FOCUS – La mobilisation contre la loi d’Orientation et de réussite des étudiants semble prendre de l’ampleur à l’Université Grenoble-Alpes. Après avoir élargi leur action de blocage à l’ex-université Stendhal, les quelques centaines de manifestants réunis en assemblée générale ont voté l’occupation d’un autre édifice du campus grenoblois, ce lundi 9 avril, avant que les forces de l’ordre n’interviennent. Ce mardi 10 avril, le mouvement s’est poursuivi avec une nouvelle occupation…
Les jours se suivent et se ressemblent à l’université Grenoble-Alpes. Lundi 9 avril au matin, ils étaient plus de cinq cents, selon les syndicats, à s’être regroupés sur le campus de Saint-Martin‑d’Hères. Assis devant les portes bloquées du bâtiment Stendhal, le groupe d’étudiants de l’UGA qui, depuis mardi dernier, se mobilise contre la réforme de l’accès à l’université a tenu une nouvelle assemblée générale, à 12 h 30.
L’objectif ? Faire le bilan des actions réalisées au cours des jours précédents, dont le blocage de l’UFR Arts & Sciences humaines (Arsh)… mais aussi lancer une concertation collective sur les projets à venir.
Après le blocage de Stendhal, l’occupation d’un bâtiment sur le campus
À l’issue de cette « agora démocratique » – pour reprendre les termes d’un jeune activiste – le collectif de manifestants a décidé de procéder à l’occupation d’un autre édifice de l’université. En l’occurrence, l’Espace européen des Sciences sociales, ou bâtiment Simone Veil.
En début d’après-midi, les opposants à la loi Vidal ont ainsi “envahi” l’immeuble et déclenché l’alarme incendie, interrompant par là-même tous les cours. « L’idée est d’avoir un lieu où se retrouver, s’organiser et créer du lien. Par ailleurs, nous projetons de mettre en place des groupes de travail pour préparer les partiels », expliquent deux étudiants grévistes s’étant improvisés sentinelles de cette forteresse à peine conquise.
Et de préciser : « Certains professeurs proposeront également des ateliers et des cours alternatifs. »
Les examens approchent… et la grogne ne faiblit pas
La proposition ne suffit pourtant pas à faire taire les polémiques. À l’heure où les examens approchent, l’inquiétude s’accroît chez certains étudiants. Tous les cours qui auraient dû se tenir dans les bâtiments bloqués ont été déplacés ailleurs. Et il reviendra aux enseignants de décider de demander ou non une salle alternative pour la tenue des épreuves des partiels.
« Au bout de deux absences, on est considérés comme défaillants. Cela veut dire que nous devrons passer les examens en session de rattrapage », s’alarme une jeune fille s’apprêtant à entrer dans une bibliothèque universitaire. Et de poursuivre : « Ils [les manifestants ndlr] ciblent l’administration mais, de cette manière, il ne font qu’embêter les étudiants. Il y a aussi d’autres moyens de manifester. »
Même son de cloche du côté des étudiants de droite qui, par le biais d’un communiqué cosigné par les Jeunes Républicains de l’Isère et le Syndicat Uni Grenoble (Union nationale inter-universitaire), ont revendiqué leur droit d”« aller en cours » afin d”« obtenir un diplôme valorisant ».
« Le but est qu’il y ait le moins de cours possible pour qu’un plus grand nombre de personnes puisse se mobiliser », rétorquent de leur côté les membres du syndicat Solidaires étudiant-e‑s Grenoble. C’est pourquoi, lors de l’assemblée générale, les manifestants ont également voté pour le blocage de la cellule ADE. Entendez par-là la plate-forme chargée des emplois du temps des étudiants… mais aussi, en ce temps de mobilisation, du déplacement des cours dans les bâtiments “rescapés” du campus.
Les étudiants évacués par la police
« On a fait plusieurs fois des envahissements au sein du conseil d’administration pour pouvoir engager un dialogue », souligne par ailleurs un petit groupe de manifestants. « Le blocage », jugent-ils, serait « la seule manière de se faire écouter ». Une proposition de “dialogue” que, pour sa part, la direction de l’UGA semble pour l’heure réfuter.
