REPORTAGE VIDÉO – Une première régionale a été réalisée au CHU de Grenoble le 5 novembre dernier avec l’implantation d’un capteur miniaturisé sans fil chez un patient atteint d’insuffisance cardiaque. L’objectif ? Surveiller à distance l’évolution de la maladie. Cette nouvelle avancée en télécardiologie soulève l’espoir de parvenir à mieux stabiliser l’état des patients et réduire significativement les hospitalisations.
L’insuffisance cardiaque concerne plus de 500 000 patients en France. Elle est à l’origine de près de 150 000 hospitalisations annuelles. Une situation bientôt révolue ? Une chose est sûre, le centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes (Chuga) s’engage pleinement dans la voie de la
télémédecine du cœur (ou télécardiologie).
Le 5 novembre dernier, entouré de son équipe, le Pr Pascal Defaye, chef du service de rythmologie et stimulation cardiaque du Chuga, a ainsi réalisé une première régionale avec l’implantation d’un capteur sans fil miniaturisé et autonome chez un patient atteint d’insuffisance cardiaque. Sa fonction ? Permettre une surveillance à distance quotidienne des paramètres cliniques de la pathologie.
Détecter de façon précoce une poussée d’insuffisance cardiaque
« Cet outil va nous permettre de détecter à distance et de façon précoce – trois semaines à un mois à l’avance –, une diminution des capacités cardiaques chez les patients », explique le Pr Defaye. L’avantage est indéniable. « Cela va nous permettre de prescrire à temps des médicaments pour faire revenir les patients à leur état initial et éviter l’hospitalisation », se réjouit le chef du service de rythmologie et stimulation cardiaque.
L’enjeu est de taille. De fait, « quand les patients sont hospitalisés, ils perdent à chaque fois une part supplémentaire de leur fonction cardiaque », déplore le praticien. Le problème est d’autant plus aiguë que plus de 50 % des patients hospitalisés le seront au moins une nouvelle fois dans l’année.
Le capteur de pression est implanté dans l’artère pulmonaire
Le capteur miniaturisé sans fil et autonome développé par une entreprise américaine est au cœur du système technologique CardioMems HF (pour micro-électro-mécaniques haute fréquence) de télécardiologie.
Cette prothèse doit être implantée à l’aide d’un cathéter dans l’une des artères pulmonaires du patient au cours d’une opération mini-invasive.
Réalisée dans le cadre d’essais cliniques, cette première intervention chez un patient au Chuga s’est effectuée en présence de deux ingénieurs spécialement dépêchés sur place par l’entreprise.
Leur rôle ? Former le personnel du service de rythmologie et stimulation cardiaque de l’hôpital à l’utilisation du dispositif et accompagner l’équipe médicale lors des premières implantations du capteur.
Retour en image sur les principaux temps forts de cette première régionale commentés par le Pr Defaye :
Implanter ce capteur dans l’artère pulmonaire pour y mesurer la pression sanguine possède un avantage considérable. Lequel ? « Lorsque le cœur diminue sa contraction, la conséquence est une augmentation de la pression artérielle en amont. Or les vaisseaux les plus directement situés en amont du cœur sont les artères pulmonaires. En cas de poussée d’insuffisance cardiaque, c’est là que la pression sanguine va augmenter le plus rapidement dans le corps », justifie le cardiologue.
Une diminution de 37 % du risque d’hospitalisation
Comme cinq autres établissements en France, le Chuga a choisi le système CardioMems HF qui est déjà utilisé depuis plus de deux ans aux États-Unis pour sa performance. De fait, « les études avec ce type de capteur ont montré qu’on diminuait d’environ 37 % le risque d’hospitalisation dans l’année, qu’on réduisait significativement le risque d’altération progressive du muscle cardiaque chez ces patients et qu’on améliorait leur survie », indique le praticien.
Une révolution quand on sait qu’actuellement la moitié des patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique meurent dans les cinq ans suivant le diagnostic. En outre, des données récentes démontrent que l’utilisation du système CardioMEMS HF entraîne également des améliorations significatives de la qualité de vie ainsi que de la capacité à faire de l’exercice chez ces patients.
Les alertes, transmises sans délai au médecin référent
Avec le capteur de pression artérielle, le système CardioMems HF comprend en outre un oreiller spécial, équipé d’une antenne interne de transmission haute fréquence ainsi qu’un ordinateur qui enregistre les données, nommé “unité électronique portable”.
