Thierry Saudejaud d’Unicef France à Grenoble : « 200 morts en Irak, c’est un entrefilet… »

Thierry Saudejaud d’Unicef France à Grenoble : « 200 morts en Irak, c’est un entrefilet… »

ENTRETIEN – Thierry Saudejaud, Secrétaire géné­ral de l’Unicef était à Grenoble, ce lundi 20 novembre à l’oc­ca­sion d’une confé­rence orga­ni­sée par l’Unicef Isère et la Ville de Grenoble : « l’ex­ploi­ta­tion des enfants, s’in­for­mer pour lut­ter contre l’in­dif­fé­rence ». L’occasion d’in­ter­ro­ger ce spé­cia­liste des atteintes aux droits des enfants dans le monde.

C’est dans le cadre du 28e anni­ver­saire de la Convention inter­na­tio­nale des droits de l’en­fant que s’est tenue cette confé­rence de Pierrette Vu Van. L’anthropologue et res­pon­sable de ter­rain Unicef France revien­dra mer­credi 22 novembre à 18 heures dans les locaux de l’Unicef Isère, pour don­ner une deuxième confé­rence inti­tu­lée « L’Unicef au ser­vice des enfants dans le monde, témoi­gnage de ter­rain ». Le public pourra éga­le­ment décou­vrir une expo­si­tion sur ce thème à par­tir de 14 heures.

Place Gre’net – Pourquoi orga­ni­ser une confé­rence sur l’ex­ploi­ta­tion des enfants ? Quelle réa­lité cette expres­sion recouvre-t-elle aujourd’hui ?

Thierry Saudejaud – L’exploitation par le tra­vail, sexuelle, mais éga­le­ment dans les conflits armés, ce que l’on appe­lait autre­fois les “enfants sol­dats”. Aujourd’hui, on parle plu­tôt d’en­fants enrô­lés dans des conflits armés car tous ne sont pas sol­dats. Certains servent d’es­claves domes­tiques et sexuels, sur le conti­nent afri­cain, mais aussi en Asie.

On estime ainsi que 250 000 enfants sont enrô­lés dans des conflits, dont 40 % de filles. Ce sont des enfants qui partent dans des groupes ou des forces armées parce qu’une idéo­lo­gie les pousse à s’en­ga­ger ou parce que l’on fait miroi­ter de l’argent aux familles.

Thierry Saudejaud - Secrétaire général de l'Unicef France © Académie de Lyon

Thierry Saudejaud – Secrétaire géné­ral de l’Unicef France © Académie de Lyon

L’une de nos grandes pré­oc­cu­pa­tions est natu­rel­le­ment celle de tous ces enfants qui se trouvent au cœur des conflits. On voit ce qui se passe en Syrie. Derrière le conflit armé, il y a une popu­la­tion qui souffre !

Au Yémen, tout s’est effon­dré, le sys­tème édu­ca­tif comme le sys­tème de santé, avec des popu­la­tions, et donc des enfants, dans le dénue­ment le plus total. Ce à quoi s’a­joute la crise des réfu­giés, avec le besoin de por­ter des secours dans les camps, de réta­blir une forme de retour à l’école…

Qu’en est-il du tra­vail des enfants dans le monde ?

Il revêt des formes diverses selon les pays, qu’il s’a­gisse de tra­vail dans des usines ou dans l’a­gri­cul­ture pour sub­ve­nir aux besoins de leur famille ou parce que le sys­tème édu­ca­tif ne tient pas la route. Mais la ques­tion du tra­vail des enfants est très complexe.

La Convention inter­na­tio­nale des Droits de l’en­fant n’in­ter­dit pas le tra­vail parce qu’elle sait très bien que, dans cer­tains pays, les reve­nus des familles en souf­fri­raient et que cela accen­tue­rait la pau­vreté. Ce qui est donc recom­mandé par l’Unicef, c’est que les tâches confiées soient adap­tées à l’âge des enfants, et que ce tra­vail ne fasse pas obs­tacle à la scolarisation.

