REPORTAGE – Le Front contre les expulsions a pris la parole en début de conseil métropolitain, ce vendredi 21 décembre. Trois membres du collectif ont défendu, face aux 49 maires de la Métro, la signature d’un arrêté anti-mise à la rue, ainsi que l’annulation de la procédure d’expulsion du bidonville de Courtade à Fontaine.
Ils sont une quinzaine à attendre sous une fine pluie, ce vendredi 21 décembre au matin. Tous membres du collectif Front contre les expulsions, venus prendre la parole au conseil métropolitain. En face d’eux, les portes closes de la Métro.
À l’intérieur, une poignée de CRS et quelques agents de sécurité. « On ne vous ouvrira qu’à 9 h 50. Il faudra laisser banderoles, mégaphones et drapeaux dehors », les prévient-on. Leurs gilets jaunes aussi, apparemment. L’un des visiteurs sera prié de retirer le sien.
L’accueil est effectivement plutôt froid. « C’est du mépris », gronde un manifestant. « C’est disproportionné pour une intervention autorisée ! », ajoute un autre. Mais, passée la fouille, plus de désagréments. Ils pourront bien s’exprimer, et même plus longtemps que prévu.
Annulation des expulsions à Courtade et signature d’un arrêté anti-mise à la rue
Le président Christophe Ferrari ouvre la séance, puis appelle deux porte-paroles à la tribune. Ils sont en fait trois à prendre place face aux 49 maires de la métropole. « Nous sommes venus car nous avons besoin que les communes nous soutiennent », commence Anne-Marie.
Elle et ses camarades évoquent alors le bidonville de Courtade, où 50 personnes font l’objet d’une procédure d’expulsion : « La seule urgence qu’il y a sur ce bidonville, c’est de reloger les personnes qui s’y trouvent. Mme Garnier [vice-présidente déléguée à l’habitat, au logement et à la politique foncière, ndlr], vous devez renoncer à cette expulsion. »
Les trois tribuns réclament surtout aux maires la signature d’un « arrêté anti-mise à la rue ». Un texte visant à garantir le relogement de toute personne expulsée. Au bout de dix minutes de discours, la parole est donnée aux élus. L’occasion de constater que la question est hautement polémique malgré un consensus autour de la nécessité d’offrir un toit aux personnes sans domicile fixe.
Les élus dénoncent des « violences graves » à Courtade
« Je suis favorable à l’arrêté anti-expulsion », déclare Françoise Cloteau, vice-présidente déléguée à l’hébergement et aux gens du voyage, en réponse à l’intervention. L’un des rares points de satisfaction pour le collectif contre les expulsions. Ses membres ressortent du conseil mitigés. « On n’était pas au courant qu’il y aurait des réactions d’élus après notre prise de parole. Ils ont pu apporter des justifications derrière notre argumentation. Ils ont eu le mot de la fin », déplore Rdija.
Les arguments contraires sont surtout sortis de la bouche de Jean-Paul Trovero, maire de Fontaine. « Je suis directement mis en cause », a commencé ce dernier, avant de justifier la fermeture prématurée du bidonville de Courtade (initialement prévue pour l’été 2019) du fait de « violences graves » constatées ces derniers temps.
« La population criminelle occupe les lieux », a déclaré l’édile. Des propos appuyés par le conseiller municipal de Fontaine Laurent Thoviste, qui a décidé de « parler en tant que riverain » pour affirmer que « la violence est une réalité que vivent les gens du quartier ».
Des mensonges selon le Front contre les expulsions, qui répète qu’aucune plainte ni main-courante n’est présente dans le dossier déposé en justice par l’établissement public foncier local du Dauphiné (EPFL), qui possède le terrain de Courtade. Les violences viendraient plutôt de personnes extérieures et les habitants du bidonville en seraient les premières victimes.
Un rendez-vous avec Christophe Ferrari en vue
Malgré sa prise de parole allant dans le sens du collectif, Christine Garnier n’a pas été épargnée par les intervenants à la sortie du conseil. Mise en cause pour avoir rapporté que des violences avaient effectivement eu lieu à Courtade.
« Vous ne pouvez pas rapporter des ragots. Vous participez à justifier une punition collective ! », s’exclame une jeune femme. « Certains éléments ne sont pas dans le dossier », a rétorqué l’élue. Avant de couper court à l’altercation : « Il n’y a pas de débat possible avec vous. » Le front anti-expulsion a donc quitté la Métro sans obtenir gain de cause… mais pas sans résultat.
Une élue qui s’est publiquement déclarée favorable à l’arrêté anti-mise à la rue et une promesse de rendez-vous avec Christophe Ferrari. C’est Christine Garnier qui leur a confirmé que le président de la Métro acceptait de les recevoir, « sans préciser ni le mois, ni l’année ! », s’est amusé un manifestant.
Jules Peyron