Concrètement, les patients s’allongent quotidiennement pendant une vingtaine de minutes sur l’oreiller et, au moyen de l’antenne, les données collectées par le capteur sont transmises à l’unité portable.
Le patient ne ressent ni douleur, ni sensations lors de ces transmissions. Autre avantage qui fait tout l’intérêt de ce système, cette opération peut être facilement réalisée à domicile.
Les données sont ensuite transmises depuis le portable jusqu’au centre de télécardiologie au centre hospitalier.
« Les infirmières dédiées à la télémédecine suivent quotidiennement la mesure de la pression dans l’artère pulmonaire. Et, à la moindre augmentation, il va y avoir une alerte transmise au médecin référent. Ce qui déclenche la prescription d’un médicament pour faire revenir le patient à l’état initial et éviter son hospitalisation », insiste le praticien.
Le capteur de pression est implanté définitivement dans l’artère pulmonaire
La prothèse, ce petit bijou technologique, sans fil, miniaturisé et sans batterie possède une longévité infinie. Dès lors, comment est-il alimenté ? Grâce à la technologie micro-électro-mécaniques (Mems). « Le flux sanguin et les vibrations délivrent de l’énergie utilisée par le capteur pour se recharger », résume le Pr Defaye.
À quelle typologie de patients est préférentiellement destiné ce dispositif qui reste implanté à vie dans l’artère pulmonaire ? « Aux patients dans un état relativement grave qui ont été victimes d’au moins deux poussées d’insuffisance cardiaque hospitalisées », précise le chef du service de rythmologie et stimulation cardiaque du Chuga.
« Ce système va occasionner une énorme baisse des dépenses hospitalières »
En sus de contribuer au maintien à domicile des patients dans un état clinique bien meilleur, l’utilisation du système CardioMems HF constitue un apport majeur sur le plan économique. Le traitement de l’insuffisance cardiaque représente actuellement 1 à 2 % du budget de la santé dont 75 % sont dus aux hospitalisations dont la durée moyenne est de onze jours.
Le Dr Defaye en est persuadé, « le système Mems HF va occasionner une énorme baisse des dépenses hospitalières ». Et ce, malgré son coût, estimé à 15 000 euros environ. Ce dispositif « très novateur » – qui entre parfaitement dans la logique de réduction des coûts d’hospitalisation engagée depuis plusieurs années par l’Assurance maladie – n’est pour autant pas encore disponible sur le marché.
En effet, le système Cardio MEMS HF étant toujours en phase d’évaluation en vue d’obtenir la certification européenne, les patients devront encore attendre environ une année pour bénéficier de ce système de monitoring de l’insuffisance cardiaque.
Véronique Magnin
L’INSUFFISANCE CARDIAQUE EST SOUVENT IRRÉVERSIBLE
« L’une des grandes causes de l’insuffisance cardiaque, c’est ce qu’on appelle la cardiopathies ischémiques [ou maladies des artères du cœur, ndlr] après un infarctus. Ensuite, il y a les cardiopathies dilatées idiopathiques [cavités cardiaques dilatées de cause méconnue, ndlr] », précise le Pr Defaye. Leur origine peut être le vieillissement, l’hérédité, l’hypertension artérielle, l’alimentation ou/et l’hygiène de vie etc.
Dans tous les cas, le cœur perd une partie de sa capacité à se contracter et à éjecter suffisamment de sang dans l’organisme pour répondre aux demandes du corps. Avec pour conséquence « l’altération de l’état général des patients insuffisants cardiaques qui sont très gênés par des essoufflements et stressés par le risque de mort subite », décrit le spécialiste en cardiologie.
Peut-on guérir d’une insuffisance cardiaque ? « Il y a quelques insuffisances réversibles mais la plupart du temps, ce n’est pas réversible. Les traitements vont assurer un équilibre, sans revenir à la case initiale », nous répond le chirurgien.
La transplantation cardiaque ne pourrait-elle pas constituer une solution alternative ? Malheureusement pas. « Les insuffisants cardiaques sont souvent des personnes âgées chez lesquelles on ne réalise pas de transplantation car ce sont des interventions à énormes risques et de surcroît, nous manquons de greffons », explique Pascal Defaye.