ENQUÊTE – La prostitution dans les rues de Grenoble, toujours visible, aurait même tendance à se développer. Et ce en dépit de la loi de 2016 qui prétendait s’attaquer au système prostitutionnel avec de nouvelles armes : pénalisation des clients et aide à la réinsertion des prostituées… Triste tableau pour les riverains qui s’en offusquent. Triste sort, surtout, pour ces femmes, victimes pour la plupart d’une traite d’êtres humains organisée à l’échelle internationale.
Plusieurs dizaines de femmes et de jeunes filles mineures se prostituent chaque nuit dans les rues de Grenoble. Un ordre de grandeur établi par les associations proches des prostituées.
Beaucoup de Nigérianes, de plus en plus jeunes, de Roumaines, de Congolaises… Des Françaises aussi. Boulevard Foch, au niveau du square Mangin, « plus d’une vingtaine de prostituées sont arrivées depuis peu, pour beaucoup des mineures », nous indique une habitante. Ce sont « des nuisances sonores chaque nuit », se lamente-t-elle. « J’ai honte que de pauvres jeunes filles soient laissées dans ma ville telles des marchandises humaines, sur le trottoir », fulmine cette habitante.
Responsable du service Isère de l’Amicale du nid venant en aide aux prostituées, Agnès Bonneau n’est pas étonnée par ce témoignage. Elle explique que les proxénètes font venir des filles de plus en plus jeunes, du Nigeria notamment. Ils les font passer pour majeures « dans le but qu’elles ne soient pas extirpées du réseau par le service de l’aide à l’enfance ».
« La police passe sans rien faire ou même dire… »
C’est une évidence pour Agnès Bonneau : la prostitution de rue ne cesse d’augmenter à Grenoble depuis 2011. Quant à expliquer ce regain de prostitution boulevard Foch précisément ? Il suffit d’aller y faire un tour…
Flanqués de bosquets, murets, arbustes, le site compte de nombreux recoins cachés, plutôt « commodes » pour les prostituées et leurs clients. Lesquels ne sont visiblement pas très contrôlés dans la capitale des Alpes.
Mesures pourtant phare de la loi du 13 avril 2016, le contrôle et la pénalisation des clients de la prostitution sont comme tombées très vite aux oubliettes… « La police passe sans rien faire ou même dire, constate la voisine du square Mangin. C’est dramatique de voir ceci au cœur du centre-ville. »
Des clients punissables, en théorie
Évoquant toujours les nouvelles prostituées apparues dans son quartier, l’habitante de Grenoble poursuit : « Je ne vous parle pas de ce qu’on voit ou de ce qu’on entend chaque nuit, ce qu’il faut expliquer à nos enfants quand on doit rentrer tard la nuit en voiture, et qu’aux feux on a parfois des jeunes à moitié nues et totalement hystériques. »
À l’époque de la loi Sarkozy de 2003, ces jeunes femmes auraient peut-être été embarquées pour délit de racolage. Depuis la loi du 13 avril 2016, la peur a changé de camp, ou plutôt aurait dû…
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