DÉCRYPTAGE – Dans un rapport, la chambre régionale des comptes épingle sévèrement la gestion de la commune de Fontaine. Son maire plaide la négligence et assure avoir commencé à remettre de l’ordre. Mais les dérives, et surtout leur répétition, posent question. Car tant du côté de la gestion du personnel que de la commande publique, la réglementation a été allègrement contournée. A qui ces entorses ont-elles profité ? Les premiers noms de sociétés sont tombés… Mais seule une enquête judiciaire permettrait d’y voir vraiment clair.
Les finances de la commune de Fontaine sont dans le rouge. Dans son rapport d’observations définitives, le constat de la chambre régionale des comptes est sans appel : de 2009 à 2015, les finances ont plongé. L’encours de la dette a augmenté à tel point que la capacité de désendettement a atteint treize ans en 2015. Dit autrement, il faudrait treize années à Fontaine pour rembourser sa dette. Et encore, à supposer que l’intégralité de l’autofinancement y soit consacré. C’est beaucoup.
De neuf à douze ans, on estime généralement que la situation est alarmante. Au-dessus de douze ans, les magistrats financiers parlent de surendettement. La faute à qui ? à quoi ? Depuis 2009, la dette de Fontaine a plus que doublé après la souscription de deux emprunts, de 9,7 millions d’euros en 2009 et 8,8 millions en 2012.
La commune a beau s’être débarrassée depuis 2014 d’une patate chaude de 3 millions d’euros d’emprunts transférés à la Métropole de Grenoble, elle a quelques difficultés à combler le trou. D’autant que, pour les magistrats, Fontaine n’a manifestement pas suffisamment anticipé la baisse des dotations de l’État. Mais elle a aussi fait un peu n’importe quoi en matière de gestion du personnel comme en matière de commande publique.
Simple défaut de gestion ? Élu en 2014, mais premier adjoint depuis 1995, le maire communiste Jean-Paul Trovéro plaide une certaine désorganisation. Pendant un an, Fontaine a tourné sans directeur général des services et, d’après le premier magistrat, il a bien fallu trois ans pour que l’effectif se stabilise et que les « services soient cadrés ».
Un argument que balaie Franck Longo d’un revers de la main. Pour le chef de file de l’opposition républicaine, la pseudo défaillance des services municipaux a bon dos. « Le DGS n’était pas seul. Il y a tout de même trois directeurs généraux adjoints. Sans parler du cabinet du maire dont les prérogatives sont largement étendues. La responsabilité politique n’est tout simplement pas assumée ! »
Les économies et hausse d’impôts seront-elles suffisantes ? La CRC en doute
Le premier magistrat veut encore croire que les hausses d’impôts et les mesures d’économies qu’il a mises en place (abandon d’un projet d’école, fermeture d’équipements, baisse des crédits consacrés aux renforts et heures supplémentaires, révision des tarifs municipaux, suppression de postes, baisse des dépenses de fonctionnement) suffiront à inverser la tendance d’ici 2019. La CRC en doute, pointant tout à la fois des projets très ambitieux, des coûts qui restent importants et une situation financière toujours fragile, quand bien même la capacité de désendettement serait ramenée à neuf ans.
Le maire suit malgré tout sa ligne. En 2016, la ville de Fontaine a encaissé une hausse record des impôts de 6 %. A la clé, 750 000 euros de recettes supplémentaires. Mais aussi une pétition qui a recueilli 1 400 signatures. A trois ans des prochaines échéances municipales, le message vaut-il avertissement ?
Mais où, sinon, chercher des économies ? Les magistrats ont bien une petite idée. C’est qu’en épluchant les comptes de la ville ils sont allés de surprises en surprises. A Fontaine, les fonctionnaires travaillent par exemple moins que la durée légale, soixante heures de moins chaque année. Un choix sur lequel le maire n’entend visiblement pas transiger.
Entre 2009 et 2015, l’absentéisme a progressé de 73 %
Les autorisations exceptionnelles d’absence, particulièrement généreuses relève la CRC, se chiffraient en 2015 à 11 000 euros. Le stock de jours épargnés, qui a doublé de 2011 à 2015, atteignait plus de 25 000 heures fin 2015, soit 474 000 euros. Rien que sur l’année 2015, on arrive à près de 17 équivalents temps plein non travaillés, soit 580 000 euros de masse salariale. A quoi il faut ajouter l’absentéisme. Entre 2009 et 2015, il a progressé de 73 %. Compter 6 millions d’euros. Le 13e mois attribué sans base légale ? 672 000 euros.
Résultat : pour compenser, la commune a dû avoir recours aux heures supplémentaires. Entre 10 500 et 10 800 par an entre 2013 et 2015. Depuis, Fontaine a redressé la barre. Au 30 novembre 2016, le stock était passé à moins de 6 400…
Comme de nombreuses villes communistes, Fontaine est l’héritière d’une politique sociale ambitieuse à l’égard de ses administrés, et plus partisane de la municipalisation que de l’externalisation. Mais, à l’aune de la baisse des dotations, Fontaine a‑t-elle encore les moyens de ses ambitions ?
La commune subventionne ainsi largement ses associations. Rien de répréhensible sauf que le système, complexe, est en plus peu transparent : il a jusque-là transité par deux associations et échappé à tout regard du conseil municipal. 230 000 euros ont ainsi été attribués chaque année dans une certaine opacité.
« De plus, l’exécutif s’est déchargé de la mission du contrôle des fonds alloués qui lui incombe pourtant », s’étonnent les magistrats. Il a donc fallu que la CRC s’en mêle pour que la commune se décide, en 2017, à verser les subventions directement aux associations.
35 000 euros payés par an à Télégrenoble
Clientélisme ? A qui toutes ces dérives ont-elles profité depuis des années ? Même si le maire se défend de contourner la réglementation, son cabinet compte deux fois plus de collaborateurs que la loi ne le permet. Anomalie qui avait déjà été relevée dans un précédent contrôle. Le service communication est encore plus pléthorique, avec huit à neuf agents permanents. Le maire, lui, plaide le retour en régie et un moindre recours à des prestataires extérieurs. Économies ? La ville a payé 35 000 euros par an pour “Fontaine, l’édition citoyenne”, un journal auto-promotionnel de 6 à 12 minutes diffusé chaque semaine sur Télégrenoble depuis février 2016… et visiblement très peu visionné en ligne si l’on se fie aux nombres de vues affichés.
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