FOCUS – Créer des itinéraires directs, sécurisés et fiables afin de tripler le nombre de déplacements quotidiens à vélo en l’espace de trois ans. Voici ce qu’ambitionne la Métropole avec Chronovélo, nouveau réseau cyclable structurant de l’agglomération grenobloise. Lancé en juin dernier, ce projet prévoit l’aménagement de 40 kilomètres de voies cyclables qui, d’ici 2020, traverseront le territoire métropolitain du Nord au Sud et d’Est en Ouest. De quoi offrir aux Grenoblois une alternative concrète à la voiture.
Une piste cyclable de 4 mètres de large, à double voie, délimitée par un marquage au sol flambant neuf, de couleur jeune et bleue. Les premiers kilomètres de Chronovélo ont vu le jour en juin dernier dans les rues Lanoyerie et Desmoulins, non loin de l’Estacade. Il s’agit du premier tronçon de l’un des quatre axes majeurs qui, dans trois ans, atteindront de nombreuses communes situées aux antipodes de l’agglomération grenobloise. En l’occurrence, Saint-Égrève et Saint-Martin‑d’Hères, les deux futurs “terminus” de cette liaison initiale.
« Dans les prochaines années, Grenoble-Alpes Métropole envisage de réaliser 40 kilomètres de voies cyclables sur un réseau structurant qui offre à la fois des itinéraires directs, confortables et sécurisés, avec l’ambition d’aménager des espaces apaisés, facilement praticables et identifiables, pour attirer les nouveaux usagers du vélo », explique Christophe Ferrari, président de la Métro, principal porteur de ce projet initié en 2015.
« Nous souhaitons faire tripler la part modale du vélo d’ici 2020. » Ce qui, en chiffre, signifierait atteindre 216 000 déplacements à vélo par jour (contre les 70 000 actuels). À savoir, le même nombre de voyages que ceux effectués quotidiennement en tram.
« Un objectif certes ambitieux », admet Christophe Ferrari, « mais qui s’appuie sur des évolutions qui sont déjà à l’œuvre chez nos concitoyens ». En effet, selon ce dernier, 15 % de Grenoblois actifs choisiraient le vélo pour se rendre sur leur lieu de travail, « ce qui fait que la Métropole est sur le podium national en termes de déplacements domicile-travail, derrière Strasbourg ».
Plusieurs opérations prévues d’ici fin 2017
Avec 350 kilomètres de pistes cyclables s’étendant sur toute l’agglomération, Grenoble peut d’ailleurs se vanter d’être l’une des villes de France où la pratique de la bicyclette en milieu urbain est la plus répandue. Une réalité sur laquelle la Métro compte continuer à miser dans l’avenir. En plus des 6 millions d’euros consacrés chaque année à la politique cyclable, cette dernière prévoit ainsi d’investir plus de 10 millions d’euros pour la création de son nouveau réseau d’autoroutes à vélo sur la période 2015 – 2020.
Plusieurs opérations sont déjà prévues pour le second semestre de 2017. Au menu : les travaux de rénovation des cheminements piétons sur le boulevard de la Chantourne à La Tronche et l’avenue de Verdun à Meylan, ainsi que le marquage définitif et la mise au gabarit de différents points du réseau.
Parmi ceux-ci, le boulevard Jean-Pain à Grenoble, l’avenue Ambroise-Croizat à Saint-Martin‑d’Hères, ou encore le trait allant du Pont d’Oxford à la rue Henri Tarze sur la Presqu’Ile scientifique. « Ensuite, nous irons vers le Sud, notamment vers le Pont-de-Claix, Jarrie et Vizille », précise Christophe Ferrari.
Le vélo, un mode de transport qui « a le vent en poupe »
Si l’on considère toutefois que la voiture, qui représente 75 % des voyages de moins 3 kilomètres à Grenoble, y règne encore en maître, l’aménagement de Chronovélo sera-t-il suffisamment convaincant pour persuader les automobilistes de renoncer à leur véhicule pour leurs allers et retours de la périphérie au centre-ville ?
Selon les prévisions de la Métro, cette conversion massive aux moyens de transports alternatifs devrait presque aller de soi. « Les comportements changent d’eux-mêmes, puisqu’il y a désormais une volonté réelle de la part de nombre d’usagers d’utiliser le vélo dans leurs déplacements quotidiens », estime Christophe Ferrari.
