REPORTAGE VIDÉO - Au plus fort de cette journée de mobilisation du 17 novembre, plus de 3 000 “gilets jaunes”, répartis sur 35 points de rassemblement, ont été recensés en Isère. Dans l'agglomération grenobloise, les manifestants ont convergé, depuis la Porte de France, le parking de Carrefour Meylan et l'espace Comboire, vers l'échangeur du Rondeau. Avant de le bloquer par des barrages filtrants ou encore de ralentir, voire stopper, le trafic sur l'A480.
Huit heures du matin ce samedi 17 novembre, Porte de France à Grenoble. Quelques gilets jaunes commencent à arriver au compte-gouttes sur ce point de rassemblement à partir duquel ils se rendront, à pied, vers l'échangeur du Rondeau.
Les gilets jaunes grenoblois ont en effet choisi de bloquer ce carrefour névralgique, l'une des principales portes d'entrée dans Grenoble. Les raisons de cette fièvre jaune organisée par le Mouvement national contre la hausse des taxes de Grenoble mené par son leader Julien Terrier ? La hausse du prix des carburants et, plus largement, le ras le bol des petits revenus contre toutes les taxes qui ne leur permettent plus de boucler leurs fins de mois.
Des rassemblements illégaux car non déposés à temps en préfecture
Dans le même temps, d'autres rassemblements se forment dans l'agglomération grenobloise, en particulier sur l'espace Comboire à Échirolles et sur le parking de l'hypermarché Carrefour de Meylan. L'objectif ? Bloquer Grenoble en établissant des barrages filtrants sur les bretelles d'accès du rond-point, ou encore en ralentissant la circulation sur l'A480 avec des opérations escargot menées par des convois réunissant voitures et motos.
Le tout dans un concert de klaxons et de grands coups d'accélérateur de motos sur fond de fumigènes et de slogans ciblant essentiellement Emmanuel Macron, le président de la République.
Bien que ces rassemblements soient illégaux, faute d'autorisation déposées à temps en préfecture, les nombreuses forces de police présentes restent débonnaires. Elles ont manifestement reçu des instructions à faire preuve de tolérance.
S'agissant d'un mouvement citoyen sans réelle organisation structurée ni encadrement, les autorités ont néanmoins exigé qu'un interlocuteur soit désigné dans chaque groupe afin de transmettre leur consignes. Le but : bien évidemment que cette journée se déroule sans incidents… Ce qui n'a malheureusement pas été le cas en Savoie, où une manifestante de 60 ans a perdu la vie au Pont-de-Beauvoisin, percutée par une automobiliste prise de panique lors d'un rassemblement non autorisé.
« On en a marre de toutes ces taxes ! »
Porte de France, c'est Jean-Lou, un jeune étudiant, qui endossera ce rôle de porte-parole et qui animera la manifestation, pédestre celle-là, jusqu'à son arrivée au Rondeau. Par un effet boule de neige, les gilets jaunes à pied, guère nombreux au départ, verront leur nombre augmenter pour atteindre près de deux cents personnes au fil de leur déambulation.
« On en a marre de toutes ces taxes qu'on nous met. Le gaz, la CSG, la hausse des carburants, toutes ces augmentations sont une catastrophe pour les gens qui n'ont que de faibles revenus. C'est pour ça que je manifeste avec tous ces gens », nous confie un gilet jaune en chemin. C'était d'ailleurs bien là toute la teneur et l'essentiel des discours entendus, ici ou là, dans les rangs de manifestants bien décidés « à bloquer le pays ».
Une atmosphère globalement bon enfant mais quelques incidents
Au Rondeau, les rangs des gilets jaunes se sont vus renforcés par d'autres groupes venus de Comboire ou de Meylan entre autres points de rassemblements plus modestes. Des barrages filtrants ont aussitôt été établis, tandis que l'A480 voyait son trafic sérieusement ralenti par les caravanes de véhicules exposant sur les tableaux de bord les fameux gilets de sécurité.
Si l'atmosphère est restée globalement bon enfant, au fil des heures, certaines tensions sont apparues, les consignes mal interprétées ou non connues provoquant des quiproquos entre manifestants. Fallait-il bloquer complètement les axes routiers ou bien laisser passer au compte-gouttes voitures et motos ?
Au final, si les tramways voyaient leur circulation fortement perturbée, les véhicules de secours et les bus ont pu circuler librement. Tout comme cette infirmière, obligée de se rendre en urgence auprès d'un patient que les manifestants d'un barrage ont laissé passer sans tergiverser.
Un mouvement sans réel encadrement
Du côté des automobilistes bloqués, si la plupart ont conservé leur calme voire esquissé un sourire, certains ont fait preuve de moins de patience. Les coups de gueule et crispations n'ont pas manqué d'ajouter à une certaine confusion.
C'était bien là le risque d'un mouvement, sans réel cadre opérationnel, né de la spontanéité de participants mobilisés via les réseaux sociaux, avec des responsables locaux un peu dépassés par l'ampleur de l'événement.
Certains d'entre eux étaient d'ailleurs quasi injoignables, comme le leader des gilets jaunes grenoblois Julien Terrier, resté longtemps bloqué sur Comboire et que nous n'avons pas pu rencontrer au Rondeau le temps de notre présence sur les lieux.
À 16 heures, 3 000 participants répartis sur 35 points de rassemblement étaient recensés en Isère. Si l'ambiance est restée plutôt bonne sur l'agglomération grenobloise, huit personnes ont tout de même été interpellées « en raison de comportements dangereux ou d'incivilités graves », précise la préfecture de l'Isère dans un communiqué. Une dizaine de blessés ont par ailleurs été pris en charge par les services de secours dans le département.
Devant la tournure un peu prévisible que prenait l'événement, avec notamment l'accentuation des incidents et incivilités, la préfecture a d'ailleurs appelé, sur le coup de 15 heures, les manifestants « à cesser leurs rassemblements et leurs opérations sur la voie publique avant la tombée de la nuit ».
Un avertissement resté vain, puisqu'il a fallu une charge des CRS pour que des gilets jaunes réfractaires consentent à quitter le rond-point du Rondeau. Et ce n'est qu'à 20 heures que les CRS ont finalement levé le camp et que la circulation a pu retrouver un cours normal sur l'agglomération grenobloise.
Un mouvement appelé à se poursuivre ?
Ce dimanche 18 novembre, quelques rassemblements étaient à nouveau recensés en Isère, dans le plus grand calme, selon la préfecture. Notamment une opération escargot de Comboire à Échirolles jusqu'à Crolles qui a ralenti la circulation sur la rocade sud.
L'occasion pour la préfecture de l'Isère de réitérer son appel aux manifestants de n'effectuer aucun blocage « susceptible d'entraver la liberté d'aller et de venir pouvant faire monter les tensions avec la population ».
Reste qu'au lendemain de cette mobilisation qui n'aura pas vu la France sérieusement bloquée, comme certains gilets jaunes ont pu l’espérer, quelques questions demeurent. Quid du devenir de cette mobilisation ? Les blocages vont-ils se poursuivre ? Feu de paille ou mouvement au long cours ? Récupération par les politiques ? Autant d'incertitudes qu'un proche avenir se chargera sans doute de lever.
Joël Kermabon