FOCUS - Le char sur le thème “Palestine” durant le défilé de la Fête des Tuiles devait initialement rendre hommage au dessinateur Naji al-Ali, assassiné en 1987. Mais la présence dans le cortège de militants portant des T-shirts appelant au boycott d'Israël a mis le feu aux poudres, notamment dans l'opposition. Le Conseil représentatif des institutions juives de France a, lui, déposé une plainte, lundi 12 juin.
Hommage à un dessinateur assassiné ou « débordement antisémite » ? Le char sur le thème de "La Palestine” durant le défilé de la Fête des Tuiles de Grenoble, dimanche 13 juin, n'est pas passé inaperçu sur les réseaux sociaux. La photographie qui a mis le feu aux poudres ? Celle d'une personne se tenant près du char, et portant un T-shirt indiquant « Boycott Israël ».
Un boycott illégal en France, a tranché la Cour de cassation
Il n'en fallait pas plus pour faire bondir le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Grenoble Dauphiné et son ancien président, l'avocat grenoblois Jean-Luc Medina. Qui rappelle que l'appel au boycott d'Israël est illégal en France, suite à un arrêt de la Cour de cassation rendu le 20 octobre 2015.
"La Cour de cassation a tranché : le boycott d'Israël est illégal. Mais ce serait la même chose si c'était le boycott de l'Italie ou de l'Espagne. Quand on appelle au boycott d'un produit, sur le plan juridique, c'est un appel à la discrimination contre un groupe de personnes en raison de son appartenance à une nation. Et l'on n'a pas le droit en France d'inciter à la discrimination envers une personne en raison de son origine, de sa religion, de sa race, etc. », souligne Jean-Luc Medina.
C'est la raison pour laquelle le Crif a déposé une plainte au matin du lundi 12 juin. Un « signalement au procureur de la République », précise l'avocat, pour dénoncer la présence de ces T-shirts appelant au boycott d'Israël au sein du défilé.
Un char « à connotation antisémite », pour l'ancien président du Crif
Les T-shirts incriminés étaient par ailleurs siglés BDS, pour Boycott désinvestissement sanctions, du nom de la campagne d'appel au boycott d'Israël lancée dans les territoires palestiniens en 2004 et reprise dans le monde entier. Sont concernés non seulement les produits israéliens, mais aussi un « boycott sportif, culturel et universitaire », comme le mentionne le site français de la campagne BDS.
Pour Jean-Luc Medina, le caractère antisémite de la démarche ne fait pas de doute. « Ce n'est pas seulement que l'on conteste la politique d'Israël, c'est que l'on refuse à cet État le droit d'exister. Le BDS est un mouvement qui prône la destruction d'Israël, et pas la paix avec deux États, ce qui est ma position. Lorsque vous êtes pour l'acceptation de tous les États au monde, sauf un parce que c'est l'État juif, j'appelle ça de l'antisémitisme. Et ce char avait également une connotation antisémite. »
Le char en question ne portait cependant aucun appel au boycott. Son objectif premier ? Rendre hommage au caricaturiste palestinien Naji al-Ali, assassiné en 1987 dans des circonstances troubles. Figurait ainsi une représentation de son personnage fétiche*, tête ronde hérissée de traits, attaché à un poteau, tandis qu'une femme palestinienne gisait effondrée à ses pieds.
Olivier Bertrand évoque un « débordement »
Olivier Bertrand, conseiller municipal de Grenoble délégué aux animations, et responsable pour la Ville de l'organisation de la Fête des Tuiles, défend le char palestinien. « Quand j'ai vu la thématique “Palestine” je m'en suis préoccupé, parce que c'est un sujet sensible. Le jour même, je me suis rendu sur le cours de la Libération où est mis en place le défilé avant son démarrage, et il n'y avait rien de contestable. C'est ce qui était prévu : des chanteurs et des musiciens portant un keffieh, ce qui n'a rien de polémique en tant que tel », assure-t-il.
Alors, comment expliquer la présence de T-shirts appelant au boycott ? « C'est effectivement un débordement, concède Olivier Bertrand, au sens où ce n'était pas voulu et où ce n'était pas attendu de la part du collectif d'associations qui organise le défilé et qui a une convention avec la Ville. »
Le conseiller municipal rappelle que la présence d'un char palestinien dans le défilé de la Fête des Tuiles n'a rien d'une nouveauté. « C'est la troisième année qu'il y en a sur la Fête des Tuiles et ça n'a jamais posé de problèmes. Là, il y a un T-shirt. Et le Crif part sur un point spécifique où il savent que, pour l'instant, ils ont un rapport de force favorable face à une action de BDS. »
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