DÉCRYPTAGE - Grenoble à cœur fait-il fausse route en affirmant que la capitale du Dauphiné a régressé de sept ans en matière de pollution depuis la mise en œuvre du projet de piétonnisation CVCM ? « Fake news » répètent à l'envi le maire écologiste de Grenoble et les promoteurs du projet. Ou pour le dire en bon français : informations délibérément truquées… La démonstration de ce collectif d'habitants et de commerçants serait-elle bidonnée ? Analyse.
Eric Piolle l’a dit et répété : les analyses de Grenoble à cœur sur la qualité de l’air sont des fake news. Autrement dit, de fausses informations.
Une accusation d'abord formulée lors du conseil de la Métropole le 10 novembre dernier. Le maire de Grenoble y a évoqué des « analyses de la pollution de l’air qui s’appuient malheureusement non pas sur des études scientifiques mais sur une sur-interprétation des chiffres, voire, dans le cas des chiffres qui ont été popularisés par Grenoble à cœur, des analyses carrément erronées des tableaux de base publics par ceux qui en ont la charge ».
Les fake news comme leitmotiv
Bis repetita lors du Grand Oral organisé par Sciences Po quatre jours plus tard. « Sur la hausse de la pollution, les informations diffusées sont des fake news », assénait le premier magistrat. Et tant pis si ses contradicteurs de la soirée – une étudiante et une professeur de droit – lui faisaient remarquer qu’il s’agissait là, projetées à l’écran, des données d’Atmo Air Auvergne-Rhône-Alpes, l’organisme chargé officiellement de mesurer la qualité de l’air…
Sur les réseaux sociaux, l’accusation est aussi revenue comme une rengaine. Notamment sur Twitter où le maire écologiste a été sacré le plus influent (comprendre actif et suscitant de l'engagement) de la région. L'occasion d'enfoncer le clou.
Twitter ? « Un moyen de tordre le coup aux fake news », s’était d’ailleurs félicité Eric Piolle auprès de France 3 Alpes. Oubliant un peu vite que c'est d'abord sur les réseaux sociaux que naissent et se propagent ces fausses nouvelles.
Également sur le banc des accusés, les médias qui ont relayé les informations de Grenoble à cœur. A commencer par Place Gre’net dont le travail si ce n'est l'éthique ont été publiquement mis en cause par quelques défenseurs du projet. Morceaux choisis :
quelle est la bonne attitude à tenir quand un journal propage des contre-vérités ? Je cherche encore.
— Fabien Cazenave (@fabi1cazenave) 12 novembre 2017
On peut effectivement trouver le débat utile ou inutile, y participer ou pas.
Mais il me paraît quand même scandaleux qu’un média relaie des informations fausses sans aucun recul ni critique, d’autant plus que les courbes sont vérifiables par tout un chacun équipé d’un tableur.— Anne Tourmen ? (@AnneTourmen) 12 novembre 2017
ici le sujet n'est pas l'interprétation de la bonne courbe (celle d'AirRhôneAlpes qui correspond à celle de @rom1gre et @VieAGrenoble...) mais de constater qu'un journal peut publier une courbe fausse, sans donner la méthodologie pour l'obtenir à partir des données publiques..
— Guillaume Laget (@GLaG_38) 12 novembre 2017
De vraies données, une vraie analyse… mais "pas à la portée de tout le monde"
Fake news, le travail de ce collectif d’habitants et de commerçants en lutte contre le projet porté par la Métro de piétonniser davantage le centre-ville de Grenoble ? Non, selon Camille Rieux, le référent en Isère d’Atmo Air Auvergne Rhône-Alpes. « Ce ne sont pas des fake news », corrigeait-il déjà lorsque nous l’avions interpellé à ce sujet en amont du conseil métropolitain.
« Il s’agit là de vraies données avec une vraie analyse, avait expliqué Camille Rieux. Il n’y a pas d’erreur. La démonstration est intéressante scientifiquement, seulement elle n’est pas à la portée de tout le monde », affirmait l’organisme chargé de surveiller la qualité de l’air à Grenoble, dont l'indépendance ne peut être remise en cause.
Les analyses, qui s'appuient sur les chiffres issus des stations de mesures d’Atmo Air Auvergne Rhône-Alpes, sont signées de deux scientifiques du collectif, et notamment de son président. Dominique Grand n’a pas seulement été le directeur-adjoint du commissariat à l’énergie atomique (CEA), il est aussi docteur en physique de mécaniques des fluides.
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