La ligne Lyon-Turin est-elle sur une voie de garage ? D'avancées en reculades, le projet n'en finit pas de ne pas voir le bout du tunnel...

Tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus : Grenoble porte plainte pour détour­ne­ment de fonds publics

Tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus : Grenoble porte plainte pour détour­ne­ment de fonds publics

EN BREF – La Ville de Grenoble porte plainte contre X auprès du pro­cu­reur de la République d’Albertville pour détour­ne­ment de fonds publics et prise illé­gale d’intérêts. En cause, les liens opaques entre la Société fran­çaise du tun­nel rou­tier du Fréjus, dont la Ville de Grenoble est admi­nis­tra­trice et le Fonds pour le déve­lop­pe­ment d’une poli­tique inter­mo­dale des trans­ports dans le mas­sif alpin.

Maitre Pierre Janot, avocat de la ville de Grenoble, Pierre Mériaux, conseiller municipal, et Daniel Ibanez, opposant à la ligne ferroviaire Lyon-Turin © Florian Espalieu

Maître Pierre Janot, avo­cat de la ville de Grenoble, Pierre Mériaux, conseiller muni­ci­pal, et Daniel Ibanez, oppo­sant à la ligne fer­ro­viaire Lyon-Turin © Florian Espalieu

Le Fonds pour le déve­lop­pe­ment d’une poli­tique inter­mo­dale des trans­ports dans le mas­sif alpin (FDPITMA), éta­blis­se­ment public créée pour boos­ter le report modal de mar­chan­dises de la route vers le rail et, donc, finan­cer en par­tie le Lyon-Turin, serait-il une hol­ding au fonc­tion­ne­ment opaque ?

En août der­nier, la Ville de Grenoble, par l’intermédiaire du conseiller muni­ci­pal Pierre Mériaux (EELV), s’in­ter­ro­geait sur Place Gre’net. Le 9 juin der­nier, elle a décidé de por­ter plainte contre X auprès du pro­cu­reur de la République d’Albertville pour détour­ne­ment de fonds publics et prise illé­gale d’intérêts.

Dès 2015, la Ville de Grenoble – qui s’est depuis désen­ga­gée du Lyon-Turin – récla­mait des éclair­cis­se­ment sur les comptes de la Société fran­çaise du tun­nel rou­tier du Fréjus (SFTRF), dont elle est action­naire depuis la man­da­ture pré­cé­dente. Après de nom­breuses demandes et relances, Pierre Mériaux, repré­sen­tant de la Ville auprès de la SFTRF, a reçu une réponse en novembre 2017 par l’intermédiaire du minis­tère des Transports.

Siphoner des béné­fices d’un côté pour ren­flouer de l’autre

Dans ce cour­rier, Christine Bouchet, direc­trice des infra­struc­tures de trans­ports, annonce l’existence d’une « conven­tion de sub­ven­tion tri­par­tite, signée le 20 juin 2012, entre ATMB [Autoroutes et tun­nel du Mont-Blanc, ndlr], SFTRF et le FDPITMA ». Celle-ci « per­met à ce der­nier de s’engager, jusqu’au 1er octobre 2050, à rever­ser à la SFTRF, sous forme de sub­ven­tion, des divi­dendes per­çus d’ATMB la même année ».

Les bénéfices du tunnel du Mont-Blanc servent depuis 2012 à renflouer les caisses, à sec, du tunnel du Fréjus grâce à une convention passée avec le FDPITMA dédié à l'intermodalité et notamment à financer le Lyon-Turin.

Les béné­fices du tun­nel du Mont-Blanc servent depuis 2012 à ren­flouer les caisses, à sec, du tun­nel du Fréjus grâce à une conven­tion pas­sée avec le FDPITMA dédié à l’in­ter­mo­da­lité et notam­ment à finan­cer le Lyon-Turin. DR

La société ATMB, béné­fi­ciaire, aurait ainsi versé au tra­vers du FDPITMA vingt mil­lions d’euros par an à la SFTRF, défi­ci­taire. « Soit près de 120 mil­lions en six ans, il suf­fit de faire la mul­ti­pli­ca­tion », cal­cule Pierre Mériaux.

Or, le FDPITMA est un éta­blis­se­ment public créé en 2002 dont l’objet est de « concou­rir à la mise en œuvre d’une poli­tique inter­mo­dale des trans­ports dans le mas­sif alpin par le finan­ce­ment des dif­fé­rents modes de trans­port et les éven­tuelles prises de par­ti­ci­pa­tion néces­saires à cet effet », comme le rap­pelle la lettre du minis­tère des Transports.

Des conflits d’intérêt ?

En clair, le FDPITMA n’est pas censé œuvrer uni­que­ment pour le trans­port rou­tier, comme le sou­ligne Pierre Mériaux. « La façon de régler les pro­blèmes est scan­da­leuse : pour une pla­te­forme réel­le­ment inter­mo­dale comme celle d’Ambérieux-en-Bugey, on nous dit qu’on manque d’argent. La ligne de train Grenoble-Gap est mena­cée à très court terme. Et en paral­lèle, de telles mani­pu­la­tions sont faites. »

La ligne Grenoble-Gap à nouveau menacée après le retrait des départements de l'Isère et des Hautes-Alpes du tour de table. Le collectif de défense des usagers de la ligne (re)monte au créneau. © Robert Cuchet

La ligne Grenoble-Gap, mena­cée de fer­me­ture. © Robert Cuchet

La plainte de la Ville de Grenoble porte aussi sur les poten­tiels conflits d’intérêts entre les conseils d’administration du SFTRF et du FDPITMA. « Michel Bouvard est admi­nis­tra­teur des deux struc­tures. Patrice Raulin puis François Drouin ont été pré­si­dents du SFTRF en ayant siégé au conseil d’administration du FDPITMA », pointe Pierre Mériaux. Et de conclure : « C’est pour­quoi nous tenons à mettre ces faits sur la place publique. Mais j’ai toute confiance en la jus­tice de notre pays, et je suis cer­tain que le pro­cu­reur de la République d’Albertville va mener ce dos­sier avec toute la dili­gence requise. »

Florian Espalieu

Une pre­mière pro­cé­dure reje­tée par le Conseil d’État… sur la forme

En 2017, Daniel Ibanez avait saisi le Conseil d’État pour deman­der l’an­nu­la­tion de la conven­tion après le « refus impli­cite » de la ministre de l’Environnement de mettre fin à cet accord tripartite.

Le minis­tère avait alors expli­qué que le rôle du FDPITMA ne se limi­tait pas à reca­pi­ta­li­ser la société. Les res­sources du fonds, tirées des infra­struc­tures rou­tières dont il est action­naire, sont selon lui cen­sées contri­buer au finan­ce­ment de la construc­tion du Lyon-Turin.

Le 11 avril der­nier, la plus haute juri­dic­tion admi­nis­tra­tive a fina­le­ment rejeté la demande de l’op­po­sant savoyard au Lyon-Turin. Le Conseil d’État a consi­déré que la ques­tion n’é­tait pas de son res­sort mais de celle du tri­bu­nal admi­nis­tra­tif, et que Daniel Ibanez n’é­tait pas fondé à deman­der l’an­nu­la­tion de la conven­tion, puisque « ne lésant pas ses inté­rêts de manière directe et certaine ».

FE

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