FOCUS – Nadine Le Calonnec, à la tête de la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de l’Isère, et Renzo Sulli, maire d’Échirolles, ont présenté ce mercredi 7 novembre la méthodologie et les moyens déployés pour lutter contre les phénomènes de rodéos urbains. Avant de livrer le bilan, jugé positif, de quatre mois d’expérimentation sur la commune d’Échirolles menés conjointement par la police nationale, la police municipale et le Centre de supervision urbaine de la ville.
Qui n’a pas assisté, en pleine avenue, à des rodéos urbains, ces bruyantes démonstrations de motos, scooters ou quads qui mettent les nerfs, la sécurité et les oreilles à rude épreuve ?
En 2017, près de 9 000 de ces rodéos sauvages « dangereux et inadmissibles » ont été constatés dans les villes de France. Dès lors, contrecarrer ou empêcher ce phénomène excédent pour beaucoup d’habitants impuissants a pris un caractère prioritaire.
Depuis août dernier, les autorités expérimentent ainsi à Échirolles tout un ensemble d’outils et de stratégies pour lutter contre les rodéos urbains motorisés. L’occasion de tirer un premier bilan, après quatre mois d’expérimentation sur le terrain, avec Nadine Le Calonnec, directrice départementale de la sécurité publique de l’Isère (DDSP), et Renzo Sulli, maire d’Échirolles.
Un phénomène « extrêmement prégnant et dérangeant » à Échirolles
« Si cela n’a pas contribué à l’éradication complète des rodéos urbains, cette expérimentation s’est avérée extrêmement positive », se félicite d’entrée Renzo Sulli. L’édile, qui en veut pour preuve une diminution notable de ce phénomène sur Échirolles par rapport à l’année 2017, est résolument optimiste. « Cela montre qu’effectivement, si on arrive à conjuguer l’ensemble des efforts en partenariat avec la police nationale (PN) et la police municipale (PM) adossés à des outils de vidéosurveillance, on parvient à le faire reculer », tient-il encore à préciser.
Pas question de s’arrêter là en tout cas. Le maire se dit bien déterminé à poursuivre la lutte contre ce fléau. Il espère à ce titre que les renforts promis par l’ex-ministre de l’Intérieur Gérard Collomb pourront bientôt arriver. Onze personnes ont déjà été recrutées et neuf autres sont en cours de validation.
« Échirolles est une commune sur laquelle le phénomène est extrêmement prégnant et dérangeant. La population a trop souvent l’impression qu’on ne fait rien parce qu’il y a un défaut de visibilité », enchaîne Nadine Le Callonec.
En réalité, ces rodéos mettent souvent en danger la sécurité des personnes. Pour les policiers nationaux et municipaux, y mettre fin implique la plupart du temps des poursuites avec des risques pour eux-mêmes, pour les pilotes… mais aussi pour les riverains. Notamment les plus fragiles, que ce soit des personnes âgées ou de jeunes enfants.
« La lutte contre ces rodéos doit devenir un réflexe »
« Nous avons souhaité nous organiser et être maximalistes par rapport à cette thématique. C’est la raison pour laquelle nous avons d’abord travaillé sur Échirolles en lien très étroit avec la Ville, la police municipale et le Centre de supervision urbaine (CSU) pendant quatre mois », expose Nadine Le Calonnec. Bien que ces quatre mois d’expérimentation soient échus, la directrice insiste : « La lutte contre ces rodéos se poursuit sur la commune d’Échirolles et sur l’ensemble du ressort de la circonscription ».
L’objectif de l’opération ? Que la lutte contre ce phénomène « devienne un réflexe, au même titre que la lutte contre les vols à la roulotte, les cambriolages ou autres formes de délinquance acquisitive », déclare Nadine Le Calonnec.
Pour ce qui concerne la qualification des infractions, l’opération a débuté avant que ne soit votée la loi renforçant la lutte contre les rodéos. Une vingtaine d’infractions – allant du non-respect d’un feu rouge à un engagement sans précaution dans une intersection – ont ainsi été systématiquement relevées.
Si l’identification du contrevenant à l’instant T n’était pas toujours possible, un procès-verbal était tout de même établi. À charge pour l’agent constatant l’infraction de l’accompagner de photos probantes.
