FOCUS – Alors que touristes et locaux investissent les massifs alpins suite aux abondantes chutes de neige, des panneaux leur signalent désormais les zones de refuge hivernal des Tétras lyre au niveau du Col de Porte. Un projet né d’une collaboration entre le Parc naturel régional de la Chartreuse et les acteurs du massif. À l’image ce ce qui s’est fait précédemment dans le Vercors.
Après le Grand Tétras, le Tétras lyre connaît à son tour un lent déclin dans les Alpes.
Pour protéger cette espèce alpine emblématique, le Club alpin français Grenoble Oisans a signé en décembre dernier une convention de partenariat avec le Parc naturel régional de Chartreuse.
Un partenariat qui s’est concrétisé par la mise en place de panneaux signalétiques sur le Col de Porte par les membres des associations sportives et les agents du parc. Ce balisage « Tous mobilisés autour du Tétras-lyre » vise ainsi à signaler aux randonneurs les zones hivernales à éviter.
Et pour cause, en hiver, le coq s’enfouit dans la neige et n’en sort que pour se nourrir d’aiguilles et de lichens très peu énergétiques. Lorsque les randonneurs s’aventurent près de son abri, le Tétras lyre, de nature craintive, s’envole et consomme ainsi une bonne part de son énergie. Un effort qui, s’il est trop de fois renouvelé, peut causer la mort du galliforme.
Panneaux signalétiques mis en place autour des zones de refuge hivernal. © Parc Naturel Régional de Chartreuse
Aujourd’hui, le Parc de Chartreuse ne dénombre plus que 200 coqs. D’où la nécessité d’agir sur tous les facteurs le fragilisant (prédation, pastoralisme, chasse, collision…). Déjà actif dans la protection de l’espèce, le Parc anime depuis 2016 un programme de concertation avec les acteurs du massif sur la mise en place d’actions concrètes. Dont la création de ces zones de refuge hivernal.
Protection et sensibilisation en concertation commune
Le Tétras lyre est « un sujet source de conflit », selon Paul Boudin, porteur du projet et chargé de la biodiversité pour le Parc de Chartreuse. La majorité des acteurs s’accordent sur le caractère emblématique de l’animal, sans pour autant en avoir une vision commune.
Malgré tout, une chose est sure, les interventions humaines dans le massif, pastorales, touristiques ou liées à la chasse ont un impact direct sur le dynamisme de l’animal. Le parc a donc décidé, en 2016, de regrouper toutes ces perceptions dans une étude sociologique.
Après concertation, le Parc de Chartreuse et les acteurs locaux ont défini des zones de refuge hivernal pour les Tétras lyre. ©Parc Naturel Régional de Chartreuse
Suite à sa restitution lors d’une soirée débat en septembre 2016, les différents acteurs (chasseurs, sportifs et éleveurs) se sont réunis en groupe de travail afin de réfléchir conjointement à la protection de l’animal. Deux priorités : la limitation du dérangement hivernal et la sensibilisation.
« Il fallait se mettre d’accord sur des secteurs pas trop conflictuels », déclare Paul Boudin. Ainsi à partir de l’inventaire des zones hivernales de l’animal et des parcours de randonnée, plusieurs zones de refuge hivernal ont été délimitées sur les sommets de Chamechaude et du Charmant Som. La mesure reste purement incitative, rien n’obligeant les usagers à contourner les zones en question.
Le choix d’espaces « neutres », sans chasse ni pastoralisme, permet de ne pas exclure l’activité humaine des massifs, mais de l’adapter à la préservation du Tétras lyre. L’objectif est surtout de sensibiliser et de communiquer sur ces zones, « car finalement les gens sont peu informés », souligne Paul Boudin.
La protection du Tétras lyre, gage de biodiversité
Mais pourquoi protéger le Tétras-lyre, après tout ? Parce qu’il s’agit d’une “espèce parapluie”. Comprenez : protéger son espace vital est un moyen d’assurer le biodiversité du massif. « La protection de cette espèce permet la protection d’un environnement riche », précise Paul Boudin.
Dans cette optique, le parc envisage d’élargir ces zones de refuge. Des discussions sont en cours pour renouveler la zone préexistante du Col du Coq et en aménager une nouvelle sur la plus grande réserve hivernale du parc (Dent de Crolles).
Le parc s’intéresse par ailleurs à la pérennité de l’espèce, mise à mal par l’isolement géographique de la Chartreuse. Car les échanges des Tétras lyre avec les individus des autres massifs sont indispensables pour un bon brassage génétique.
Afin de connaître ces liens, le Parc mène une analyse génétique des galliformes. Vous pouvez ainsi apporter votre contribution en transmettant au parc les plumes trouvées dans les montagnes.
Juliette Oriot
Une expérience similaire menée dans le Vercors
Après sa disparition des Ardennes, le Tétras lyre ne reste finalement plus présent en France que dans les Alpes. Pour les différents parcs d’Isère, sa protection est donc primordiale.
Depuis déjà trois ans, le Parc du Vercors a mis en place une zone de quiétude sur les Haut plateaux du Vercors. Là encore, la signalétique sert surtout à sensibiliser les usagers.
« On ne peut empêcher les utilisateurs d’y accéder », précise le garde de la réserve du Vercors, Hervé Tournier. Pourtant, bien « qu’il soit compliqué de dire si ces zones possèdent une réelle efficacité, on a le ressenti que leur fréquentation a tout de même baissé ».
Quoi qu’il en soit, l’évolution des Tétras lyre semble assez stable depuis une quinzaine d’années. Pour Hervé Tournier, ils seraient ainsi 200 sur le plateau d’après l’indicateur sex-ratio. Soit le rapport du nombre de mâles et de femelles au sein de l’espèce dans la descendance d’un individu.