FOCUS – Lutter contre la prolifération d’espèces envahissantes comme le moustique tigre ou la pyrale du buis en offrant la possibilité à leurs prédateurs de revenir en ville ? C’est l’idée du projet d’installation de nichoirs à chauve-souris, hirondelles ou mésanges bleues porté par Ingrid Szalay et Gilles Namur dans le cadre du budget participatif de Grenoble.
Progression du moustique tigre, prolifération de la pyrale du buis, conquête de nouveaux territoires par la chenille processionnaire… Des espèces de plus en plus envahissantes qui ne sont pas sans causer un certain nombre de nuisances dans l’Hexagone. Et si l’une des solutions à ces déséquilibres était le retour de prédateurs ayant plus ou moins déserté les territoires urbains ? C’est l’objectif du projet « Nichoirs chauves-souris, hirondelles et mésanges » déposé dans le cadre de l’édition 2017 du budget participatif de la ville de Grenoble.
À l’origine de cette idée ? Gilles Namur, président de l’Union de quartier Île-Verte, et Ingrid Szalay, salariée de la Ville et habitante du quartier. Deux personnes proposant un projet similaire mais qui ne se connaissaient pas avant que les services de la municipalité ne les mettent en contact. Aujourd’hui, ils défendent ensemble la réintroduction de ces espèces. Avec, première étape, un franc succès rencontré durant la Ruche aux projets du samedi 13 mai.
La LPO en soutien au projet
Les deux porteurs de projet ne sont pas seuls dans l’histoire. « Avant de nous lancer, nous ne voulions pas faire n’importe quoi, explique Ingrid Szalay. Nous avons contacté la LPO [Ligue protectrice des oiseaux, ndlr] et d’autres associations partout en France. On nous a répondu que le projet valait le coup, surtout dans les villes, là où la production lumineuse ou le bruit ont fait fuir les espèces. »
La LPO apporte également son expertise et ses conseils dans la construction du projet. « Nous sommes des habitants, pas des scientifiques ! », insiste Ingrid Szalay. Se posent par exemple les questions de l’emplacement des nichoirs ou de leur installation. Si les parcs ou les chemins de halage (situés sur les rebords de rivières et servant de passage aux hommes et aux animaux) semblent des secteurs à privilégier, la pose de nichoirs en kit dans les écoles est aussi une piste à explorer, et l’occasion d’ateliers ludiques et pédagogiques.
Les experts l’assurent : la simple présence de nichoirs peut favoriser le retour d’une population. Et plus encore pour un animal migrateur comme l’hirondelle.
« À partir du moment où il y a un habitat, l’espèce va revenir, se reposer, se reproduire, nicher… Cela se fait naturellement, sans besoin de mettre de la nourriture. Le but n’est pas de produire un dérèglement dans l’autre sens… », nuance en effet Ingrid Szalay.
Pourquoi la chauve-souris, l’hirondelle et la mésange bleue ? Ces espèces n’ont pas été choisies au hasard. Les deux premières sont des prédatrices naturelles du moustique, avec des rythmes de vie – nocturne pour l’une, diurne pour l’autre – permettant un “roulement” permanent. Quant à la mésange bleue, sa cible sera les chenilles processionnaires ou la pyrale du buis.
La chauve-souris superstar
C’est toutefois la chauve-souris que les porteurs de projet ont choisi de mettre en avant. Leurs pages Facebook comme Twitter se nomment ainsi « Projet chauve-souris ». Pourquoi s’en cacher ? Le but était bien d’attirer la curiosité et l’intérêt du public grâce au « côté légende ou fantasme » d’un animal qui peut fasciner… autant qu’inquiéter.
Paradoxe de l’exercice, Ingrid Szalay doit désamorcer nombre de clichés sur ce mammifère volant qui, selon les croyances populaires, prendrait un malin plaisir à s’accrocher dans les cheveux… Les chauve-souris sont pourtant des animaux nocturnes discrets et craintifs qui n’attaquent en aucun cas les hommes. « J’ai eu la chance d’en “accueillir” deux à la maison, raconte Ingrid. Elles sont entrées par hasard. Elles sont vraiment inoffensives et se laissent faire. Quand je les ai sorties, j’ai ouvert les mains et elles ont disparu très vite ! » Grandes consommatrices d’insectes, les chauve-souris jouent en outre un rôle bénéfique pour les écosystèmes et les cultures et permettent ainsi de réduire considérablement l’utilisation de pesticides
Ingrid Szalay reconnaît aussi avoir privilégié des photographies « sympas » dans sa communication, quitte à aller puiser dans des espèces qui ne résident pas en France : « des chauve-souris plus grosses, qu’on voit avec leurs bébés que l’on a plus envie de préserver et dont on a moins peur ». Il est vrai que la pipistrelle, espèce la plus commune de nos contrées, ne correspond pas nécessairement aux critères esthétiques en vigueur.
À défaut de la trouver jolie, tout étant d’ailleurs question de goûts, on aura du mal à la trouver effrayante tant la pipistrelle est minuscule.
Avec sa taille de quelques centimètres, elle est loin de sa cousine géante d’Asie et de son mètre d’envergure. Ou de l’impressionnant renard volant des Philippines, malheureusement en voie d’extinction.
Verdict des urnes en octobre
Les porteurs ont bon espoir de voir leur projet validé par les Grenoblois en octobre. Pour le moment, ce sont les services de la Ville qui ont pris le relais, afin d’en vérifier la faisabilité et de définir ses modalités pratiques.
Quel montant pour sa réalisation ? Aucun chiffre n’a encore été arrêté. « Il faut compter les nichoirs, la main d’œuvre, l’installation… On ne peut pas faire de budget prévisionnel sans retour d’expertise », explique Ingrid Szalay. Pour autant, c’est bien dans la catégorie « petit projet » que figureront ces nichoirs.
En attendant le vote, Ingrid Szalay assume totalement son statut d’ambassadrice. « C’est un projet qui s’inscrit bien dans tout ce qui est protection animale, nature en ville ou végétalisation, se réjouit-elle. C’est un investissement personnel, mais j’estime que ça en vaut la peine, et la LPO me l’a confirmé. On a la chance d’être dans une ville où l’on peut faire éclore des projets comme cela, que la municipalité et les gens suivent. Et c’est chouette ! »