La LPO Aura dénonce les arrêtés préfectoraux autorisant la chasse par temps de confinement

Mort d’un vété­tiste en Haute-Savoie : l’“arrêté chasse” du pré­fet de l’Isère de nou­veau dans le viseur des associations

Mort d’un vété­tiste en Haute-Savoie : l’“arrêté chasse” du pré­fet de l’Isère de nou­veau dans le viseur des associations

FOCUS – La mort d’un vété­tiste, tué acci­den­tel­le­ment par un chas­seur le week-end der­nier en Haute-Savoie, replace sous le feu des cri­tiques l’arrêté pré­fec­to­ral auto­ri­sant la chasse au san­glier durant tout l’été en Isère. Le 1er août, la jus­tice a rejeté la requête en référé de plu­sieurs asso­cia­tions deman­dant la sus­pen­sion de cet arrêté. Mais ces der­nières ont éga­le­ment déposé un recours au fond, pour lequel la pro­cé­dure est encore en cours.

Samedi 13 octobre, un vété­tiste bri­tan­nique de 34 ans a été mor­tel­le­ment atteint par le tir d’un chas­seur par­ti­ci­pant à une bat­tue sur la com­mune de Montriond, en Haute-Savoie. Ce nou­vel acci­dent de chasse mor­tel – le qua­trième sur­venu en France depuis le 1er juin – relance le débat sur la dif­fi­cile coha­bi­ta­tion entre chas­seurs et usa­gers de la nature.

Des chasseurs contrôlés par des agents de l'ONCFS. © Bertrand Benazeth - Wikipedia

Des chas­seurs contrô­lés par des agents de l’ONCFS. © Bertrand Benazeth – Wikipedia

Un sujet qui se trouve au cœur des deux recours contre « l’arrêté chasse » du pré­fet de l’Isère, dépo­sés le 16 juillet der­nier par plu­sieurs asso­cia­tions de défense de la nature. Parmi elles, l’Association pour la pro­tec­tion des ani­maux sau­vages (Aspas), la Fédération régio­nale des asso­cia­tions de pro­tec­tion de la nature (Frapna), Mountain Wilderness ou encore le col­lec­tif La Nature sans se faire tirer des­sus.

Un col­lec­tif appelle les usa­gers de la nature à témoigner

Hautement polé­mique, cet arrêté pré­fec­to­ral auto­rise une ouver­ture anti­ci­pée de la chasse de plu­sieurs gros gibiers – dont le san­glier – en Isère. Celle-ci est doré­na­vant per­mise à par­tir du 1er juillet au lieu du 9 sep­tembre, date de l’ouverture offi­cielle de la chasse. Objectif affi­ché : régu­ler le nombre de san­gliers dans le département.

Après la mort d'un vététiste en Haute-Savoie, l'arrêté du préfet de l'Isère autorisant la chasse aux sangliers en été est visé par deux recours.Chasse du Boutat en 2017 sangliers cerfs @FDCI

Chasse du Boutat en 2017 de san­gliers et de cerfs. © FDCI

Mais pour le col­lec­tif La nature sans se faire tirer des­sus, avec cet énième drame de la chasse, « la preuve est à nou­veau faite que l’é­lar­gis­se­ment de cette pra­tique d’un autre temps n’est pas com­pa­tible avec les autres usages de la nature ». Rappelant « le dan­ger de cette pra­tique », il « appelle les usa­gers de la nature à témoi­gner en vue de l’examen du recours sur le fond ».

Si le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif a rejeté, dans son ordon­nance du 1er août, le référé-sus­pen­sion demandé par les asso­cia­tions, celles-ci ont en effet déposé un second recours, éga­le­ment le 16 juillet, pour récla­mer l’annulation par­tielle de l’arrêté.

« Obtenir une déci­sion du tri­bu­nal avant l’édiction du nou­vel arrêté sur la chasse »

Après la mort d'un vététiste en Haute-Savoie, l'arrêté du préfet de l'Isère autorisant la chasse aux sangliers en été est visé par deux recours.Ouverture de la chasse dimanche. Le vendredi reste le seul jour non chassé en Isère mais la réflexion avance… doucement. Crédit Gest/fédération de chasse de l'Isère

La chasse à cer­tains gros gibiers a été per­mise dès le 1er juillet 2018. © Gest-fédé­ra­tion de chasse de l’Isère

Pour ce recours au fond, « la pro­cé­dure est très longue et encore en cours », explique l’avocat des requé­rants Me Yannis Lantheaume, qui espère ainsi « obte­nir une déci­sion du tri­bu­nal avant l’édiction du nou­vel arrêté sur la chasse [pour la sai­son 2019 – 2020], pris en géné­ral en juin. Mon argu­ment prin­ci­pal, ce sont les risques que peut créer la coha­bi­ta­tion for­cée entre les chas­seurs et des tou­ristes beau­coup plus nom­breux en juillet-août. »

Un argu­men­taire qu’il a éga­le­ment déroulé devant le juge des réfé­rés : « J’ai sou­li­gné qu’il y avait un boom de la fré­quen­ta­tion des mas­sifs isé­rois en plein été, mais pas suf­fi­sam­ment de mesures pour que les gens soient au cou­rant et pour assu­rer leur sécu­rité. »

En outre, ajoute-t-il, « l’arrêté ne rentre pas trop dans les détails, la chasse étant per­mise sur tout le ter­ri­toire isé­rois. Mais les san­gliers ne sont pas par­tout et ne se retrouvent que sur des zones très pré­cises. Il aurait été pos­sible de déter­mi­ner des zones rouges où ne sont pas pris d’arrêtés de chasse », comme cela se fait dans d’autres départements.

