Le syn­chro­tron de Grenoble réha­bi­lite Louis Ducos du Hauron, père de la photo couleur

Le syn­chro­tron de Grenoble réha­bi­lite Louis Ducos du Hauron, père de la photo couleur

FIL INFO – Un des pion­niers de la pho­to­gra­phie vient d’être réha­bi­lité grâce au syn­chro­tron euro­péen de Grenoble (ESRF) : le fran­çais Louis Ducos du Hauron, inven­teur méconnu de la photo cou­leur. L’équipe scien­ti­fique plu­ri­dis­ci­pli­naire à l’o­ri­gine de ces tra­vaux de recherche a publié ses résul­tats en mars, dans la revue alle­mande Angewandte Chemie.

Qui connaît Louis Ducos du Hauron ? Ingratitude de l’histoire, c’est pour­tant bien lui l’inventeur de la pho­to­gra­phie cou­leur alors que, pour la plu­part des per­sonnes inter­ro­gées, la pater­nité en revien­drait aux frères Lumière.

Louis Ducros du Hauron, le véritable inventeur de la photographie couleur, est enfin réhabilité grâce à la lumière du synchrotron européen de Grenoble.- Louis Ducos du Hauron. DR

Louis Ducos du Hauron. DR

Ces der­niers se sont ins­pi­rés des tra­vaux du pion­nier et, en hommes d’affaire avi­sés, ont certes su com­mer­cia­li­ser avec suc­cès un pro­cédé plus pra­tique dit “auto­chrome” qui pro­duit des plaques de pho­to­gra­phie couleurs.

Mais les his­to­riens sont for­mels, Louis Ducos du Hauron a déposé un pre­mier bre­vet pour un pro­cédé d’i­mage ani­mée dès 1864, soit l’an­née de la nais­sance de Louis Lumière. Et, quatre ans plus tard, pour un pro­cédé d’impression tri­chrome (ou tri­chro­mie) per­met­tant la pho­to­gra­phie en couleurs.

Afin de mieux connaître le tra­vail de cet inven­teur méconnu, le syn­chro­tron euro­péen de Grenoble (ESRF) a été sol­li­cité. Pour quelle expé­ri­men­ta­tion ? Étudier en micro­sco­pie sous rayon­ne­ment X et infra­rouge trois de ses tirages pho­to­gra­phiques cou­leur*, pré­sen­tant de minus­cules frag­ments pré­le­vables de tri­chromes (trois mono­chromes colo­rés super­po­sés). Les résul­tats issus de l’étude de vingt-sept œuvres au total de Ducos du Hauron par l’équipe scien­ti­fique plu­ri­dis­ci­pli­naire** ont été publiés le 20 mars der­nier dans la revue Angewandte Chemie.

Ducos du Hauron, « un inven­teur de génie »

Alors, que savons-nous désor­mais sur les “secrets d’atelier” de l’inventeur, ses fameuses recettes fon­dées sur des expé­riences scientifiques ?

« Vase au bégonia, verre de vin et tulipe », Héliochromie (photographie) faite par Louis Ducos du Hauron en 1879. © musée d'Agen

« Vase au bégo­nia, verre de vin et tulipe », Héliochromie (pho­to­gra­phie) faite par Louis Ducos du Hauron en 1879. © musée d’Agen

Les expé­ri­men­ta­tions menées à l’ESRF ont fourni, avec une pré­ci­sion excep­tion­nelle, des détails sur la com­po­si­tion chi­mique des pho­to­gra­phies étu­diées. Plusieurs maté­riaux uti­li­sés par le pré­cur­seur, comme des pig­ments, de la géla­tine bichro­ma­tée, du col­lo­dion ou encore de la résine ont ainsi pu être iden­ti­fiés. S’ajoute à cela l’emploi d’autres méthodes non inva­sives qui ont per­mis de déter­mi­ner les tech­niques et les consti­tuants des vingt-sept œuvres analysées.

Outre les don­nées scien­ti­fiques four­nies sur les “recettes” uti­li­sées par Ducos du Hauron, il s’a­git là d’une « recon­nais­sance juste et méri­tée du tra­vail accom­pli par un inven­teur de génie, mort pauvre et sans la recon­nais­sance qu’il méri­tait », jus­ti­fie Marine Cotte, scien­ti­fique res­pon­sable de la ligne de lumière de micro­sco­pie à l’ESRF, cher­cheuse du Centre natio­nal de la recherche scien­ti­fique (CNRS), et auteur cor­res­pon­dant de l’étude.

D’autant plus que ce per­son­nage géné­reux n’a pas hésité à dévoi­ler de façon très détaillée ses méthodes pour en faire pro­fi­ter tous les pho­to­graphes ama­teurs. Par exemple, celle de l’hé­lio­chro­mie au charbon.

Principe général de la trichromie développée par Louis Ducos du Hauron pour obtenir des photographies. © ESRF

Principe géné­ral de la tri­chro­mie déve­lop­pée par Louis Ducos du Hauron pour obte­nir des pho­to­gra­phies. © ESRF

« Cette méthode consiste à pro­duire trois néga­tifs de la même scène sous des filtres vert, orange et vio­let, puis à en tirer trois mono­chromes rouge, bleu et jaune, des cou­leurs com­plé­men­taires aux filtres uti­li­sés pour les néga­tifs. En super­po­sant les trois posi­tifs, il obtient ainsi une pho­to­gra­phie cou­leur », expliquent les scien­ti­fiques. Le prin­cipe de tri­chro­mie est encore uti­lisé aujourd’hui pour pro­duire des pho­to­gra­phies et des films en couleur.