Priorité à l'éducation. La jeune réfugiée syrienne Muzoon, ambassadrice de l'Unicef, pose avec d'autres réfugiées ayant pu reprendre le chemin de l'école en Jordanie. © Unicef

Priorité à l’é­du­ca­tion. La jeune réfu­giée syrienne Muzoon, ambas­sa­drice de l’Unicef, pose avec d’autres réfu­giées ayant pu reprendre le che­min de l’é­cole en Jordanie. © Unicef

Car c’est l’é­cole et l’é­du­ca­tion qui font pro­gres­ser un pays, qui per­mettent aux uns et aux autres de gran­dir. On mise beau­coup des­sus pour chan­ger les men­ta­li­tés. Nous mili­tons ainsi pour qu’il y ait par­tout une édu­ca­tion de base de qua­lité pour les gar­çons comme pour les filles.

Au-delà des évi­dentes ques­tions d’é­ga­lité, on sait qu’une fille édu­quée édu­quera son enfant et que celui-ci aura une pro­ba­bi­lité de sur­vie au-delà de l’âge de 5 ans plus importante.

La situa­tion tend-elle tout de même à s’améliorer ?

Quand on se fie aux indi­ca­teurs, on voit que les choses s’ar­rangent, que par­tout cela pro­gresse, ce qui rend opti­miste. Ainsi, les légis­la­tions pour faire obs­tacle à l’ex­ploi­ta­tion sexuelle des enfants ont évo­lué. Ceux qui s’y livrent, sou­te­neurs ou tou­ristes sexuels, tombent sous le coup de la loi. Il y a un vaste mou­ve­ment, une vraie prise de conscience pour mettre fin à cela avec, par­tout, des dis­po­si­tions d’ap­pli­ca­tion diverses et variées.

Mais il y a encore du che­min à faire. Ce monde est devenu com­plè­te­ment fou ! Avec le nombre de conflits qui affectent la pla­nète ou encore le chan­ge­ment cli­ma­tique, il y a aujourd’­hui plus de per­sonnes dépla­cées qu’au len­de­main de la Seconde guerre mon­diale. Plus de 500 mil­lions de per­sonnes vivent dans des zones affec­tées par des conflits.

Tout cela per­turbe les pro­grammes de déve­lop­pe­ment. Même si l’on pro­gresse en matière de sco­la­ri­sa­tion ou d’ac­cès aux soins, ces conflits et catas­trophes natu­relles consti­tuent des freins.

Les évé­ne­ments orga­ni­sés par l’Unicef sur Grenoble visent à « lut­ter contre l’in­dif­fé­rence ». Celle de la popu­la­tion, des pou­voirs publics, des médias ? 

Le terme d’in­dif­fé­rence est peut-être un peu fort… C’est plus de l’ha­bi­tude. On s’ha­bi­tue aux choses, comme s’il y avait une fata­lité contre laquelle on ne pou­vait rien faire.

Notre pre­mière mis­sion en tant que Comité natio­nal de l’Unicef est de sen­si­bi­li­ser aux situa­tions de détresse que connaissent les enfants et aux souf­frances qui en découlent. D’amener cha­cun à s’in­té­res­ser à l’autre, à faire quelque chose pour que sa situa­tion s’améliore.

Une école dévastée à Sanaa, capitale du Yémen. Le pays connait une guerre civile depuis 2014. Dans l’indifférence générale ? © Unicef

Une école dévas­tée à Sanaa, capi­tale du Yémen. Le pays connait une guerre civile depuis 2014. Dans l’indifférence géné­rale ? © Unicef

Certaines crises frappent – un trem­ble­ment de terre, un oura­gan… – et créent une empa­thie par­ti­cu­lière ou un élan de soli­da­rité, mais les gens finissent par s’ha­bi­tuer et ne plus y prê­ter attention.

Le Yémen, per­sonne n’en parle, y com­pris les médias. On s’ha­bi­tue à ce que des embar­ca­tions sombrent en Méditerranée. Un atten­tat à la bombe en Irak qui fait 200 morts, c’est un entrefilet…

Quelles formes cette lutte contre l’in­dif­fé­rence peut-elle prendre au final ?

Lutter contre l’in­dif­fé­rence, cela signi­fie ne pas entrer dans une forme de rou­tine qui ferait que l’on est à l’é­coute de tout ce qui se passe, tout en res­tant dans son pré carré. C’est faire en sorte qu’il y ait une prise de conscience et que, col­lec­ti­ve­ment, on lutte pour que les choses changent.

Parce que je ne peux pas me résoudre à ce qu’une famille dorme dans la rue, que des enfants ne soient pas sco­la­ri­sés, ou ne soient pas nour­ris à la can­tine parce qu’ils sont dans une situa­tion qui n’est pas recon­nue légale !

Propos recueillis par Florent Mathieu

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