contre­dire ces allé­ga­tions. « Un tel déni­gre­ment porte clai­re­ment atteinte à la dignité humaine, aver­tit Patrick Fiorina. C’est un délit punis­sable au pénal », ajoute-t-il.

Séverine Cattiaux 

Séverine Cattiaux

Auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A lire aussi sur Place Gre'net

Palais de justice de Grenoble. © Joël Kermabon - Place Gre'net
Meurtre d’une jeune Lyonnaise dans le Val d’Aoste : le sus­pect, jugé à Grenoble, accepte son extra­di­tion vers l’Italie

EN BREF - Le jeune Italien de 21 ans soupçonné d'avoir tué sa compagne, une jeune Lyonnaise de 22 ans retrouvée morte poignardée le 5 Lire plus

Le groupe Zoufris Maracas. © Nicolas Baghir
Festival Magic Bus 2024 : une édi­tion sous le signe de l’i­ti­né­rance dans huit lieux de l’ag­glo­mé­ra­tion grenobloise

ÉVÈNEMENT - La 23e édition du festival Magic Bus organisée par l'association Retour de scène aura lieu du 27 avril au 4 mai 2024 à Lire plus

Alouette des champs. © Christian Aussaguel
Auvergne-Rhône-Alpes : la LPO alerte sur la « dis­pa­ri­tion inquié­tante » des oiseaux des milieux agricoles

FLASH INFO - La LPO Auvergne-Rhône-Alpes s'alarme, dans un communiqué publié le 9 avril 2024, de la "disparition inquiétante" des oiseaux des milieux agricoles. Un Lire plus

Scission chez les ex-fron­deurs à Grenoble : le nou­veau groupe Place publique et GDES se ren­voient la responsabilité

FOCUS - Anouche Agobian, Maxence Alloto et Barbara Schuman ont présenté, lundi 22 avril 2024, leur nouveau groupe, Place publique social démocrate, à la Ville Lire plus

Alpes Insertion conteste vivement le reportage (et ses méthodes) de Cash Investigation à son endroit
Alpes Insertion conteste vive­ment les pro­pos tenus dans le repor­tage de Cash Investigation

DROIT DE SUITE - Après un reportage accablant de Cash Investigation sur Fontaine Insertion en janvier 2024 et un rassemblement syndical devant ses locaux en Lire plus

Mobilisation pour des aménagements sécurisés. Crédit Collectif pour l'aménagement cyclable de la Combe de Gières
Piste cyclable dans la combe de Gières : les élus éco­lo­gistes du Département sou­tiennent la péti­tion citoyenne métropolitaine

FLASH INFO - Le groupe Isère écologie et solidarités (IES) au Département a appelé, jeudi 18 avril 2024, à signer la pétition citoyenne métropolitaine pour Lire plus

Flash Info

|

24/04

18h58

|

|

24/04

11h01

|

|

21/04

20h48

|

|

21/04

18h12

|

|

19/04

20h52

|

|

19/04

20h24

|

|

18/04

17h28

|

|

17/04

23h47

|

|

17/04

15h53

|

|

17/04

12h58

|

Les plus lus

Société| Grenoble, sixième ville « où il fait bon vivre avec son chien », selon 30 mil­lions d’amis

Économie| Le salon Mountain Planet de retour à Alpexpo Grenoble, avec la visite de la ministre Dominique Faure

Politique| Le groupe Société civile d’Alain Carignon édite un livret sur les 10 ans de man­dat d’Éric Piolle

Agenda

Je partage !