FOCUS – L’Observatoire territorial des conduites à risques de l’adolescent (Otcra), porté par la Maison des Sciences de l’Homme, était inauguré mardi 27 mars, en présence du président de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictive (Mildeca). À cette occasion, le dispositif d’enquête annuelle consacré aux adolescents a d’ores et déjà livré ses premiers résultats.
« Le savoir n’a de portée que s’il vise à transformer la société en fonction d’idéaux qui peuvent être souhaitables ». Ainsi s’exprimait le mardi 27 mars Thierry Menissier, vice-président en charge du Développement des recherches en sciences humaines et sociales de l’Université Grenoble Alpes (UGA), à l’occasion de l’inauguration de l’Observatoire territorial des conduites à risques de l’adolescent (Otcra).
L’Otcra ? Un dispositif d’enquête sur les collèges du département de l’Isère destiné à mesurer le « climat scolaire » des établissements, mais aussi l’environnement familial des jeunes, leur sentiment d’implication dans la société et, naturellement, leurs conduites à risques en matière d’addiction ou de consommation de produits addictifs.
Un « outil novateur » pour l’Éducation nationale
Portée par la Maison des Sciences de l’Homme (MSH), l’Otcra associe la Direction départementale de la Cohésion sociale (DDCS), l’Éducation nationale et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictive (Mildeca). Un organisme dont le président Nicolas Prisse était présent en personne sur le campus de Saint-Martin-d’Hères afin d’inaugurer le dispositif d’un genre nouveau.
Pour Christine Lequette, représentante du recteur Claudine Schmidt-Lainé, officiellement absente pour raisons de santé*, l’Otcra constitue ainsi un véritable « tournant » autant qu’un « outil novateur ». Un outil d’autant plus précieux que, de l’aveu même du médecin conseiller du recteur, l’Éducation nationale manque cruellement de ce genre d’initiatives dans le cadre de ses actions de prévention.
Des élèves bien dans leur peau… en général
Si l’Otcra était officiellement inaugurée le mardi 27 mars 2018, le commencement de son activité remonte à un an auparavant. Les équipes de la MSH ont d’ores et déjà réalisé une première enquête à cheval sur les années 2017 et 2018. Un peu plus de 8 000 élèves (50,2 % de garçons et 49,8 % de filles), répartis sur 69 collèges du département, ont ainsi participé en prenant sur leur temps scolaire pour répondre à un questionnaire anonyme.
Situation familiale, relation avec les amis, intégration sociale, harcèlement scolaire, analyse de l’information… L’étude aborde un grand nombre de sujets, à l’exception notable de toute question en lien avec la sexualité. Un parti-pris qui peut sembler surprenant pour une étude menée sur des élèves en grande majorité (85,2 %) de 13 ans, soit en pleine puberté.
Dans son ensemble, l’enquête montre des jeunes gens qui se sentent globalement entendus dans leur famille et manifestent de la confiance envers leurs amis, quand bien même 15 % d’entre eux se disent « déprimés » environ une fois par semaine, et même 11 % plus d’une fois par semaine. Autre chiffre remarquable : 10,6 % des adolescents interrogés disent « ne pas aimer du tout » le collège, et 10,2 % se considèrent « beaucoup stressés » par le travail scolaire.
Près de la moitié des jeunes disent avoir déjà bu de l’alcool
Dans ce contexte, quels résultats sur les conduites à risque à proprement parler ? En règle générale, les répondants au questionnaire manifestent une certaine sobriété. 93,3 % se déclarent non-fumeurs, même si 15,2 % disent avoir déjà fumé du tabac. Ils sont également 95,7 % à déclarer n’avoir jamais fumé de cannabis.
L’alcool n’amène pas les mêmes résultats. À la question « as-tu déjà bu de l’alcool ? », 47,9 % des adolescents interrogés répondent par l’affirmative. 62,6 % d’entre eux affirment toutefois ne « jamais » boire d’alcool, et 31,1 % « rarement », avec une consommation de « moins d’un verre ». 93,1 % des élèves disent enfin n’avoir « jamais » bu au point d’être saouls.
Mettre en confiance les adolescents
Nicolas Prisse n’a pas manqué de commenter ces résultats en s’attaquant directement à l’alcool, produit socialement plus accepté, auquel les enfants sont souvent initiés par les familles elles-mêmes, parfois avant l’âge de 10 ans. Et le président de la Mildeca de rappeler que la France compte cinq millions de consommateurs quotidien d’alcool, soit « cinq millions de consommateurs à risque ».
Qu’il s’agisse de tabac, d’alcool ou de cannabis, voire d’addiction « aux écrans » ou « aux jeux vidéos », Nicolas Prisse plaide enfin et surtout pour une forte implication du rôle de l’adulte. « La prévention, si l’on veut qu’elle ne soit pas simplement informative, passe par une mise en confiance de l’enfant dans son milieu et dans son rapport à l’adulte », conclut-il.
Florent Mathieu
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- * Le lendemain, mercredi 28 mars, le conseil des ministres allait relever Claudine Schmidt-Lainé de ses fonctions, pour cause de soupçons de malversations lors de son passage au rectorat de Rouen.