Près de 7 000 san­gliers tués par an dont à peine une cen­taine en été

Malgré la déci­sion défa­vo­rable, Me Yannis Lantheaum tient néan­moins à pré­ci­ser que « le juge des réfé­rés n’a pas rejeté la requête sur la ques­tion de la léga­lité ou non de l’arrêté mais a consi­déré qu’il n’y avait pas urgence à le sus­pendre. Mais lors de l’audience, les repré­sen­tants de la pré­fec­ture ont admis que l’arrêté qui avait déjà été mis en place en 2013 n’avait pas changé grand-chose. » Un constat qu’il effec­tue lui aussi, chiffres à l’appui : « Il y a eu près de 7 000 san­gliers tués sur l’année, dont seule­ment une cen­taine sur la période esti­vale. »

Chien de chasse @ FDCI

Chien de chasse devant la dépouille d’un san­glier. © FDCI

« Pour le recours au fond, je vais donc deman­der les chiffres au pré­fet pour savoir com­bien de san­gliers ont été tués cet été, mais je sais déjà que ce sera très peu », anti­cipe l’avocat. Et celui-ci d’ironiser : « Quelle est cette logique qui pré­sente autant de risques pour aussi peu de résul­tats ? Surtout quand les chas­seurs ne sont pas deman­deurs de chas­ser en été… »

Si cette der­nière asser­tion peut sur­prendre au pre­mier abord, elle est confir­mée par la Fédération dépar­te­men­tale des chas­seurs de l’Isère : « Chasser douze mois sur douze, non merci ! Les chas­seurs ne sou­haitent pas par­ti­cu­liè­re­ment chas­ser en juillet où les condi­tions sont loin d’être opti­males. Ils opèrent uni­que­ment sur demande de l’État et des exploi­tants agri­coles sur des zones pré­cises, par­ti­cu­liè­re­ment impac­tées par le san­glier. »

« Pacifier les rela­tions entre chas­seurs et agri­cul­teurs sur le dos des usa­gers de la nature »

Car c’est bien là que se situe le nœud du pro­blème. Selon Me Yannis Lantheaume, le prin­ci­pal souci est en effet « la sur­po­pu­la­tion de san­gliers » et les dom­mages que cela occa­sionne aux exploi­tants agri­coles. La pré­fec­ture indique ainsi que « le mon­tant des dégâts en Isère s’élève à un mil­lion d’euros pour la sai­son qui s’achève ».

Pour faire face à la surpopulation de sangliers en Isère, les chasseurs sont autorisés à les tirer dès le 1er juillet et ce durant tout l'été. Sauf le dimanche.

Un chas­seur achève un san­glier lors d’une bat­tue. © DR

Résultat des courses : un ras-le-bol gran­dis­sant chez les agri­cul­teurs, tan­dis que l’État ren­voie la balle aux chas­seurs qui pré­tendent ne pas pou­voir faire mieux. D’où des ten­sions entre les deux parties.

L’avocat en est donc convaincu, l’arrêté pré­fec­to­ral aurait été pris en par­tie pour « paci­fier les rela­tions entre les chas­seurs et les agri­cul­teurs ».

Malheureusement, déplore-t-il, cela se fait « sur le dos de tous les usa­gers de la nature, qui veulent sim­ple­ment pro­fi­ter de la nature sans fré­quen­ter des chas­seurs et sans ris­quer leur vie ». Et pour La nature sans se faire tirer des­sus, « lors­qu’on est une vic­time de la chasse, peu importe que cela soit rare, c’est injuste, c’est into­lé­rable ! »

Ce mer­credi matin, Guillaume Laget, repré­sen­tant du col­lec­tif, iro­ni­sait d’ailleurs sur son compte Facebook, s’adressant aux « parents qui vou­draient se pro­me­ner avec leurs enfants cet après-midi : un conseil fourni gra­tui­te­ment par les chas­seurs ? Ne sor­tez pas de Grenoble ! C’est « chasse col­lec­tive » par­tout autour. Battues quoi. Vachement utile cette appli de la Fédération de chasse payée par de l’argent public… »

Manuel Pavard

Un ras­sem­ble­ment ce dimanche, place Grenette

En réac­tion à l’accident de chasse mor­tel du vété­tiste, un col­lec­tif infor­mel de citoyens orga­nise un ras­sem­ble­ment paci­fique, ce dimanche 21 octobre, à par­tir de 10 heures, sur la place Grenette. Munis de leur VTT, de pro­tec­tions et d’un gilet fluo, les orga­ni­sa­teurs sou­haitent « mon­trer que les zones de chasse proches des villes sont pra­ti­quées par de plus en plus de per­sonnes et que ces espaces natu­rels doivent être par­ta­gés en toute sécu­rité ».

Ils l’assurent, « le but n’est pas la confron­ta­tion avec les chas­seurs, mais de mon­trer [leur] pré­sence, et de faire valoir ça auprès des com­munes pour ouvrir le dia­logue et cher­cher des solu­tions pour coha­bi­ter ».

Manuel Pavard

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