Et celui-ci de préciser : « Développer des axes structurants sur la Métropole, mailler le territoire, sécuriser [les parcours] par les Chronovélos, tout cela fait partie de l’action que nous devons conduire pour amener les personnes à employer davantage leur vélo. »
Une vision tout à fait optimiste que même l’Association pour le développement des transports en commun, voies cyclables et piétonnes de la région Grenobloise (ADTC) semble partager. « Le vélo est un mode de déplacement qui n’est pas à la mode, mais qui a le vent en poupe. Les citoyens commencent à comprendre que l’utilisation de la voiture a des conséquences négatives sur l’environnement, sur la qualité de l’air… Il y a une véritable prise de conscience », soutient Philippe Zanolla, l’un des membres de l’association.
Concernant les habitudes des automobilistes, ce dernier penche plutôt pour une sorte de “conversion forcée” : « Il faut enlever de la place à la voiture […] parce qu’il est nécessaire de mettre des contraintes pour que les Grenoblois changent leur état d’esprit. »
Un réseau à l’identité visuelle spécifique : une première en France
Avec Chronovélo, la Métropole vise d’ailleurs un meilleur partage de l’espace urbain. Son ambition ? Non seulement régler les conflits d’usage, toujours plus fréquents, entre véhicules, piétons et deux roues, mais aussi « fixer des espaces dédiés à un mode de transport spécifique, que ce soit la voiture ou le vélo, afin de permettre à chacun de pouvoir conduire et de se déplacer en meilleure sécurité », précise Christophe Ferrari.
Un marquage au sol innovant a donc été choisi pour donner une identité visuelle forte aux nouvelles voies cyclables de l’agglomération. « Une première en France », selon la Métropole, qui a investi environ 50 000 euros pour mettre en place cette signalisation spécifique. Après une expérimentation menée sur l’avenue des Jeux olympiques, une équipe de designers lyonnais a enfin défini, en concertation avec les usagers, les traits caractéristiques de Chronovélo. À savoir, son tracé original aux couleurs voyantes et vives.
En fait, un code morse – deux points jaunes, suivis d’un trait bleu et d’un autre point jaune – représente la ligne médiane, alors que de longues bandes jaunes rétro-réfléchissantes délimitent la piste, en la rendant visible même de nuit. Les mêmes couleurs servent également à signaler les passages piétons et les intersections.
Véritables points de repère tant pour les cyclistes que pour les automobilistes, ces marquages « permettent aux usagers de considérer ces voies cyclables comme un autre réseau, au même titre que celui de bus ou de tramway, avec des arrêts, des points de marquage en couleur, et des aires de service nominatives douées de pompe et d’un plan de quartier », explique Christophe Ferrari. « C’est pour cela que nous avons choisi de les appeler Chronovélo, en référence au réseau structurant Chronobus. »
Vers un meilleur partage de la voirie entre vélos et voitures ?
Reste à voir comment cette hiérarchisation de l’espace urbain sera mise en place, notamment dans le centre-ville, lieu où la totalité des axes structurants va converger. Après le projet Cœur de ville cœur de métropole (CVCM), une autre occasion pour la Métro de revoir les espaces de la chaussée consacrés aux voitures ?
Sur ce point, les interrogations sont encore nombreuses, y compris pour le président Ferrari : « La définition précise des tracés prend du temps parce que cela nécessite d’avoir une phase d’observation et de concertation avec les usagers et les habitants dans les endroits où vont passer ces itinéraires cyclables. » Concernant les rues touchées par le réseau et la longueur des futurs parcours, pour le moment, aucune communication officielle n’a été donc donnée.
Malgré ce manque d’informations, les membres de l’ADTC se veulent confiants : « La municipalité et la Métro font des efforts pour favoriser l’apaisement de la circulation : ils ont limité la vitesse à 30 km/h sur les grands axes, et réduit l’espace dévolu à la voiture, notamment avec le projet CVCM. »
Quant à Chronovélo, sans cacher leur enthousiasme, ils le définissent comme « une bonne idée qui donne envie aux gens de se déplacer à vélo ». Un pas de plus vers l’objectif de la métropole apaisée, ou un sujet de discorde dans le débat sur la piétonnisation du centre-ville ? A suivre.
Giovanna Crippa