FOCUS – Depuis le mois d’avril, de nombreuses actions sont menées sur Grenoble pour s’opposer à des projets de fermeture ou de reconfiguration de bureaux de La Poste. L’entreprise se dit en retour ouverte au dialogue, et a présenté son projet pour les six bureaux concernés. Rencontre avec Michel Pandiscia, tout nouveau directeur Ressources et Appui à la transformation.
« On ne peut pas reprocher à La Poste d’évoluer. Les concurrents font exactement comme nous ! » Tel est le message que veut porter Michel Pandiscia.
Le nouveau directeur Ressources et Appui à la transformation (DRAT) à la direction du réseau La Poste Alpes-Vallée Rhodanienne répond ainsi aux critiques accueillant les restructurations à venir de certains bureaux de Poste de Grenoble.
Depuis le mois d’avril, usagers, unions de quartier syndicats et municipalité sont en effet vent debout contre la potentielle fermeture de six bureaux de Poste : Île verte, Championnet, Bajatière, Eaux Claires, Stalingrad et Grand’Place. C’est le cas du bureau de l’Île verte qui avait décidé la première réunion, et la création du collectif J’aime ma Poste, très actif depuis.
Cinq bureaux de poste en mutation
Michel Pandiscia revient sur le cas des bureaux en question. D’abord destiné à la fermeture, le bureau de l’Île verte va finalement bénéficier d’un « investissement pour faire du développement bancaire », avec rénovation à la clé. « C’est une zone à potentiel, on fait un investissement et un gage sur l’avenir », insiste-t-il.
Les bureaux de Bajatière, Eaux Claires et Stalingrad devraient, pour leur part, voir leurs horaires adaptés en fonction du « flux de clientèle ». Autrement dit, les usagers doivent s’attendre à des amplitudes d’horaires d’ouverture revues à la baisse, mais sans fermeture à court terme de leurs bureaux de poste.
Reste encore le cas de deux bureaux. Celui de Grand’Place serait menacé par une pure opération immobilière. Le propriétaire des lieux souhaite en effet reprendre le local pour l’exploiter commercialement, et propose à l’entreprise un autre emplacement. Mais celui-ci contredit les normes en vigueur pour les transports de fonds, assurés dans le cas de La Poste par la société Brinks.
Faute de solution, une fermeture définitive de ce bureau est-elle envisageable ? « On a quand même d’autres bureaux de Poste à moins d’un kilomètre ! », note Michel Pandiscia. « Grand’Place, ce sont des flux passants, et ce ne sont que des opérations courriers. C’est un élément non négligeable, mais ce sont des clients qui ont théoriquement des services dans leur propre commune », ajoute-t-il.
Championnet fermera-t-il ?
Quid, pour conclure, du bureau de Poste Championnet ? Celui-là même que les membres du collectif J’aime ma Poste, soutenus par deux unions d’habitants et celle des commerçants, défendaient encore le 21 septembre ? Pas question de parler de « fermeture » pour le DRAT, mais de « transformation ».
Concrètement, le service courrier serait confié à un « partenaire », autrement dit un commerce du quartier devenant « relais de poste urbain ». « C’est une évolution du point de contact adapté aux besoins des administrés, explique Michel Pandiscia. À partir du moment où l’on met un partenariat en place, le bureau de poste n’existe plus en tant que tel, mais ce n’est pas une fermeture : vous avez un relais Poste chez le commerçant, avec l’enseigne La Poste ! »
Une présentation des choses que ses détracteurs jugent purement sémantique. « On peut me dire que c’est de la sémantique, mais pour moi c’est plus que cela ! La structure du magasin est le support, mais la prestation postale est assurée. Les locaux ne seront plus accessibles puisqu’on les enlèvera, mais la prestation et la proximité resteront », défend le DRAT.
Des pressions sur les partenaires potentiels ?
Pour lui, cette évolution se fait au bénéfice des usagers : les magasins ouvrent plus tôt et ferment plus tard que bien des bureaux de poste, et cela six jours sur sept, voire pour certains le dimanche matin. Problème : le commerce retenu pour le quartier Championnet s’est finalement désisté. Tout en se défendant de porter un jugement, Michel Pandiscia s’en inquiète.
« Je pose la question : est-ce qu’il y a une certaine forme de pression sur les commerçants pour ne pas accepter les partenariats ? Le collectif ne s’est jamais caché d’aller voir les commerçants pour leur déconseiller d’en prendre un avec La Poste. On a l’impression que l’on veut bloquer les partenariats au niveau de Grenoble… », nous confie-t-il.
Contacté par Place Gre’net, le commerce en question nie de son côté toute pression, et rejette la faute sur l’entreprise qui n’aurait pas été « franche du collier », notamment dans ses annonces et sa manière de rechercher un partenaire.
« On ne travaillera jamais avec eux », assène pour conclure le responsable de ce magasin du quartier Championnet, visiblement remonté.
Une entreprise face aux défis du numérique
Le collectif J’aime ma poste marque son opposition à la fermeture ou à la transformation des bureaux de poste, en premier lieu au nom du maintien du service public sur les territoires. Un argument que le DRAT veut battre en brèche. « La Poste a un engagement de maillage, autrement dit de présence postale, de 90 %. Nous sommes à 95 % à Grenoble »*. Et le directeur de rappeler que La Poste compte 300 points de contact en Isère… dont plus de la moitié sont d’ores et déjà des partenariats.
Michel Pandiscia veut défendre l’évolution de l’entreprise, face notamment à la révolution numérique. Une Poste qui, aujourd’hui, fait passer le code de la route, ou met en place un dispositif Veiller sur mes parents, dénoncé par les syndicats mais toujours en veille sur Grenoble. Des missions bien éloignées du travail de facteur, symbole historique de l’entreprise ?
« Nous avons plusieurs branches, la distribution de courrier en fait partie, mais le courrier connaît une baisse chronique. Il faut s’adapter : si nous ne le faisons pas, d’autres s’empareront des créneaux. Et Veiller sur mes parents, c’est un service de proximité. Le code de la route, c’est un service de proximité. Je ne vois pas pourquoi La Poste ne pourrait pas s’inscrire dans ce cadre-là ! », plaide-t-il.
La Poste ne s’en dit pas moins ouverte au dialogue, ainsi qu’elle l’a démontré en participant à la réunion publique du 25 septembre. « Nous ne sommes pas tenus de discuter avec le collectif, mais au regard du dialogue et de l’ouverture vis-à-vis des Grenoblois, nous avons continué à échanger avec. Cela dit, à un moment donné, il faudra bien faire évoluer les choses. On ne pourra pas rester dans un constat permanent », prévient pour conclure Michel Pandiscia.
Florent Mathieu
* La Poste s’engage à ce que 90 % de la population soit à moins de 5 kilomètres, et à moins de 20 minutes en voiture, d’un point de contact. Un engagement en phase avec l’aménagement du territoire, qui compte parmi ses missions de service public.