FIL INFO – La relaxe par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche de Serge Dufoulon, enseignant sociologue de l’UGA mis en cause pour des « comportements inappropriés », n’a pas manqué de faire réagir les partisans de la lutte contre le sexisme et le harcèlement en milieu universitaire. Soutenus dans leur indignation par l’Union des étudiants communistes de Grenoble.
Serge Dufoulon un peu trop “relaxé” au goût de l’Union des étudiants communistes de Grenoble ? Dans un communiqué, le mouvement revient sur la relaxe du professeur de sociologie à l’Université Grenoble-Alpes (UGA) par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER).
Une relaxe que les étudiants s’échinent dans leur communiqué à appeler « relaxation », (petite) erreur lexicographique piquante quand l’affaire n’appelle en rien à la détente. La décision va « à rebours de la construction d’une université féministe que nous revendiquons », écrivent en effet les communistes.
Le communiqué se positionne en soutien appuyé à la lettre ouverte adressée par trois structures à la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’innovation Frédérique Vidal ainsi qu’au président de l’UGA Patrick Lévy. Le 28 août 2018, le Collectif de lutte anti-sexiste contre le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur (Clasches), l’Association des sociologues enseignants du supérieur (Ases) et l’Association française de sociologie (AFS) faisaient en effet part de leur indignation face à cette relaxe, et demandaient à leurs destinataires de déposer un recours à son encontre.
Une « guerre de clans » au sein du département de sociologie ?
Retour en arrière : en 2016, une instruction disciplinaire était entamée à l’encontre de Serge Dufoulon pour des actes similaires à du harcèlement, désignés comme des « comportements inappropriés » par l’UGA, sur la base des déclarations de plusieurs étudiantes. Malgré sa contestation des faits, le professeur de sociologie avait alors écopé de huit mois d’interdiction d’exercer. Une décision contre laquelle il avait fait appel.
La CNESER lui a finalement donné raison et a annulé sa sanction, ce que le principal intéressé ne manque pas de faire savoir, se disant victime d’une « chasse à l’homme » et réclamant notamment les émoluments dont il a été privé. Le professeur a ses partisans : dans une discussion (publique) entre wikipédistes, un universitaire évoque clairement une « guerre de clans qui traverse le département de sociologie et l’UGA depuis près de sept ans ». Ainsi qu’une « cabale » visant à répandre des « rumeurs de harcèlement sexuel » à l’encontre de son collègue.
Une relaxe contestée sur le fond comme sur la forme
Le son de cloche n’est pas le même du côté du Clasches, qui reproche au Conseil national de n’avoir « jamais cherché à entendre les étudiant.e.s ayant témoigné lors de la procédure à l’UGA ». Et de motiver sa relaxe par le contexte particulier de l’enseignement de la sociologie « en lien avec le domaine sexuel ». « Le CNESER disciplinaire ignore donc le droit pénal qui ne prévoit aucune exception à la qualification juridique du harcèlement sexuel », assène le collectif.
Le dernier point présenté est, pour sa part, purement formel. Le CNESER avait en effet répondu par la négative à Serge Dufoulon lorsque celui-ci demandait un sursis à sa suspension, arguant du caractère partial de la décision. Or, dans sa récente relaxe, le même conseil évoque une possible partialité entachant la sanction disciplinaire dont avait écopé l’enseignant. « Le droit ne confère aucune compétence au CNESER disciplinaire pour rejuger des faits qu’il a déjà jugés ! », concluent les signataires de la lettre ouverte.
Sollicitée par Place Gre’net, l’UGA a répondu en quelques lignes que nous reproduisons in extenso : « Suite à la lettre ouverte concernant le Professeur Dufoulon, l’établissement ne souhaite pas communiquer immédiatement. L’UGA est en lien avec le ministère et reste très préoccupée par la situation, compte tenu de ses engagements de longue date sur le harcèlement. L’établissement étudie finement le dossier avant de se positionner ».
Prendra – t‑elle en compte la pétition récemment mise en ligne pour demander, à son tour, un appel de la décision du CNESER ? Soutenue par le Clasches, le texte à d’ores et déjà recueilli les votes de membres d’Osez le féminisme, de Solidaires Étudiants, des Jeunes Insoumis, de l’UNEF, de la Licorne, d’Interasso, ou encore de l’ancienne sénatrice PCF de l’Isère Annie David. Autant dire que la relaxation attendra encore un peu.