Après avoir demandé aux militants de quitter l’édifice occupé, les forces de l’ordre les en ont finalement évacués en fin d’après-midi. Une fois dehors, ils ont choisi de reculer pacifiquement bras dessus bras dessous, tout en formant un cordon humain.
Banderoles et mégaphone à la main, le cortège s’est ensuite dirigé vers le bâtiment de la présidence pour exiger la démission du président de l’université Patrick Lévy. Là, les étudiants, assis en cercle, se sont concertés sur la suite de la protestation. Verdict ? Le blocage est reconduit jusqu’au jeudi 12 avril, jour où une nouvelle assemblée générale sera convoquée.
Un appel au rassemblement que les syndicats adressent également aux enseignants-chercheurs de l’UGA. Dans une lettre ouverte partagée sur les réseaux sociaux, ils invitent en effet le personnel enseignant à « joindre et à soutenir les étudiants dans ce mouvement ».
Une mobilisation toujours en cours…
À la tombée de la nuit, un groupe de contre-manifestants est à son tour entré en action pour « libérer » les locaux bloqués. Tout le matériel ayant servi pour créer les barricades a donc été déplacé dans l’UFR Arsh.
Loin de se décourager, ce mardi au matin, les partisans du mouvement de contestation ont vite barré tous les accès de Stendhal, y compris ceux du bâtiment Veil.
Un comité de mobilisation a ensuite eu lieu. L’occasion pour l’administration de l’UGA d’annoncer par la voix du directeur général des services Joris Benelle qu’elle mettrait à disposition des manifestants jusqu’à 17 heures une salle d’amphithéâtre dans le centre de langues vivantes.
Malgré l’annonce d’une possible arrivée de la police, les étudiants grévistes ont ignoré cet « ultimatum », relate un porte-parole de Solidaires étudiant-e‑s Grenoble. Côte à côte avec des personnels-enseignants de l’université, eux aussi réunis en assemblée générale le matin même, ils ont ainsi poursuivi l’occupation du centre de langues vivantes. Quelques syndicalistes de l’UGA et deux élus de la Région les ont également rejoints, en fin d’après-midi, en signe de solidarité. Installés dans les locaux occupés, la centaine de manifestants ont alors entamé une discussion sur les étapes suivantes de la contestation.
L’UGA contre « toute forme de violence, intrusion ou occupation nocturne illégales »
La direction condamne de son côté « avec la plus grande fermeté les actes de violence et les dégradations », a indiqué le président Patrick Lévy dans un courriel adressé au personnel. Et celui-ci a rappelé sa volonté de « tout » mettre « en œuvre pour assurer la sécurité des biens et des personnes et maintenir le fonctionnement normal de l’établissement ».
Une manière de justifier la présence de la police sur le campus ? La présidence – déclare-t-il – sera en effet « intransigeante vis-à-vis de toute forme de violence, intrusion ou occupation nocturne illégales dans les locaux de notre établissement, tout en restant ouverte et disponible pour échanger avec tous les étudiants prêts au dialogue ».
Concernant le déroulement des cours, « la majeure partie des enseignements a été maintenue et délocalisée dans d’autres locaux afin de ne pas porter préjudice à une très grande majorité des d’étudiants qui souhaitent simplement poursuivre leur année universitaire dans les meilleures conditions possibles », affirme Patrick Lévy.
Avant d’ajouter : « Une partie de l’administration est également impactée par le blocage de Stendhal et fait face à des difficultés notamment dans le traitement de la paie des personnels non titulaires de notre établissement ». Un problème que la direction générale ainsi que les services des composantes cherchent à résoudre, assure le président de l’UGA. Qui conclut : « À l’Université Grenoble-Alpes, notre engagement est d’orienter les étudiants, non de les sélectionner. »
Giovanna Crippa, correspondante à Saint-Martin-d’Hères