Le projet de Center parcs a-t-il grevé les comptes de la commune de Roybon ? Pour les magistrats financiers, la situation est critique.

Center parcs à Roybon : mirage ou bouée de sau­ve­tage pour une com­mune endettée ?

Center parcs à Roybon : mirage ou bouée de sau­ve­tage pour une com­mune endettée ?

FOCUS – Comme Saint-Pierre-de-Chartreuse avec sa sta­tion de ski, le pro­jet de Center parcs à Roybon a‑t-il entrainé la petite com­mune des Chambarans sur la mau­vaise pente ? Pour la chambre régio­nale des comptes, la situa­tion finan­cière de Roybon est pour le moins cri­tique. Le maire lui, assure avoir com­mencé à redres­ser la barre. Mais le pro­mo­teur Pierre & Vacances, qui béné­fi­cie du sou­tien son­nant et tré­bu­chant des col­lec­ti­vi­tés et de l’État, ne s’est tou­jours pas acquitté de tout ce qu’il doit à la commune…

Le Center Parcs aurait pu être, pour la petite com­mune de Roybon en Isère, la poule aux œufs d’or. Une manne d’argent ines­pé­rée en ces temps de disette bud­gé­taire. Las, de recours en recours devant les tri­bu­naux jusque devant le Conseil d’État, le pro­jet du groupe Pierre & Vacances d’édifier dans la forêt des Chambarans mille cot­tages autour d’une bulle aqua­tique chauf­fée à 29 °C, n’en finit pas de ne pas voir le jour.

Cottages Center Parcs Roybon Pierre et Vacances Forêt des Avenières Chambarans Isère. © Pierre et Vacances

Projet de Center parcs à Roybon © Pierre et Vacances

En 2007, Roybon y a cru. Dix ans plus tard, le retour à la réa­lité est bru­tal. Dans un rap­port rendu public le 18 avril 2017, les magis­trats de la chambre régio­nale des comptes Auvergne Rhône-Alpes, qui ont passé en revue la période 2009 – 2015, sont sévères. Ils pointent une situa­tion « par­ti­cu­liè­re­ment cri­tique en fin de période, d’autant que la réa­li­sa­tion du Center Parcs sera selon toutes vrai­sem­blances repor­tée au-delà de 2019 ».

En l’espace de dix ans, la com­mune s’est enfon­cée. La capa­cité de désen­det­te­ment, déjà très éle­vée en 2010 (19 ans) a atteint 48 ans en 2014 et près de 55 ans en 2015. Pour rap­pel, le seuil consi­déré comme cri­tique est de 10 ans. De 2009 à 2015, la capa­cité d’auto-financement brute, elle, a été réduite de plus de moi­tié. Et tou­jours pas de Center Parcs à l’horizon.

Vue aérienne Center Parcs Roybon Pierre et Vacances Forêt des Avenières Chambarans Isère

Vue aérienne du Center parcs de Roybon prévu par le groupe Pierre et Vacances, dans la forêt des Avenières. DR

La pro­messe était pour­tant allé­chante. Sur un ter­ri­toire classé en zone de revi­ta­li­sa­tion rurale, où le chô­mage est supé­rieur à la moyenne régio­nale, où les équi­pe­ments publics ferment les uns après les autres, le pro­jet porté par Pierre & Vacances res­sem­blait à s’y méprendre à une oasis en plein désert.

A la clé ? La pro­messe de 697 emplois (en fait 468 équi­va­lents temps plein) mais aussi 12 mil­lions d’euros de chiffre d’affaire pour les entre­prises locales. Et des ren­trées son­nantes et tré­bu­chantes pour la commune.

« Une étude, dont les résul­tats n’ont pas été divul­gués, a été réa­li­sée sur les béné­fices fis­caux atten­dus de l’opération », notent les magis­trats finan­ciers dans leur rap­port. « Les mesures fis­cales liées au pro­jet ont été esti­mées à près de 3 mil­lions d’euros par an pour l’ensemble des col­lec­ti­vi­tés dont la moi­tié béné­fi­cie­rait à la com­mune de Roybon ».

Trois mil­lions d’eu­ros par an de recettes fis­cales dont la moi­tié rien que pour Roybon

La taxe d’aménagement ? 2,5 mil­lions d’euros rien que pour Roybon. La taxe de séjour ? 700 000 euros par an. La taxe sur le fon­cier bâti ? 500 000 euros par an. Alléchée, la com­mune a‑t-elle foncé tête bais­sée, au risque de ne pas voir le mur ? S’est-elle un peu plus endet­tée en enga­geant des tra­vaux d’aménagement dans le but d’accueillir le Center parcs ?

