FOCUS – Le parquet général de la cour d’appel de Grenoble a organisé, le 29 janvier dernier, une réunion de travail consacrée au traitement judiciaire des infractions anti-LGBT. Y participaient les associations habilités à lutter contre ce phénomène et les procureurs de la République. L’objectif ? Évaluer ce qui fonctionne ou non et envisager des pistes d’actions.
« La dernière réunion entre le Parquet général et les associations qui luttent contre l’homophobie remontait à 2013. Plus de cinq ans plus tard, il m’apparaissait intéressant de provoquer une nouvelle rencontre pour évaluer la situation. » C’est ainsi que Jacques Dallest, le procureur général de la cour d’appel de Grenoble, a justifié la réunion de travail du 29 janvier dernier dans l’enceinte du palais de justice.
Une réunion sur la réponse pénale aux infractions anti-LGBT
Le thème de cette rencontre ? Le traitement judiciaire des infractions de violences, de haine et de discriminations anti-LGBT*. L’occasion de réunir les procureurs de la République du ressort de la cour d’appel de Grenoble et les associations** qui luttent contre ce phénomène.
Mais aussi des délégués isérois du défenseur des droits pour les aspects écoute, médiation et pédagogie.
Sans oublier une représentante de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah).
Les victimes ne portent pas toujours plainte
« Il fallait que nous ayons aussi le ressenti des associations qui sont porteuses de cette parole des victimes de discriminations homophobes », explique Jacques Dallest. En tête de ces constats ? Le problème, prégnant, du recueil de la plainte des victimes d’homophobie. « Nous allons élaborer un protocole entre les associations et les parquets pour essayer de mieux traiter les plaintes en matière d’homophobie », assure le procureur.
Comment ? En faisant en sorte que leur cycle de réception, de transmission au procureur et de traitement soit plus compréhensible. « Et surtout qu’on prenne bien en compte la souffrance de la victime », tient à souligner Jacques Dallest. Qui insiste sur l’importance que revêt cette notion.
« C’est comme dans toute discrimination. On a été humilié, maltraité. Souvent, on souffre en silence. Et parce qu’elles souffrent en silence ces personnes ne déposent pas plainte », explique-t-il. D’où cette volonté commune de les inciter à le faire, de mieux les accompagner et les aider.
Avec la difficulté à leur faire comprendre qu’il n’y aura pas forcément de décision de justice. Et pour cause, « il peut y avoir un problème de preuve de ce qu’ils ont subi », rappelle Jacques Dallest.
Les infractions pour des raisons homophobes plus sévèrement punies
« Nous savons que nous n’allons pas éradiquer le phénomène, commente en effet Jacques Dallest. Mais nous avons essayé d’expliquer aux associations ce que fait la justice. » À cet effet, des documents ont été remis aux acteurs associatifs. Notamment des textes recensant toutes les infractions pointées par le Code pénal en matière de discriminations homophobes.
Des exemples ? Le fait de commettre un vol ou une agression pour des raisons homophobes. « C’est puni par la loi plus sévèrement. Cela montre toute l’importance qu’on apporte à ce phénomène grandissant », précise Jacques Dallest.
Le procureur se félicite d’ailleurs de ce travail mené avec les associations. « Je suis très soucieux, depuis que je suis à Grenoble, d’ouvrir le palais de justice à des thématiques diverses », déclare-t-il. Avec, à la clé, la signature de protocoles avec le défenseur des droits. Ou encore avec l’Union des arbitres de football pour les violences se produisant dans le cadre de ce sport.
La difficulté : trouver une écoute compassionnelle et empathique
« Dès qu’on est victime d’une infraction ou simplement pour obtenir des renseignements, il est possible de saisir le défenseur des droits », explique Dzung Taduy. Ce dernier, délégué sur l’Isère, fait part de la difficulté à produire des chiffres sur les plaintes déposées. « Dans les faits, il y a très peu de remontées, très peu de plaintes. Et encore moins de situations qui aboutissent à une saisine conduisant à un procès », relate le délégué.
Deux principales raisons à cela : la difficulté à fournir la preuve et celle d’être entendu en tant que victime. Pourquoi ? Dzung Taduy a son idée. « Il n’est pas évident pour une victime de trouver une écoute compassionnelle et empathique sur ce genre de sujet. » Une réticence des victimes à se manifester qui explique la difficulté à faire émerger des situations d’infractions anti-LGBT.
Pour Dzung Taduy, la seule réponse pénale n’est pas la panacée. D’autres voies sont envisageables. Notamment celle qui consiste à faire la publicité des faits, dans l’objectif de « rendre ces pratiques de plus en plus honnies ».
Et celui-ci de relever : « Je pense que le parquet a reçu ce message qu’il y a un travail à faire au niveau des services d’enquêtes dans le recueil de la plainte ». Ce pour ne pas ajouter de la douleur à la douleur.
« Depuis 2013, c’était un peu le désert »
Qu’ont retenu de cette réunion les associations, tous les jours confrontées à des victimes d’homophobie ? William Pousset, délégué départemental du Refuge, salue « une démarche très positive » du parquet général.
Même son de cloche chez SOS homophobie Dauphiné. « Nous avions participé à une réunion en 2013, suite à la circulaire Taubira. Depuis, c’était le désert », relate sa déléguée territoriale, Sophie Vilfroy. Une situation désormais révolue. « Sortis de cette réunion, nous avons vraiment le sentiment qu’il y a une réelle volonté du parquet pour la lutte contre les LGBT phobies », se réjouit-elle.
Joël Kermabon
* Le tout dans le cadre de la circulaire applicable depuis 2013, prescrite par l’ex-ministre de la justice Christiane Taubira. Un texte portant sur « la réponse pénale aux violences et discriminations commises à raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre ».
- ** SOS homophobie Dauphiné, Planning familial de l’Isère, les associations Rita, Le refuge et Contact Drôme