Insécuriser au maximum les auteurs de rodéos urbains
L’avantage de cette méthodologie ? Elle permet une identification a posteriori à l’aide d’outils spécifiques pour parvenir à imputer l’infraction. « C’est bien là toute la nouveauté que ces infractions relevées sans interception sur un véhicule avec des caractéristiques propres, même avec des auteurs casqués », révèle la directrice de la DDSP. Le but poursuivi ? Insécuriser au maximum les auteurs de ces rodéos se croyant à l’abri de toute poursuite, dans tous les sens du terme.
La nouvelle qualification apportée par la loi votée en août permet de travailler sur la base correctionnelle d’un délit avec, en complément, la possibilité d’appréhender de manière systématique l’engin impliqué. « Depuis le mois de septembre nous avons travaillé sur cette nouvelle qualification parce qu’elle est plus efficace », se réjouit Nadine Le Calonnec.
Quid des partenaires impliqués dans cette lutte ? La police municipale d’Échirolles bien sûr, mais aussi, très important, son Centre de supervision urbaine (CSU).
« Il a cet avantage de pouvoir fixer l’image, de disposer de vidéos de commissions d’infractions que nous pouvons joindre à l’appui des déclarations », souligne la directrice départementale.
Par ailleurs, les policiers nationaux sont eux-mêmes équipés de caméras piéton avec, en complément, des tablettes ou des smartphones autorisant des consultations du fichier Stic (Système de traitement des infractions constatées) mais aussi la prise de photos. Enfin, chaque fois que c’est possible, en fonction des différents ressorts, la Gendarmerie nationale est mise à contribution pour une plus grande efficacité.
Être dissuasifs afin d’empêcher la réitération des comportements délictueux
Pour donner plus de visibilité des opérations à la population, l’autorité publique n’a pas lésiné en engageant des moyens aériens. Notamment un avion de la Police de l’air et des frontières (Paf) et un hélicoptère de la Gendarmerie nationale. « Les avions ont eu un effet dissuasif, un certain nombre de ces jeunes clairement identifiés ont été retrouvés en vélo la semaine d’après », commente Thierry Monel, premier adjoint d’Enzo Sulli.
Autre innovation, une première en France, la création d’une application informatique permettant, pour les relevés d’infractions sans identification immédiate, de mutualiser une base de connaissance. « Cela nous a permis des poursuites au niveau du Ministère public et de la brigade des accidents et des délits routiers. Et même parfois au-delà parce que nous pouvons avoir des auteurs de rodéos qui ont également commis des infractions de droit commun traitées par des investigations de la Sûreté départementale », précise Nadine Le Calonnec.
Qu’advient-il des deux roues appréhendés ? « Chaque fois que la loi l’autorise et que les circonstances le permettent les fonctionnaires de police sont en capacité de confisquer l’engin. Ils sont ensuite conservés, parfois jusqu’au jugement », explique la directrice de la DDSP. L’objectif ? Être le plus dissuasif possible et empêcher la réitération de ces comportements.
Enfin, il était important que les bailleurs sociaux soient dans la boucle tout autant que la population dans son ensemble. Nombre de scooters ou motos sont en effet souvent laissés à l’abandon dans les parties communes des habitations. Le bénéfice est double puisque cela permet de mieux qualifier les lieux de stockage des engins pour ensuite procéder à leur enlèvement.
Des jeunes entre 15 et 25 ans habitant en majorité sur la commune d’Échirolles
Quel bilan au final de ces quatre mois d’expérimentation ? Renzo Sulli tout comme Nadine Le Calonnec l’estime positif. Soixante-douze dossiers en lien avec ce phénomène de rodéos ont en effet été traités durant cette période. Une vingtaine d’infractions contraventionnelles ont été relevées, sans action coercitive ou appréhension d’engins, débouchant pour la plupart sur des peines pécuniaires.
En dehors de ces qualifications, une cinquantaine d’autres à caractère correctionnel ont permis d’appréhender quinze deux-roues dont douze n’ont pas été restitués. Au terme des poursuites pénales, ces engins pourront être confisqués afin d’éviter qu’ils puissent être réutilisés au cours de nouveaux rodéos.
La typologie des mis en cause ? Des jeunes entre 15 et 25 ans dont la majorité habite sur la commune d’Échirolles. Le bilan encourageant de cette expérience devrait permettre son extension à l’ensemble des commune de l’agglomération.« Depuis ce mois de novembre, nous travaillons, sur la base de ce qui a été fait à Échirolles, sur l’ensemble des communes du ressort police », assure Nadine Le Calonnec.
« Même si nous sommes bien loin d’avoir éradiqué le phénomène, il y aura un avant et un après cette expérimentation », conclut Thierry Monel.
Joël Kermabon