FOCUS – Le nouveau plan de circulation est sur les rails. Dûment voté par les conseillers métropolitains et ajusté à 11,6 millions d’euros, il entérine la fermeture à la circulation automobile de l’axe Sembat-Rey-Lyautey et la piétonnisation de deux secteurs du centre-ville, de même que le réaménagement de la place Grenette. Et tant pis si l’on n’y voit pas plus clair quant à ses impacts sur les déplacements et la pollution de l’air…
Après une phase test de six mois, le nouveau plan de circulation du cœur de ville de Grenoble a été définitivement validé.
Vendredi 10 novembre, les conseillers métropolitains ont voté la fermeture à la circulation automobile des boulevards Sembat, Agutte et Rey. Comme ils ont approuvé la piétonnisation des secteurs Brocherie-Chenoise et République-Montorge ainsi que le réaménagement de la place Grenette après consultation.
Sur quoi va déboucher le nouveau plan de circulation ? Moins de voitures* ? Plus de vélos et de fréquentation des transports en commun ? Un cœur de ville rendu aux piétons ? Une meilleure qualité de l’air ? Moins de bruit ? C’est l’objectif visé.
« Des donnés fragiles, floues, peu fiables » pour Matthieu Chamussy
Cet objectif sera-t-il atteint ? En fait, on n’en sait trop rien. « Alors qu’on s’apprête à entériner le projet, les données déplacements et qualité de l’air dont nous disposons sont fragiles, floues, peu fiables voire insatisfaisantes », a pointé Mathieu Chamussy (Métropole d’avenir, opposition métropolitaine).
Faute d’étude d’impact – le projet en ayant été dispensé par le préfet –, les élus ont dû s’en remettre aux premiers résultats observés sur six mois. Ceux extraits de l’observatoire des déplacements** mis en place par la Métro, montrant des résultats, si ce n’est satisfaisants, au moins conformes aux prévisions et aux objectifs que les porteurs du projet s’étaient fixés.
Donc plutôt sur la bonne voie, aux dires de Ludovic Bustos, vice-président chargé des espaces publics et de la voirie : « Les nouvelles mobilités liées au nouveau plan de circulation sont en train de s’installer. »
Loin de la catastrophe annoncée donc. « Il y a neuf mois, on nous avait promis que l’agglomération serait totalement bloquée, a fait remarquer Yann Mongaburu, le vice-président en charge des déplacements. Il y a neuf mois, on nous avait aussi demandé de mettre en place un observatoire. Parmi les questions que j’entends sur certains bancs, il y en a qui auraient peut-être trouvé réponse s’ils avaient siégé au sein de l’observatoire. »
Un résultat plus que positif pour les promoteurs du projet
Premières tendances d’après l’observatoire, la fréquentation du centre-ville reste stable. C’est Orange qui le dit. La congestion sur les axes a baissé (là, c’est Tom Tom). Et, aux portes de la ville, le trafic auto a diminué de 3 à 4 % (TransIsère et Sémitag).
En six mois, le résultat est donc plus que positif pour les promoteurs du projet, qui tablent sur une baisse de 10 % de la circulation d’ici 2019.
De janvier à avril 2017, les niveaux de NO2 sont plutôt inférieurs à ceux enregistrés les années précédentes. A partir de mai 2017, les niveaux de NO2 sont proches de la valeur moyenne des dix dernières années. Compte tenu de la coïncidence temporelle entre cette augmentation relative modérée et la mise en place du nouveau plan de circulation, il est impossible d’exclure un lien de causalité, dixit Atmo. © Doc Atmo Auvergne Rhône-Alpes
Autres résultats : ceux rendus publics la veille du conseil métropolitain par Atmo Auvergne Rhône-Alpes, l’organisme chargé de surveiller la qualité de l’air.
Et dont chacun a eu sa lecture, dans un sens (pas d’augmentation fulgurante pour la majorité métropolitaine acquise au projet) comme dans l’autre (une augmentation directement liée à la mise en œuvre de CVCM pour ses détracteurs, Métropole d’avenir en tête). Un partout, la balle au centre ?
