FOCUS – Le conseil municipal de ce lundi 14 mai a voté une délibération fixant les tarifs pour l’enlèvement des déchets abandonnés sur le territoire de Grenoble. Un dispositif qui vient renforcer les nouveaux outils mis en place pour préserver la qualité de l’espace public. Ce qui n’a pas empêché Matthieu Chamussy, chef de file de l’opposition de droite, de faire ses propres propositions sur la propreté ne récoltant, à son grand dam, que l’intérêt poli des conseillers municipaux de la majorité.
À l’ordre du jour du conseil municipal de ce lundi 14 mai, la délibération n° 14, essentiellement technique, ne laissait pas augurer un débat de près de trois quart d’heures.
L’enjeu de la délibération inscrite sous le thème domaine public ? Fixer les tarifs pour l’enlèvement des déchets et encombrants abandonnés par des citoyens indélicats sur le domaine public ou autres lieux en infraction avec la réglementation. Un nouveau dispositif de dissuasion qui vient compléter la verbalisation pour jets de mégots et le non-ramassage des déjections canines déjà mise en place par la Ville.
L’occasion pour Matthieu Chamussy, président du groupe d’élus LR-UDI et société civile, de faire ses propres propositions pour améliorer la qualité de l’espace public et que Grenoble puisse devenir « une ville ou l’on peut marcher en levant les yeux ».
Il en coûtera désormais 150 euros ou plus aux contrevenants
Quid de cette nouvelle tarification ? Elle correspond aux frais de prise en charge « des déchets irréguliers, notamment pour les dépôts sauvages, les encombrants et les ordures ménagères déposées en dehors des heures et jours autorisés », indique la municipalité. Des frais qui recouvrent les coûts humains et matériels pour le déplacement, l’enlèvement, le transport et l’évacuation en déchetterie pour retraitement.
Il en coûtera donc désormais 150 euros aux contrevenants pour les déchets et encombrants de moins d’un mètre cube transportables par un agent seul avec un véhicule classique. Au-delà d’un mètre cube, ou à chaque fois que l’intervention nécessitera la présence de deux agents ou l’utilisation d’un véhicule spécifique, ce sera la rondelette somme de 300 euros que les contrevenants devront débourser.
Pour ce qui concerne les déchets particulièrement lourds ou encombrants ne pouvant être enlevés par les moyens courants de la Ville, le tarif sera calculé « en fonction du coût réel des moyens humains et matériels mobilisés pour leur enlèvement et leur traitement », est-il précisé dans la délibération.
« Le discours de responsabilisation des habitants ne suffit pas »
« Ce signal fort donné aux indélicats semble nécessaire », a reconnu Matthieu Chamussy, avant que son groupe ne vote la délibération. Le siphon étant amorcé, celui-ci a toutefois élargi le débat à la propreté et plus globalement à la qualité de l’espace public. « Nous ne pouvons pas dire que vous êtes les seuls responsables de la situation actuelle. Il ne serait pas venu à l’esprit de beaucoup de Grenoblois de dire, en 2014, que les trottoirs de la ville étaient propres », a raillé Matthieu Chamussy. D’ailleurs, les municipalités qui se sont succédé à Grenoble ne sont pas entièrement responsables, a‑t-il poursuivi, arguant que « les seuls déchets et détritus sur l’espace public qui ne devraient pas y être [étaient] ceux déposés par des gens ».
Si le discours de responsabilisation des habitants porté par la Ville s’entend, « on ne peut pas tout fonder sur ce discours », a pondéré l’élu. « Beaucoup de gens partagent la conviction que la situation de propreté de l’espace public s’est dégradée ces dernières années », a‑t-il déclaré tout en dédouanant les agents de la Ville.
Plusieurs causes à cela, diagnostique-t-il. Notamment le manque de moyens humains, le sous-investissement en matériels et, enfin, l’organisation. Sur ce dernier point, Matthieu Chamussy pointe la dissociation entre les compétences voiries de la Métropole et celles de la propreté urbaine dont la Ville de Grenoble a la charge. Une dualité qui entraîne une certaine confusion dans l’esprit des habitants qui ne savent pas toujours qui fait quoi.
Un fil de la Ville étendu aux réseaux sociaux ? Quid des encombrants ?
Justement, « que peut-on faire ?», questionne Matthieu Chamussy. En l’occurrence, le conseiller municipal n’est pas en panne d’idées. Quels sont les résultats enregistrés par le fil de la ville, le numéro vert mis à la disposition des Grenoblois pour alerter la municipalité sur les problèmes liés aux espaces publics ? Est-il réellement efficient ? Pourquoi ne pas l’étendre et saisir les services concernés par d’autres moyens ? Notamment par le biais des réseaux sociaux « qui pourraient être générateurs de signalements utiles », propose l’élu.
