Plusieurs véhicules ont été incendiés et disposés au milieu de la route ce mercredi soir. © Jules Peyron - Place Gre'net

Après la mort d’Adam et Fatih à Grenoble, Mistral redoute la nuit et ses violences

Après la mort d’Adam et Fatih à Grenoble, Mistral redoute la nuit et ses violences

REPORTAGE – Samedi 2 mars, Adam et Fatih, deux jeunes Mistraliens de 17 et 19 ans, ont trouvé la mort après une course-pour­suite avec la police. Un acci­dent qui a déclen­ché la colère de jeunes du quar­tier. Violences et affron­te­ments avec les forces de l’ordre s’en­chaînent ainsi chaque nuit au quar­tier Mistral, qui se retrouve sous le feu des pro­jec­teurs. En jour­née, c’est le calme et l’omerta.

Il y a le bruit des pneus qui s’es­quintent à chaque pas­sage de voi­ture sur les restes de bar­ri­cades cal­ci­nées. Et sur­tout celui des débris de verre qui craquent sous les pieds des pas­sants, qu’ils pro­viennent d’un abri­bus explosé ou des bou­teilles jetées trois nuits durant sur les poli­ciers, ave­nue Rhin et Danube.

Après la mort de deux jeunes du quartier, Mistral se retrouve sous le feu des projecteurs. Et si le jour est calme, la nuit les violences reprennent.Depuis samedi, plus d'une centaine de voitures ont été brûlées dans différents quartiers de Grenoble. © Jules Peyron - Place Gre'net violences Mistral

Depuis samedi, plus d’une cen­taine de voi­tures ont été brû­lées dans dif­fé­rents quar­tiers de Grenoble. © Jules Peyron – Place Gre’net

À ces débris se mêlent les pierres qui jonchent le sol, mar­quées par les traces des cock­tails Molotov. Des stig­mates des vio­lences noc­turnes, dont le quar­tier Mistral n’est pas encore nettoyé.

Hormis l’é­tat du sol et une voi­ture brû­lée encore garée face aux tours de la cité Mistral, le quar­tier vit comme à l’ac­cou­tu­mée ce mardi après-midi.

Au Plateau, centre spor­tif et cultu­rel, le va-et-vient est inces­sant. À la ter­rasse bon­dée du snack voi­sin, les jeunes passent leur après-midi à dis­cu­ter. Seule sin­gu­la­rité ce jour-là, un groupe de jour­na­listes natio­naux a pris posi­tion sur la place. Karim Boudiaf, l’oncle de l’un des deux jeunes morts ce samedi, répond inlas­sa­ble­ment aux ques­tions : « Qui n’a pas fait de bêtises dans son jeune âge ? », demande-t-il au micro de BFMTV.

« Que jus­tice soit faite »

Les habi­tants du quar­tier qui répondent aux inter­ro­ga­tions des jour­na­listes, il n’y en a pas beau­coup. Ou alors en toute dis­cré­tion, sans don­ner leur nom. On sent les Mistraliens pro­fon­dé­ment tou­chés par le tra­gique évé­ne­ment de samedi der­nier. Et ten­dus face à des jour­na­listes qui viennent mettre Mistral sous le feu des projecteurs.

L'Institut de formation sanitaire et sociale a été la cible d'importantes dégradations et son hall a été incendié dans la nuit de samedi à dimanche. © Jules Peyron - Place Gre'net

L’Institut de for­ma­tion sani­taire et sociale a été la cible d’im­por­tantes dégra­da­tions et son hall a été incen­dié dans la nuit de samedi à dimanche. © Jules Peyron – Place Gre’net

« On ne les voit pas pour les belles ini­tia­tives dans le quar­tier », lance un habi­tant amère. Son nom, ou plu­tôt son sur­nom, c’est Coco. Il n’en dira pas plus. « C’est sous ce nom que tout le monde me connaît dans le quartier. »

Du haut de ses 45 ans, il se décrit comme « l’un des grands frères de cette géné­ra­tion en colère ». Le natif de Mistral déplore qu”« on en arrive à cau­tion­ner leurs agis­se­ments ».

En cause, selon lui, le com­por­te­ment de la police : « Les flics connaissent tout le monde dans le quar­tier. Samedi, ils pour­sui­vaient les deux jeunes alors qu’ils les connaissent. Ils peuvent très bien venir son­ner chez eux le len­de­main plu­tôt que de les mettre en dan­ger ce soir-là. Et, de toute façon, les courses-pour­suites par la police sont inter­dites. »

Le qua­dra­gé­naire assure que le quar­tier n’at­tend qu’un retour au calme : « Pour ça, il faut que les poli­ciers jus­ti­fient leurs actes. Ça cal­mera les ten­sions », assure-t-il. « Que jus­tice soit faite », réclame en écho un tag au pied de l’une des tours de la cité.

« Dégagez ! Il ne se pas­sera rien »

L’après-midi touche à sa fin, le grand soleil confère au quar­tier une ambiance esti­vale. À l’ombre des immeubles, une ving­taine d’en­fants se retrouvent autour d’un bal­lon de foot. L’association Le Rocher vient à Mistral deux fois par semaine pour jouer avec eux « et mon­trer que le quar­tier vit la jour­née », insiste un de ses membres.

