EN BREF – Les tables rondes autour des bonnes pratiques du transhumanisme, qui devaient se tenir le 12 octobre dans le cadre de la Fête de la science et suscitaient la colère de Pièces et main d’œuvre, étaient en réalité annulées sans grande publicité depuis près de 10 jours… Cachez ce transhumanisme que je ne saurais voir ? Retour sur les raisons d’une annulation bien discrète.
Alors que le collectif Pièces et main d’œuvre (PMO) fulminait contre la tenue de tables rondes sur le transhumanisme, prévues le jeudi 12 octobre sur le campus de Saint-Martin d’Hères dans le cadre de la Fête de la science, l’événement était en réalité annulé depuis… fin septembre. Sans que l’annulation en question ne soit mentionnée sur le programme téléchargeable en ligne, ou l’agenda de l’association Technoprog, à l’origine de cet événement.
Les organisateurs auraient-ils cédé aux menaces de PMO, qui appelait les « humains d’origine animale » à « venir manifester leur humanité à leurs côtés » contre la tenue de ce forum censé évoquer les « bonnes pratiques » du transhumanisme ? Rien n’est moins sûr, puisque le communiqué des opposants à la « tyrannie technologique » est postérieur à la décision d’annuler la rencontre. Toutefois, la réaction hostile du collectif bien connu était prévisible.
Une « censure de la communauté scientifique » ?
« Le facteur PMO était dans les esprits, mais n’a pas contribué à l’annulation », nous assure Terence Ericson, membre de Technoprog. L’organisateur de l’événement grenoblois met l’annulation des tables rondes sur le compte, d’une part, d’une certaine inexpérience de sa part, l’ayant amené à commettre quelques maladresses dans son mode de communication avec les chercheurs. « Certains laboratoires n’ont, par exemple, pas apprécié d’être directement contactés sans être passé préalablement par leur tutelle », nous écrit ainsi ce jeune étudiant en neurosciences.
Tablettes, smartphones… Mais l’humain “augmenté” ne semble pas le bienvenu sur le campus de Saint-Martin d’Hères © Florent Mathieu – Place Gre’net
D’autre part, Terence Ericson souligne « une certaine censure de la communauté scientifique ». Des laboratoires auraient reçu l’ordre de placer l’association transhumaniste sur liste noire. « C’est une technique souvent utilisée que de désigner les transhumanistes comme les “irresponsables”, pour éviter d’être soi-même visé par les critiques », juge encore le jeune homme. En somme, la communauté scientifique de Grenoble désignerait Technoprog à la vindicte afin d’éviter « d’être visée par les critiques sur l’éthique de [ses] recherches ».
L’Université Grenoble-Alpes assume l’annulation
De son côté, l’Université-Grenoble-Alpes (UGA) explique qu’elle est bel et bien à l’origine de l’annulation de ce forum. Raison invoquée : la proposition initiale de l’événement, telle que présentée par l’organisateur, ne correspondait pas à la proposition finale.
L’UGA avait ainsi demandé à ce que des chercheurs soient contactés pour participer aux tables rondes, ce qui n’aurait pas été le cas. Résultat, nous dit l’UGA : « Les conditions du débat contradictoires n’étaient pas réunies, nous avons préféré annuler ».
En “off”, d’autres voix laissent entendre que la crainte de « troubles » étaient pourtant présente dans les esprits. Le climat bien peu consensuel autour du sujet du transhumanisme aurait dissuadé les enseignants ou chercheurs de participer aux tables rondes.
« Les conditions d’un débat serein associant largement la communauté universitaire ne sont pas réunies », est-il noté dans un échange en interne entre les différentes protagonistes que sont le Crous (qui mettait à disposition le local de l’Aquarium), la Comue et l’UGA.
Un prochain débat sur Grenoble ?
Inquiétude face à la polémique, maladresse ou blacklistage… Les raisons de l’annulation sont décidément confuses. « Le forum n’était pas organisé dans le but de faire l’éloge d’un transhumanisme radical, “homme-machine” comme l’a cité PMO. Je suis même personnellement contre cette idée, je suis très attaché à ma condition humaine », assure Terence Ericson faisant part de sa « désillusion ».
« Le forum était avant tout un forum d’échange, de débat, avec des intervenants d’origines diverses. Nous aurions très bien accepté de recevoir des personnes pour ou contre le transhumanisme, si celles-ci avaient accepté de débattre et non de combattre. Et notre association et moi-même sommes assez déçus des réactions de « peurs » que notre forum a pu rencontrer », écrit encore le jeune homme.
Avant d’assurer ne pas renoncer à organiser un débat sur le transhumanisme à Grenoble, « sous une nouvelle approche, plus saine et “sécurisée” ».