Concernant le ramassage des encombrants, il existe selon Matthieu Chamussy une divergence entre la Ville et la Métropole. « Il faudrait savoir précisément ce qu’il en est des positions respectives de la Ville de Grenoble par rapport à celle de la Métropole », a‑t-il demandé.
Le président de groupe propose également que les moyens humains et matériels soient augmentés, autant en matière d’investissements que de fonctionnement. « Vous avez appelé à la mobilisation générale. La mobilisation générale, c’est quand il y a une crise. C’est donc que vous reconnaissez qu’il y a une crise ! », a‑t-il lancé à Éric Piolle, le maire de Grenoble.
C’est donc pour « témoigner de la mobilisation de tous » que Matthieu Chamussy propose qu’au prochain conseil municipal soit décidée « de manière consensuelle, la création d’une mission d’information et d’évaluation sur la qualité et l’entretien des espaces publics, sur la propreté mais aussi sur le mobilier urbain ». Avec la volonté d’y associer « les experts d’usages » que sont les associations et les habitants, précise encore l’élu.
Autant dire que ces propositions n’ont guère trouvé d’écho dans les rangs de la majorité, le maire donnant immédiatement la parole à Lucille Lheureux, conseillère municipale déléguée aux espaces publics et à la nature en ville.
« Les services des espaces verts et de la propreté urbaine ont été préservés »
Cette dernière va s’attacher à expliquer la délibération avant de se lancer dans un discours en forme de panégyrique des services municipaux des espaces verts et de la propreté urbaine qui, « forte de ses 200 agents des espaces verts et ses 225 agents de propreté, participe chaque jour à l’embellissement de Grenoble ». Sans oublier les agents de l’éclairage public, les agents du service voirie de la Métropole et des différentes directions du territoire. Mais aussi d’autres, comme ceux du Bureau d’étude et d’aménagement des espaces publics (Beaep), un service commun à la Ville et à la Métropole.
Le travail effectué par la municipalité dans le cadre du plan de sauvegarde des services municipaux ne passera pas au travers. « Les services des espaces verts et de la propreté urbaine ont été préservés. D’une manière générale, la masse salariale est en augmentation constante depuis plusieurs années », se félicite l’élue.
Qui précise que « l’absentéisme est en baisse […], ce qui témoigne de la bonne santé de ces services ». Avant de signaler que la seule mesure de réduction budgétaire qui les a concernés a été l’arrêt des renforts pour ramasser les feuilles durant l’automne.
« On observe une nette diminution des signalements en matière de propreté »
Lucille Lheureux met en exergue le passage à la journée continue des agents de la propreté urbaine « qui a permis un gain de 10 % du travail effectif avec une présence des agents de 6 heures du matin à 19 heures chaque jour ». L’élue rappelle par ailleurs le montant de facturation en cas d’affichage sauvage,
Les chiens dans l’espace public ? « Nous avons procédé à 432 procès-verbaux dressés en 2016 et 2017 […] Par ailleurs, la Ville compte en son sein un éducateur canin qui dispense des cours gratuitement à tous les Grenoblois afin d’éduquer les chiens et leurs maîtres au bon usage de l’espace public », précise Lucille Lheureux.
De plus, ajoute-t-elle, une équipe de propreté participative a été créée en février 2017, au cœur du service de la propreté urbaine, avec deux missions : la médiation et la prévention des usages et des incivilités au quotidien.
Enfin, fin 2018, plusieurs agents seront assermentés de façon à pouvoir verbaliser en cas de mésusages.
Quant au fil de la ville, « on observe une nette diminution des signalements et des plaintes des habitants en matière de propreté […] tandis que la réactivité des services de la Ville a augmenté », affirme Lucille Lheureux.
Des personnes sabotent-elles le travail des agents du service public ?
Un ronron quelque peu lénifiant et rassurant qu’est venu quelque peu troubler une déclaration de l’élue. « Vous nous avez interpellés M. Chamussy sur des questions de propreté. Vous participez parfois à créer une légende urbaine provoquée par certaines personnes qui sabotent le travail des agents du service public. »
Un ange passe, puis l’adjointe municipale relate un épisode dont « des agents de la ville ont été témoins dernièrement ». À savoir que « des individus dégradent volontairement l’espace public en vidant le contenu des corbeilles dans les parcs, sur les places, pour faire ensuite des photos et ainsi mettre en scène un état soit disant déplorable de la Ville », explique l’élue. « Face à ces dégradations, la Ville de Grenoble a donc décidé de porter plainte », a‑t-elle conclu.
Toujours est-il qu’à l’issue de ces échanges, rien n’aura vraiment permis de trancher sur la supposée saleté des espaces publics à Grenoble. Fantasme ou réalité ?
Joël Kermabon