Une campagne de mesures complémentaires nécessaire, selon Atmo
Si les concentrations en dioxyde d’azote renouent, dès la mise en œuvre de CVCM, avec les niveaux moyens des dix dernières années après quatre mois de baisse sensible, cela coïncide pile avec le lancement du nouveau plan de circulation, résume Atmo. Le lien entre les deux saute aux yeux.
Ce que dit aussi Atmo, c’est qu’il est nécessaire de voir plus loin et plus large que la station Grands boulevards pour bien mesurer les impacts. Élargir aux rues adjacentes, celles dont le sens de circulation a été modifié, comme celles sur lesquelles les reports de trafics vont se faire.
Une campagne de mesures va donc être lancée sur une année, à l’échelle du centre-ville de Grenoble. En attendant, circulez – ou ne circulez plus –, il n’y a rien à discuter puisqu’il n’existerait à ce jour aucune base tangible pour mesurer l’impact futur de ce nouveau plan de circulation sur la qualité de l’air.
Mais vendredi, ce n’était pas le but poursuivi par le nouveau plan de circulation qui était dénoncé par les détracteurs de CVCM. « Si nous faisons part de nos doutes, ce n’est pas tant quant à l’objectif de l’opération mais quant à la méthode mise en œuvre et aux moyens choisis », a souligné Jeanne Jordanov (Indépendants de gauche, majorité métropolitaine).
« Ce que nous faisons n’est pas suffisant et nous ne faisons pas grand-chose non plus pour favoriser les mobilités urbaines. Nous demandons un plan d’actions pour accroître l’offre de transports en commun, voire des actions en faveur du remplacement des véhicules polluants comme celles mises en place pour les véhicules de livraison. Il faut aussi que des mesures sur le bruit, sur l’air soient réalisées en urgence. »
« Accélérons encore ! »
Des revendications qui n’ont guère trouvé d’écho… Pas plus que la question posée par Jean-Damien Mermillod-Blondin (Métropole d’avenir, opposition métropolitaine). « Si début 2019, Air Auvergne Rhône-Alpes dit que ce nouveau plan de circulation aggrave la pollution, le maintiendrez-vous ? Ou reviendrez-vous en arrière ? »
La marche arrière semble peu probable. Outre le fait que les réaménagements seront terminés ou presque, les effets des modifications de circulation sur la qualité de l’air se mesurent à une toute autre échelle.
Avec, qui plus est, le risque de se diluer dans d’autres paramètres comme l’amélioration du parc roulant et la baisse mécanique du dioxyde d’azote, ou l’effet météo…
« À partir de quelle série temporelle vous seriez en capacité de dégager une tendance qui permette de dire s’il y a eu des évolutions liées à tel ou tel aspect ? La question est là et elle doit être posée à Atmo », a répondu Christophe Ferrari.
Et tant pis pour le principe de précaution, brandi par Mathieu Chamussy, « puisqu’il n’est pas possible de tirer des conclusions définitives sur cette question de santé publique ». La vitesse est enclenchée. « Accélérons encore ! », a même préconisé le maire de Grenoble Eric Piolle.
En attendant, le projet, voté, a dû être actualisé. CVCM ne coûtera pas 10 millions d’euros comme escompté mais 11,6 millions. Le désamiantage de la voirie a fait gonfler la facture d’un million d’euros, l’observatoire, les tests et l’éclairage public de la place Grenette de 600 000 euros.
Patricia Cerinsek
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* La réduction de la circulation a été évaluée entre 5 et 15 % dans le dossier soumis à l’instruction préfectorale. Les initiateurs du projet espèrent délester le centre-ville de Grenoble de 10 000 véhicules/jour. Dont 5 000 aujourd’hui utilisés par des automobilistes qui laisseraient leurs voitures pour se tourner vers la marche, le vélo ou les transports en commun.
** Au sein de cet observatoire transdisciplinaire, la fréquentation des transports en commun est évaluée par TransIsère et la Sémitag, le comptage des vélos par Métrovélo, celui des véhicules par le fabricant de GPS Tom Tom et le comptage des piétons par l’opérateur de téléphonie mobile Orange.