« L’importance de l’endettement résulte essen­tiel­le­ment de la pour­suite de l’effort d’investissement déjà consé­quent effec­tué entre 2000 et 2008. La com­mune a engagé 3 mil­lions d’euros de 2009 à 2015 sans dis­po­ser de plan plu­ri­an­nuel lui per­met­tant de s’assurer de la sou­te­na­bi­lité de cette poli­tique », pointe la CRC.

Défrichage sur le chantier du Center Parcs de Roybon dans la forêt des Avenières en Chambaran compensation zones humides © Zad Roybon

Défrichage sur le chan­tier du Center parcs de Roybon © Zad Roybon

Si le Center parcs n’est pas le res­pon­sable à lui seul de tous les maux, la com­mune a semble-t-il déroulé le tapis rouge à son pro­mo­teur. Le maire de l’époque a‑t-il octroyé un avan­tage injus­ti­fié à Pierre & Vacances, objet d’un recours devant le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif, en lui ven­dant les 202 hec­tares de ter­rain, privé, au prix de 0,30 m² alors que France Domaine, consulté, ne voyait pas d’objection à faire grim­per la note à 0,50 € ? Marcel Bachasson s’en défend et dit avoir coupé la poire en deux, entre le prix de base de l’es­ti­ma­tion (0,197 € le m2) et la limite haute fixée par l’es­ti­ma­tion des Domaines.

Mais ce n’est pas là la seule ques­tion. Pourquoi le pro­mo­teur ne s’est-il pas acquitté de la taxe locale d’équipement, qui grève les opé­ra­tions de construc­tion au béné­fice des com­munes ? Eligible dès jan­vier 2013, cette taxe aurait dû faire l’objet d’un pre­mier ver­se­ment avant le 16 juin 2014, rap­pelle la CRC, et d’un second avant le 16 jan­vier 2016. Or, rien. Les 2,9 mil­lions d’euros n’ont jamais été ver­sés dans les caisses de la com­mune. Le maire actuel Serge Perraud lui, dans sa réponse aux magis­trats, invoque « l’i­ner­tie de l’Etat à pro­cé­der au recou­vre­ment de cette taxe », et enfonce le clou.

Center parcs de Roybon : un mois après le début des travaux, 30 hectares d'arbres ont été abattus, soit 35 % de la surface.

Center parcs de Roybon : un mois après le début des tra­vaux © Center parcs en faillite financière

« Je ne sou­haite tou­jours pas ins­crire au bud­get de la com­mune une recette d’un tel mon­tant alors même qu’elle pour­rait s’a­vé­rer illu­soire. La crois­sance déme­su­rée de l’en­det­te­ment de la com­mune par le passé a aussi été ren­due pos­sible par l’ins­crip­tion récur­rente de pré­vi­sions de recettes qui n’ont jamais été effec­ti­ve­ment per­çues ».

Roybon n’est pas la seule à voler au secours du pro­mo­teur immo­bi­lier. Le Département de l’Isère, ardent défen­seur du Center parcs, a ainsi voté une aide de 7,5 mil­lions d’euros, accor­dée au syn­di­cat inter­com­mu­nal des eaux de la Galaure pour moder­ni­ser les réseaux d’eau et d’assainissement.

La Région a elle aussi pro­mis de mettre la main à la poche : 7 mil­lions d’euros au titre de la for­ma­tion et de la pro­tec­tion de l’environnement, dont 4,7 mil­lions ont été votés en avril 2016.

L’Etat éga­le­ment. Car les cot­tages du Center parcs, ven­dus à des par­ti­cu­liers, sont ensuite reloués à Pierre & Vacances. Une vente encou­ra­gée par la loi Censi-Bouvard qui per­met aux futurs pro­prié­taires de béné­fi­cier d’avantages fis­caux et notam­ment d’une réduc­tion d’impôt sur le revenu. La CRC a fait ses cal­culs : la dis­po­si­tion revient à octroyer 27 500 euros par cha­let. Soit un coup de pouce de l’Etat de 27,5 mil­lions d’euros pour l’ensemble du projet…

Plan du Center Parcs Roybon dans la forêt des Avenières © Pierre et Vacances

Plan du Center parcs dans la forêt des Avenières © Pierre et Vacances

Toutes les col­lec­ti­vi­tés ont ainsi donné leur quote-part. Quitte aujourd’hui, pour cer­taines, à boire le bouillon. A Roybon, le Center Parcs a été la goutte d’eau de trop.

