TRIBUNE LIBRE – La suppression de la taxe d’habitation va représenter un manque à gagner de 24 milliards d’euros pour les communes, selon Michel Savin. Le sénateur, membre de Les Républicains, considère cette mesure comme électoraliste et populiste, et appelle à utiliser cet argent pour les quatre priorités que sont la santé, l’éducation, la solidarité et la sécurité.
La suppression de la taxe d’habitation a été adoptée par le Parlement le 21 décembre 2017. Avec cette mesure, Emmanuel Macron a commis une grave erreur politique.
Le président a déclaré dans les médias vouloir d’ici 2020 « une réforme en profondeur qui permettra de supprimer cet impôt pour la totalité de nos concitoyens ».
Le ministre de l’Économie et des Finances a tenu à expliquer clairement que la part de la taxe d’habitation supprimée sera « financée par le l’État », qui compensera à « l’euro près » la perte des recettes fiscales pour les communes. Bruno Le Maire a rappelé : « Il n’y aura pas de nouvel impôt en France pendant le quinquennat, je m’y engage. »
Cette intervention faisait suite aux propos de Jacqueline Gourault, ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, qui avait pour sa part évoqué la possibilité de mettre en place un « impôt plus juste », afin de compenser les pertes financières.
« Un vrai casse-tête pour le gouvernement »
Tout d’abord, il faudrait que le président de la République et ses ministres s’accordent dans leurs déclarations et leurs intentions.
Nous ne pouvons que le constater : la suppression de la taxe d’habitation est une mesure électoraliste et populiste. C’est aujourd’hui un vrai casse-tête pour le gouvernement qui devra trouver chaque année plus de 24 milliards d’euros pour compenser la perte de recettes des communes.
Fort de ces constats, je souhaite expliquer la position que je défends depuis plusieurs mois au Sénat.
Tout d’abord, le gouvernement ne sait toujours pas comment garantir aux communes des ressources pérennes. Le transfert aux communes de la part départementale de la taxe sur les propriétés bâties et des droits de mutation à titre onéreux, qui est un impôt d’État, a été évoqué, mais non confirmé. Ce mécanisme ne vise qu’à déshabiller Paul (les départements) pour habiller Jacques (les communes).
Une autre solution serait que l’État accepte de partager le produit d’impôts nationaux, comme la CSG ou la TVA. Mais dans ce cas, les communes ne pourraient sauvegarder leur autonomie fiscale, ce qui est en danger.
Dans le même temps, au-delà des 24 milliards d’euros annuels à trouver pour compenser les pertes fiscales des communes, l’État doit rétablir les comptes publics à l’équilibre en réalisant près de 60 milliards d’économies. Il est aussi quasiment certain que l’État devra absorber dans les prochaines semaines la dette de SNCF Réseaux estimée à 50 milliards d’euros.
L’équation semble donc très compliquée à atteindre.
« Un cadeau fiscal aux électeurs »
Si l’État a la capacité d’économiser près de 24 milliards d’euros par an, il aurait été préférable qu’il y ait un débat national pour leur affectation à de réels sujets de société, qui touchent des millions de Français et pour lesquels il n’y a aucune réponse concrète aujourd’hui.
Je pense à la situation de notre système de santé, de la désertification médicale en passant par le manque de spécialistes dans certaines régions jusqu’à la situation explosive dans les hôpitaux et notamment dans les services d’urgences.
Je pense également à la situation parfois dramatique de l’accompagnement de nos aînés, pour lesquels trouver une place dans un Ehpad ou dans une autre structure d’accueil pour personnes dépendantes est un véritable problème. Je pourrais évoquer les conditions de travail des personnels, souvent en sous-effectif, pour un travail très difficile, peu reconnu et mal rémunéré.
Je pense aussi à l’éducation de nos enfants et à la lutte contre le décrochage scolaire qui laisse en situation d’échec plusieurs milliers de jeunes Français par an. Le renforcement et la revalorisation de la formation professionnelle et de l’apprentissage, avec l’ouverture de plus de passerelles entre l’Éducation nationale et le monde de l’entreprise et de l’artisanat est une nécessité au XXIe siècle.
Je pense enfin à la sécurité des Français. Nos forces de l’ordre ont plus que jamais besoin d’être soutenues, tant en termes humains que matériels de pointe. Nous ne pouvons plus laisser dans le besoin nos gendarmes, policiers, militaires ou sapeurs-pompiers qui assurent quotidiennement avec un grand professionnalisme notre sécurité et portent secours aux victimes.
Le gouvernement a souhaité faire un cadeau fiscal aux électeurs. Il aurait été préférable que ces 24 milliards d’euros annuels soient ciblés sur ces quatre priorités que sont la santé, l’éducation, la solidarité et la sécurité.
On nous promet que la taxe d’habitation sera aujourd’hui intégralement compensée par l’État. Mais qu’en sera-t-il dans cinq ans ? En la supprimant, on supprime le lien entre le citoyen et les services proposés par les communes. Tout cela est contradictoire avec le discours ambiant sur la responsabilisation citoyenne. D’autant plus que, les collectivités ont été de bien meilleurs élèves que l’État ces dernières années en matière de baisse des dépenses.
Aujourd’hui, les Français attendent du gouvernement un discours de vérité et des décisions courageuses pour répondre à leurs inquiétudes et non des coups de communication. On voit ici que nous en sommes encore bien loin.
Michel Savin, sénateur de l’Isère
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