Et la nuit ? « Vous êtes fous ! Il ne faut pas res­ter », entend-on. Quelques mètres plus loin, une ancienne Mistralienne venue voir ses parents redoute elle aussi la tom­bée de la nuit : « Mieux vaut s’en­fer­mer et attendre que ça passe. »

Six camions de gen­dar­me­rie défilent déjà à inter­valle régu­lier depuis une heure. Puis, la nuit tombe. Les stores de la phar­ma­cie Mistral des­cendent et font appa­raître avec eux une ins­crip­tion à la pein­ture jaune : « Police tueur ! » Mais aucun véhi­cule de police ne vient se posi­tion­ner ave­nue Rhin et Danube, comme lors des trois nuits précédentes.

"Police tueur !" tracé à la peinture sur la pharmacie du quartier. © Jules Peyron - Place Gre'net

Inscription « Police tueur ! » tra­cée à la pein­ture sur la phar­ma­cie du quar­tier. © Jules Peyron – Place Gre’net

Un homme demande – pas très poli­ment – aux quelques jour­na­listes encore pré­sents sur place de par­tir, jus­qu’à ce qu’ils s’exécutent. « Dégagez ! Il ne se pas­sera rien », lance-t-il. La suite lui don­nera raison.

Après trois nuits de vio­lence, Mistral a presque pu dor­mir sur ses deux oreilles, ce mardi soir. “Seuls” deux véhi­cules auraient ainsi brûlé dans le quar­tier, selon Le Dauphiné Libéré.

Reste que l’ap­pel au calme lancé par la famille d’Adam, l’un des deux jeunes morts samedi, n’a pas vrai­ment fait bais­ser les ten­sions. Les habi­tants du quar­tier croi­sés ce mardi doutent ainsi que la situa­tion se calme. En atten­dant, ils vivent le jour et redoutent la nuit…

Jules Peyron

JP

Auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A lire aussi sur Place Gre'net

Les syndicats dénoncent "une répression syndicale" à Science Po Grenoble, sur fond de saisie de la déléguée à l'égalité
Déléguée à l’é­ga­lité sai­sie à Sciences Po Grenoble pour du har­cè­le­ment moral : les syn­di­cats y voient « une répres­sion syndicale »

FLASH INFO - Les syndicats CGT, FSU et Sud Éducation 38 de l'Université Grenoble-Alpes comme les organisations étudiantes Ourse1Organisation universitaire pour la représentation syndicale étudiante Lire plus

Nouvelle opération Tous en règle de M Tag, avec la lutte contre la fraude (toujours) en ligne de mire
Nouvelle opé­ra­tion Tous en règle de M Tag, avec la lutte contre la fraude (tou­jours) en ligne de mire

FLASH INFO - Alors que des voix syndicales se font entendre contre le projet de déployer des contrôleurs en civil sur son réseau, la société Lire plus

ANVCop21 et Parlons-Y Vélo réclament une sécurisation des carrefours pour les cycles et les piétons
ANVCop21 et Parlons‑Y Vélo réclament une sécu­ri­sa­tion des car­re­fours pour les cycles et piétons

FLASH INFO - Une vingtaine de militants des organisations ANV-Cop21 et Parlons-Y Vélo se sont donné rendez-vous à l'intersection entre le boulevard Joseph-Vallier et les Lire plus

Villages d'avenir, programme issu de France Ruralités, fait étape dans le Trièves avec des projets communs portés par cinq localités
France Ruralités : des pro­jets com­muns por­tés par cinq loca­li­tés du Trièves label­li­sées Villages d’avenir

FLASH INFO - Laurent Simplicien, secrétaire général du préfet de l'Isère, et Marius Gatouillat, chef de projet France Ruralités auprès de la préfecture de l'Isère, Lire plus

Le festival de cirque Courts-CIRCuits revient pour une 5e édition à Seyssinet-Pariset du mardi 16 au dimanche 28 avril 2024. Présenté par l’école de cirque grenobloise, Vit’amin, il aura lieu dans un chapiteau dans le parc Lesdiguières. ©FB Vit'anim
Seyssinet-Pariset : le fes­ti­val de cirque Courts-Circuits lance sa 5e édition

ÉVÉNEMENT - Le festival de cirque Courts-Circuits revient pour une 5e édition à Seyssinet-Pariset du mardi 16 au dimanche 28 avril 2024. Présenté par l’école Lire plus

Après Un bon début, le grenoblois Antoine Gentil présente sa méthode éducative "starter" avec son livre Classe réparatoire
Après Un Bon Début, le gre­no­blois Antoine Gentil pré­sente sa méthode édu­ca­tive « star­ter » avec son livre Classe réparatoire

FOCUS - Antoine Gentil, enseignant grenoblois au lycée Guynemer, responsable du dispositif "starter" à destination des élèves au bord du décrochage scolaire, a présenté son Lire plus

Flash Info

Les plus lus

Agenda

Je partage !