« Une mine d’in­for­ma­tions pour com­prendre ses pro­ces­sus de création »

Les expé­ri­men­ta­tions scien­ti­fiques sur les œuvres du pré­cur­seur ont été com­plé­tées par une étude biblio­gra­phique menée en paral­lèle à par­tir des mul­tiples cor­res­pon­dances, livres et bre­vets rédi­gés par l’inventeur et son frère.

Une équipe scientifique internationale utilise les techniques d'imagerie non invasive par rayons-X pour lire des papyrus vieux de 2 000 ans ensevelis sous les coulées de boue après l'éruption du Vésuve en 79 après J-C. Crédit D. Delattre

Une équipe scien­ti­fique inter­na­tio­nale avait déjà uti­lisé les tech­niques d’i­ma­ge­rie non inva­sive par rayons‑X de l’ESRF de Grenoble pour lire des papy­rus vieux de 2 000 ans ense­ve­lis sous les cou­lées de boue après l’é­rup­tion du Vésuve en 79 après J‑C. © D. Delattre

« Cela s’est avéré être une mine d’in­for­ma­tions pour com­prendre ses pro­ces­sus de créa­tion », explique Tiphaine Fabris, cher­cheuse ayant par­ti­cipé à cette étude à l’ESRF. Toutes ces don­nées sont bien utiles pour défi­nir les meilleures tech­niques de conser­va­tion afin de pré­ser­ver les œuvres et de les pré­sen­ter au public.

Le tra­vail de l’équipe plu­ri­dis­ci­pli­naire se pour­suit. La suite ? Caractériser et éta­blir un constat d’état détaillé de chaque œuvre de Ducos du Hauron conser­vée dans les col­lec­tions publiques fran­çaises. Et Marine Cotte de se réjouir de cette col­la­bo­ra­tion qui ouvre des pers­pec­tives encore plus vastes : « La tech­nique d’analyse uti­li­sée sur les frag­ments d’œuvre de Ducos du Hauron ouvre la voie à une appli­ca­tion plus large pour la carac­té­ri­sa­tion d’autres pho­to­gra­phies anciennes », conclut-elle.

Véronique Magnin

* Trois épreuves cou­leur : une du Musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône, et deux autres du Musée d’Agen.

** L’équipe scien­ti­fique com­prend des conser­va­teurs du syn­chro­tron euro­péen de Grenoble (ESRF), du Centre natio­nal de la recherche scien­ti­fique (CNRS), du Centre de recherche de res­tau­ra­tion des musées de France (C2RMF), du musée d’Orsay, de l’École natio­nale supé­rieure (ENS) Louis-Lumière, de la faculté des Sciences et Ingénierie de Sorbonne Université, de Chimie Paris Tech, et d’une conser­va­trice-res­tau­ra­trice de pho­to­gra­phies indépendante.

Véronique Magnin

Auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A lire aussi sur Place Gre'net

Le groupe Zoufris Maracas. © Nicolas Baghir
Festival Magic Bus 2024 : une édi­tion sous le signe de l’i­ti­né­rance dans huit lieux de l’ag­glo­mé­ra­tion grenobloise

ÉVÈNEMENT - La 23e édition du festival Magic Bus organisée par l'association Retour de scène aura lieu du 27 avril au 4 mai 2024 à Lire plus

Le Hero Festival de retour à Grenoble les 11 et 12 mai avec Holly Marie Combs en invitée d'honneur
Le Hero Festival de retour à Grenoble les 11 et 12 mai avec Holly Marie Combs en invi­tée d’honneur

ÉVÉNEMENT - Le Hero Festival annonce son retour à Grenoble pour une sixième édition toujours placée sous le signe des imaginaires pop et geek. Au Lire plus

Joan Miró, Bleu II, 4 mars 1961 © Succession Miró / ADAGP, Paris 2024 © Collection Centre Pompidou, Musée national d’art moderne - Crédit photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Audrey Laurans/Dist. RMN-GP
“Miró, un bra­sier de signes” : 130 chefs‑d’œuvre du peintre cata­lan, dont le trip­tyque des Bleu, expo­sés au musée de Grenoble

FOCUS - L'artiste catalan Joan Miró est à l’honneur au musée de Grenoble du 20 avril au 21 juillet 2024 avec une grande exposition temporaire Lire plus

Le Club alpin français Grenoble-Isère fête ses 150 ans... et celui de Grenoble-Oisans ses 30 ans
Le Club alpin fran­çais Grenoble-Isère fête ses 150 ans… et celui de Grenoble-Oisans ses 30 ans

FLASH INFO - Le Club alpin français (Caf) Grenoble-Isère fête ses 150 ans en 2024. Un anniversaire qui coïncide avec les 30 ans du Caf Lire plus

Le festival de cirque Courts-CIRCuits revient pour une 5e édition à Seyssinet-Pariset du mardi 16 au dimanche 28 avril 2024. Présenté par l’école de cirque grenobloise, Vit’amin, il aura lieu dans un chapiteau dans le parc Lesdiguières. ©FB Vit'anim
Seyssinet-Pariset : le fes­ti­val de cirque Courts-Circuits lance sa 5e édition

ÉVÉNEMENT - Le festival de cirque Courts-Circuits revient pour une 5e édition à Seyssinet-Pariset du mardi 16 au dimanche 28 avril 2024. Présenté par l’école Lire plus

Domène : l’élu RN Quentin Feres s’op­pose à une lec­ture théâ­trale, qua­li­fiée de « pro­mo­tion du wokisme », à la médiathèque

EN BREF - Le conseiller municipal Rassemblement national de Domène Quentin Feres, membre de la majorité, s'oppose à l'organisation d'une lecture théâtrale du livre La Lire plus

Flash Info

Les plus lus

Agenda

Je partage !