REPORTAGE VIDÉO – La première cérémonie de parrainages républicains de l’année avait lieu ce vendredi 26 janvier, à la mairie de Grenoble, en présence de l’Association de parrainage républicain des demandeurs d’asile et de protection (Apardap) et des élus locaux. Elle était précédée par la projection du documentaire Lignes de partage de Thierry Mennessier qui suit le quotidien de demandeurs d’asile à Grenoble.
« Jamais vous ne comprendrez. » C’est ce que répond Reza lorsqu’on lui assure que l’on comprend sa situation après lui avoir annoncé qu’il n’aurait pas de travail.
Reza est l’un des demandeurs d’asile filmé par Thierry Mennessier, réalisateur du film Lignes de partage, projeté vendredi 25 janvier avant la première cérémonie de parrainages républicains de l’année.
En s’intéressant aux trajectoires individuelles des demandeurs d’asiles et en les filmant dans des lieux familiers à tous les Grenoblois, à l’image du Jardin de Ville ou des quais de l’Isère, Lignes de partage permet au spectateur de mieux saisir cette réalité. Et donne des noms et des visages aux statistiques.
Des parrainages républicains symboliques
Après un bref discours d’Eric Piolle, la coprésidente de l’Apardap, Patricia L’Ecolier, est elle-même intervenue ainsi qu’Ibrahima Coulibaly, président de Bouquins sans frontières, actuellement sous le coup d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Tout deux ont vivement critiqué la politique migratoire de l’État.
Quarante-huit parrainages ont ensuite été prononcés. Filleuls et parrains se sont ainsi succédé aux bureaux des élus, dans un joyeux brouhaha, pour formuler leurs vœux et signer leurs cartes de parrainage. Parmi eux, le réalisateur Thierry Mennessier qui est devenu le parrain d’un des acteurs du film. Si ces cartes n’ont aucune valeur juridique, elles lient parrains et filleuls et attestent que ces derniers ont quelqu’un sur qui compter.
Retour en images sur cette cérémonie de parrainages républicains :
Reportage : Clémentine Robert
TROIS QUESTIONS À THIERRY MENNESSIER :
« J’ai fait en sorte que le film ne puisse prêter le flanc à aucune instrumentalisation »
Comment s’est passée la prise de contact avec les acteurs du film ?
J’ai fait un travail d’immersion assez long où j’ai essayé de mesurer les problèmes et, petit à petit, j’ai rencontré des gens avec qui j’ai commencé à parler.
J’ai pu voir certains avec qui ça me paraissait possible de faire quelque chose et j’ai pu leur demander « Est-ce que tu serais d’accord pour que je te filme ? »
Ça s’est fait assez simplement en fait, assez naturellement, sans que j’aie vraiment à chercher. Il y a des gens qu’on a découverts en tournant et d’autres que j’avais rencontrés bien avant.
Dans certains cas, il y a eu une autre relation qui s’est nouée. On s’est dit « On va continuer un bout d’histoire avec toi » parce qu’il y avait une complicité, une affection. C’est très affectif en fait.
Est-ce que quand on fait un film comme celui-là, on a forcément un fond militant ?
Évidemment, j’ai des convictions mais je ne me sens pas militant au sens où on l’entend habituellement. J’ai des convictions profondes sur la dignité humaine, sur le rapport à l’être humain. Peut-être que c’est une forme de militantisme mais je ne me sens pas endoctriné. C’est pour ça que ce film est fondamentalement politique, parce qu’il parle des gens et non pas d’une entité statistique. En ce sens-là, pour moi, il fait œuvre politique. Il porte un regard sur des personnes.
J’ai l’habitude de dire qu’au théâtre les choses existent parce qu’on les nomme. En amour aussi. Au cinéma, les choses existent parce que, tout d’un coup, on les regarde et on les écoute. C’est un petit peu la même chose qui se produit là. Je choisis de regarder et d’écouter certaines personnes pour voir ce qui fait à la fois leur différence et le rapprochement que nous avons avec eux.
C’est parce qu’on regarde une personne qu’elle prend de l’intérêt pour nous-mêmes. On peut très bien ne pas les voir et être dans l’ignorance. C’est peut-être là, l’acte militant.
Quelles attentes avez-vous concernant ce film ?
Je suis très surpris des réactions quand on fait des avant-premières. Les gens sont très touchés par le film. J’en suis évidemment très content mais, pour l’instant, ce sont des gens qui sont plutôt acquis à la cause.
J’ai fait en sorte que le film ne puisse prêter le flanc à aucune instrumentalisation, que ce soit dans un sens comme dans l’autre. Qu’on ne puisse pas nous dire : « Pourquoi vous avez choisi ceux-là ? Parce qu’ils sont exemplaires ? » Non, ils ne sont pas plus exemplaires que d’autres. Ce ne sont pas des figures héroïques, ce sont des figures ordinaires, justement.
L’acte militant, il est là : qu’on ne puisse pas utiliser quoi que ce soit du film à des fins instrumentalisées.
Propos recueillis par Clémentine Robert