FOCUS – Les salariés ont repris la main sur le plan social qui menace 345 emplois sur le site grenoblois de GE Renewable Energy (GE Hydro) en décidant, ce lundi 20 novembre, un nouveau blocage du site. Un mouvement parti de la base, pour obtenir un délai supplémentaire dans la négociation du plan social, et qui a placé les syndicats devant le fait accompli.
Ce mardi 21 novembre, les salariés de GE Renewable Energy (GE Hydro) ont voté la poursuite du blocage de leur usine décidé sur le coup des 4 heures dans la nuit du 19 au 20 novembre et reconduit le lendemain.
Ils passent donc une nouvelle nuit dans le froid devant le brasero installé dans la cour de leur usine, avant de décider, ce mercredi 22 novembre à 14 heures, de la suite à donner à leur mouvement spontané.
Principalement en cause, les tergiversations de la direction concernant leur demande de deux mois supplémentaires pour remettre les conclusions du plan social. Une vague de licenciements qui menace 345 des 800 emplois que compte le site grenoblois spécialisé dans les turbines hydroélectriques.
Des salariés las de l’inflexibilité de leur direction
Contrairement au blocage qui avait duré neuf jours en octobre dernier, ce sont les salariés qui sont à l’origine de cette nouvelle paralysie du site. Au grand dam des syndicats qui n’ont pu que se rendre à l’évidence devant le coup de sang d’une base d’ouvriers et de techniciens se disant las de l’inflexibilité de leur direction. Des dirigeants que l’intersyndicale a pu rencontrer à deux reprises, les 16 et 17 novembre, sans obtenir d’avancées significatives pour la résolution du conflit.
En effet, Yves Rannou, directeur de l’activité Hydro monde de GE Renewable Energy, s’est rendu sur le site de Grenoble, ce jeudi 16 novembre. Les objectifs de sa venue ? Discuter avec les organisations syndicales de leur demande d’extension de deux mois des négociations concernant le plan de sauvegarde (PSE), jusqu’au 19 janvier donc.
Un délai nécessaire « pour être sûrs que les employés qui vont rester sur le site puissent travailler dans de bonnes conditions et aient la garanti d’avoir un avenir », estime Nadine Boux, déléguée CFE – CGC au comité d’entreprise.
Dans ce combat, les salariés ne sont pas seuls puisque six élus de l’Isère ont adressé un courrier collectif à Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, l’exhortant à accorder ce délai supplémentaire pour négocier le plan social.
Autre point abordé lors de ces discussions : le projet de restructuration et de réorganisation de l’entreprise élaboré par l’intersyndicale « afin que l’entreprise puisse repartir dans de bonnes conditions ».
« La direction tient à rester proche des 345 suppressions de postes »
« Nous avons joué le jeu. Yves Rannou craignait pour sa personne mais la réunion s’est déroulée très calmement », assure Rosa Mendes, membre de l’intersyndicale. Un coup d’épée dans l’eau toutefois puisque Yves Rannou n’a pas cédé un pouce de terrain, maintenant au 19 décembre la date limite de réception des avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, du comité central d’entreprise et du comité d’entreprise. Tout en conseillant à ses interlocuteurs de « tirer profit de la nuit » en vue d’arriver à un accord le lendemain.
Le lendemain, nouvelle rencontre avec la direction – locale cette fois – mais avec le même résultat. Une vraie douche froide pour les salariés dont certains, membres de l’intersyndicale, accusent la direction de vouloir jouer la montre. Une manière, pensent-ils, de « plier l’affaire avant la fin de l’année pour des raisons fiscales ».
« C’est une déception parce que, finalement, nous avons passé une journée entière dans un simulacre de négociations sur un délai. Si juste pour un point nous passons autant de temps, combien en faudra-t-il pour discuter l’ensemble des points du PSE ? », se désole Rosa Mendes.
Quant aux projets alternatifs de l’intersyndicale, ils prévoient que seulement 150 postes pourraient être éventuellement supprimés par le plan social. « Tout le désaccord de ces deux journées de discussion a tourné autour de ce chiffre car la direction tient à rester très proche des 345 initialement prévus », explique encore Rosa Mendes.
Une proposition jugée « bizarre et indécente »
Toujours est-il que ce mardi 22 novembre, une autre réunion avec la direction locale s’est déroulée au World Trade Center de Grenoble. Pourquoi ce choix ? « La direction refuse de venir sur le site parce qu’il est bloqué. Elle argue également que les conditions requises pour mener à bien une négociation sur le site ne sont pas garanties », explique Nadine Boux. Il faut dire que chat échaudé craint l’eau froide suite à l’accueil réservé à Yves Rannou à Alpexpo le 8 novembre dernier.
Encore un coup pour rien ? « Il n’y a pas eu d’avancées fondamentales, relate Nadine Boux. Toutefois, la direction a reconnu qu’elle n’était pas habilitée ni décisionnaire sur tous les volets du PSE et notamment pour ce qui concerne le chiffre des 345 suppressions de postes ». Ce qui étonne la déléguée, qui se souvient avoir entendu le contraire il y a quelques mois.
L’intersyndicale demande donc que Jérôme Pécresse, le responsable des activités énergies renouvelables de General Electric, vienne s’installer autour de la table des négociations « puisque c’est lui qui signe tous les documents », souligne narquoisement Nadine Boux.
La direction a également demandé à ce que les négociations puissent se poursuivre entre Noël et la Saint Sylvestre. « Ce que nous avons refusé en bloc. Ils n’avaient pas de temps au mois d’août, nous n’avons pas de temps à Noël non plus ! », se moque la déléguée, estimant la proposition « bizarre et indécente ».
La direction, quant à elle, souhaite « que le blocage du site soit levé et que le dialogue reprenne au plus vite sans faire de cette dernière condition un préalable aux discussions », a‑t-elle expliqué à nos confrères du Dauphiné Libéré.
Statu quo donc. Y compris du côté de Bercy, qui avait pourtant promis d’apporter une réponse aux questions des salariés avant la fin de la semaine dernière. Dès lors, jusqu’où sont prêts à aller les employés en colère ? Nul ne le sait. Les événements des prochains jours nous le diront.
Joël Kermabon