La com­mune en dif­fi­culté après avoir mas­si­ve­ment investi depuis 2000, est passé à deux doigts de la mise sous tutelle. Et fait depuis 2016 l’objet d’un plan de redressement.

Les indem­ni­tés aux élus ont été revues à la baisse tout comme les sub­ven­tions aux asso­cia­tions. La fis­ca­lité a aug­menté tout comme les tarifs muni­ci­paux et les loyers. Suffisant pour épon­ger la dette ? « Au 31 décembre 2015, l’encours de dette, qui était de 5 mil­lions d’euros, repré­sente 3 802 euros par habi­tant, note la CRC. La moyenne de la strate était de 596 euros par habitant ».

C’est peu dire que la chambre régio­nale des comptes est scep­tique. « Les pre­mières don­nées dis­po­nibles sur l’exécution du bud­get 2016 montrent que le plan doit être appli­qué de manière stricte s’agissant des charges de ges­tion et qu’il doit être com­plété d’importants efforts en ce qui concerne le pro­gramme d’équipement tan­dis que le renou­vel­le­ment indis­pen­sable des équi­pe­ments ne pourra pas être dif­féré ».

Inscription Non à Center Parcs sur une route de Roybon dans la forêt des Avenières Chambaran en Isère

De recours en recours devant les tri­bu­naux, le pro­jet de Center parcs à Roybon est au point mort.

Pour les magis­trats, Roybon n’a guère le choix. Elle va devoir limi­ter ses dépenses de fonc­tion­ne­ment, aug­men­ter encore la fis­ca­lité et, sur­tout, recou­vrer la taxe d’aménagement due par Pierre & Vacances. « Si les pro­duits de la taxe locale d’équipement étaient encais­sés, la com­mune dis­po­se­rait d’un finan­ce­ment propre de 1,89 mil­lion d’euros en 2016 et de 1,80 mil­lion en 2017. Elle pour­rait ainsi réa­li­ser les opé­ra­tions d’investissement d’infrastructures pour l’installation du Center parcs et éga­le­ment rem­bour­ser des emprunts de manière anti­ci­pée grâce à de la tré­so­re­rie disponible ».

« Seule la per­cep­tion de la TLE per­met­tra de réa­li­ser les inves­tis­se­ments néces­saires à son implan­ta­tion », assène la CRC. Pierre & Vacances est-il prêt à cra­cher au bas­si­net ? Le maire Serge Perraud assure avoir com­mencé à (bien) redres­ser la barre, se féli­ci­tant dans sa réponse à la CRC « d’excellents résul­tats en 2016 qui ont per­mis à la com­mune, pour la pre­mière fois depuis cinq ans de retrou­ver une capa­cité d’autofinancement posi­tive, écar­tant le risque de mise sous tutelle et ren­dant caduc votre scé­na­rio d’augmenter de 27,2 % les taux d’imposition dès 2017 ».

Patricia Cerinsek

L’épée de Damoclès de la mise sous tutelle levée

La com­mune de Roybon peut souf­fler. Un peu. Elle a depuis 2016, et le rap­port de la chambre régio­nale des comptes, retrouvé quelques marges de manœuvres. Elles ne sont pas bien épaisses mais suf­fisent à lever l’é­pée de Démoclès de la mise sous tutelle. L’endettement, qui reste néan­moins extrê­me­ment élevé, sou­ligne le Trésor public dans un rap­port joint en annexe, est passé sous la barre des 5 mil­lions d’eu­ros (4,69 mil­lions d’eu­ros exac­te­ment). Soit, par habi­tant, une charge de 3 519 euros alors que la moyenne est de 577 euros.

Avec des taux d’im­po­si­tion déjà éle­vés (les taxes ménages ont aug­menté de 7,3 % en 2016) et un fort niveau d’en­det­te­ment, la com­mune dis­pose de peu de leviers pour pou­voir redres­ser la barre. Depuis 2016, elle a donc joué sur les recettes (+ 4,4 %) et les dépenses de fonc­tion­ne­ment (-9 %). Elle a aussi limité ses dépenses d’é­qui­pe­ment et revu ses bases d’im­po­si­tion qui devrait lui per­mettre de ren­trer plus d’argent en 2017. Résultat : sa capa­cité d’au­to­fi­nan­ce­ment brute (+ 230 000 euros) a tri­plé au cours des deux der­niers exer­cices, renouant pour la pre­mière fois depuis cinq ans avec le positif.

Patricia Cerinsek

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