FOCUS – Sorte de “bible du sans domicile fixe” créée en 2017, l’outil numérique Solidarités-grenoble.fr visait à répondre aux besoins de première nécessité comme manger, se loger ou se soigner. Aussi exhaustive soit-il, cette plateforme ne fait toutefois pas de miracles : elle ne multiplie ni les pains, ni les logements. Petit bilan un an et demi après son lancement.
À l’heure du tout numérique, les personnes en situation de précarité disposent, depuis 2017, d’un guide numérique pour s’orienter vers les bons services et les bonnes adresses.
Sorte de guide de survie à l’usage des plus démunis, solidarités-grenoble.fr doit aider tous azimuts sans-abris, migrants, travailleurs pauvres, femmes violentées, etc. à trouver des réponses aux besoins de première nécessité.
Qu’en est-il ? Un an et demi après le lancement de l’outil, le maire de Grenoble, les élus en charge du projet, et les associations Femmes SDF, Point d’eau, et Resto du cœur font le point.
Plus de 600 services proposés
L’outil numérique solidarités-grenoble.fr enregistre aujourd’hui la visite de 8 000 personnes par mois, dont 44 % se sont connectées depuis un mobile. Conçue à partir des réflexions de publics directement concernés, de militants associatifs, d’agents de la Ville et du centre communal d’action sociale, la plateforme s’évertue à délivrer des informations claires, simples et actualisées.
La prise en main de l’outil se veut intuitive. Dès la page d’accueil, l’internaute accède, via des icônes plutôt explicites, aux thèmes qui l’intéressent : « Accès aux droits », « Alimentation », « Apprendre », « Hygiène », « Santé », « Transports-mobilité », « Violences », « Isolement-écoute », etc.
Au total, le site recense 281 acteurs œuvrant dans le champ de la solidarité. « Il y a tout un tas d’acteurs qui sont engagés dans de nombreuses actions de solidarité », commente Alain Denoyelle, adjoint à l’action sociale de Grenoble.
« La difficulté était de rendre visible toute l’offre de dispositifs pour accompagner les personnes. » Le guide solidarités-grenoble est donc parvenu à relever le défi, assure avec satisfaction Alain Denoyelle.
Un outil déjà dupliqué dans d’autres villes
Aussi utile que soit ce guide de survie à l’usage des personnes sans ressources, force est de constater qu’il n’est pas à la portée de tous, pointent toutefois les associations : il faut être connecté* et à l’aise avec Internet. « Certaines personnes se débrouillent mieux que nous [les bénévoles, ndlr] sur Internet ! », nuance néanmoins Marie-France Motte, coprésidente de Femmes SDF, l’une des associations membres du collectif Bénévoles contre l’exclusion en Isère, partenaire de l’outil.
Les bénévoles des associations de solidarité s’appuient, du reste, eux aussi, au quotidien sur ce nouvel outil pour guider les publics vers le bon interlocuteur. Enfin, « tout citoyen lambda qui souhaite venir en aide à des personnes en détresse va pouvoir également s’en saisir », estiment les responsables associatifs. L’onglet « Comment aider ? » s’adresse, à ce titre, à tout un chacun.
Signe que l’outil numérique tient la route, la commune de Lille et la communauté de communes du Grésivaudan s’en sont saisies pour l’adapter sur leur territoire. Chambéry se montrerait également intéressée.
Vers un site étendu à l’échelle métropolitaine ?
Solidarités-grenoble.fr continuera d’évoluer en fonction des retours des utilisateurs. La mission évaluation pilotée par Marina Girod de l’Ain, adjointe à l’évaluation et la prospective des politiques publiques, y veille.
Du reste, des améliorations sont d’ores et déjà programmées, comme la traduction du site en différentes langues, l’ajout des fonctions « géolocalisation », d’alertes « actualités », etc.
Saluant l’intérêt de la plateforme, les associations suggèrent aussi aux décideurs grenoblois d’étendre la portée du site à l’ensemble du territoire métropolitain « pour désengorger les services sur Grenoble », précise Richard Diot, directeur de Point d’eau.
Et Marie-France Motte de renchérir : « Les gens en errance vont partout. Il n’y a pas de frontières entre Grenoble et les autres communes. »
Autre observation : les bénéficiaires sont toujours très attachés aux informations délivrées sous un format papier, fournissant les adresses et un plan pour se diriger en ville, notent par ailleurs les responsables associatifs. « Nous continuons à distribuer l’ancien annuaire papier “SOS galère” », témoignent les militants.
À l’ère du numérique, les informations imprimées restent ainsi une valeur sûre que les associations entendent combiner avec le nouvel outil. « Si le site est actualisé et qu’on peut facilement faire des impressions par thématique, cela nous convient », ponctuent les responsables associatifs.
« Ce n’est pas un site qui résout la crise »
Se félicitant de l’existence à son tour de « cet outil numérique générant du lien aussi entre les structures », Viviane Dubuf n’entend toutefois pas se voiler la face. « Ce site répond à plein de sujets, reconnaît-elle ainsi, mais ne répond pas aux problèmes des gens qui dorment dans la rue, qui appellent le 115 et qui n’ont pas de réponses. Quand on a les demandeurs en face de nous, ça n’est pas simple ! »
Autrement dit, le site risque bel et bien de créer de faux espoirs chez les personnes en difficulté. De fait, l’icône « hébergement » proposé sur le site ne résoudra évidemment pas le problème des 3 500 personnes sans domicile personnel recensées dans l’agglomération grenobloise. Parmi elles, 2 000 vivent à la rue, en campement ou dans des squats.
L’observation de Maïwenn Abjean, directrice de Femmes SDF, va dans le même sens que celle de Viviane Dubuf : « Les problèmes plus complexes ne trouvent pas de solutions sur cette plateforme. »
Pouvant difficilement dire le contraire, le maire de Grenoble Eric Piolle en convient : « Ce n’est pas un site qui résout la crise, ni ne crée de toits. » Sans être une baguette magique donc, cette plateforme marque néanmoins une avancée en terme d’organisation des solidarités, « reflétant l’esprit de solidarité [qui] est l’ADN de Grenoble depuis longtemps », souligne le maire.
Séverine Cattiaux
* À travers le plan « iti numérique », les Maisons des habitants vont peu à peu s’équiper d’accès Internet, notamment d’espaces d’apprentissage au numérique.
UNE PASSERELLE SUPPLÉMENTAIRE POUR L’ACCÈS AUX DROITS
L’élaboration de Solidarités-grenoble.fr s’inscrit, d’une part, dans le cadre du plan stratégique 2014 – 2020 du Centre communal d’action social de Grenoble.
D’autre part, la plateforme figure en bonne place au sein du « plan d’action pour l’accès aux droits et contre le non-recours » chapeauté par l’adjoint Emmanuel Carroz, délégué à l’égalité des droits et à la vie associative.
L’outil numérique constitue l’une des dix-sept actions qui composent le « plan d’action ». « Solidarités-grenoble vise à faciliter l’accès aux droits des personnes, estime Emmanuel Carroz, de même que l’équipe juridique mobile spécialisée sur les questions de droit à l’hébergement et au logement depuis avril dernier. En 2019, nous lancerons la caravane des droits. »