DROIT DE SUITE – En réaction à notre article portant sur les difficultés économiques que rencontre la légumerie locale ABépluche, Salima Djidel, conseillère municipale déléguée à la restauration et à l’alimentation locale et biologique de la Ville de Grenoble, a souhaité réagir. Oui elle soutient la légumerie locale, mais non ce n’est pas si simple d’en faire l’un de ses principaux prestataires.
La légumerie locale et bio ABépluche installée au Fontanil-Cornillon risque de mettre la clé sous la porte, sous peu, si son carnet de commandes ne se remplit pas. Sa cofondatrice Marianne Molina lançait ainsi fin mars un appel tous azimuts aux restaurants collectifs de la région urbaine.
Une situation paradoxale alors que toujours plus de consommateurs souhaitent manger des produits locaux et que les communes assurent sans cesse vouloir relocaliser l’alimentation, mettre en œuvre les circuits-courts et nourrir leur population de produits locaux et bio.
Comment ne pas penser à la Ville de Grenoble qui vise le 100 % bio et local ? D’autant que la légumerie ABépluche n’est qu’à quelques kilomètres de sa cuisine centrale. Difficile de faire plus local et bio… Par ailleurs, Grenoble a manifestement besoin de trouver de nouveaux producteurs locaux pour atteindre ses objectifs : « On en est aujourd’hui à 50 % de bio ou local », indique ainsi la conseillère municipale Salima Djidel, déléguée à la restauration et à l’alimentation locale et biologique de la Ville de Grenoble.
Assez peu de légumes locaux dans les assiettes grenobloises
La conseillère a d’ailleurs tenu à faire savoir, suite à un article récemment paru sur Place Gre’net, que la Ville de Grenoble ne boudait pas la légumerie ABépluche : « Nous nous rencontrons régulièrement avec Charles et Marianne, les cofondateurs de la légumerie […] Pour nous, la légumerie a le mérite d’exister. » La conseillère dément vivement, au passage, que la Ville se fournirait en carottes bio au Pays-Bas. « C’est faux ! » Oui très bien, mais Place Gre’net n’a jamais écrit cela. « Alors, c’est un autre média qui a raconté cela ! », répond l’adjointe. Dont acte.
Revenons plutôt au sujet : d’où viennent en définitive les légumes préparés à la cuisine centrale de la Ville de Grenoble ? « C’est une entreprise basée dans le Sud de la France qui a remporté le dernier marché public », précise Salima Djidel.
Le contrat est conclu pour trois ans. « Il peut être revu et même interrompu chaque année. »
Un fait est donc établi : la proportion de légumes locaux servis dans les assiettes des 9 000 convives grenoblois quotidiens est plutôt mince. Pas nulle toutefois car la Ville fait également appel, de temps à autres, aux producteurs locaux. Ainsi la cuisine centrale de Grenoble a‑t-elle passé commande à plusieurs reprises à ABépluche.
« On s’est engagé avec eux sur du hors marché, en octobre, novembre, janvier, février », assure la conseillère. Le “hors marché” signifiant « petites commandes » ponctuelles… Et c’est tout le problème pour ABépluche, qui aspire au contraire à passer des contrats longues durées avec ses donneurs d’ordre : « Ce sont les commandes régulières qui nous permettront de nous engager dans la durée avec des producteurs », nous expliquait, fin mars, Marianne Molina.
Salima Djidel veut aider ABépluche en associant toute la métropole
La conseillère, qui semble pourtant bien connaître ABépluche, estime que la difficulté de travailler avec la légumerie locale vient du fait qu’elle manquerait de visibilité par rapport à la capacité de ses propres fournisseurs à l’approvisionner…
Et la présidente du Marché d’intérêt national (Min) qu’est également Salima Djidel d’exhorter les producteurs à se regrouper et à s’organiser pour pouvoir mieux répondre aux appels d’offre de la Ville.
Visiblement, la légumerie ABépluche s’estime, de son côté, de taille à assurer l’approvisionnement de la cuisine centrale de Grenoble en légumes de quatrième gamme.
Elle a ainsi répondu au dernier marché public lancé par la Ville de Grenoble et ne l’a pas remporté. Non pas en raison du contenu de son offre, mais plutôt, semblerait-il, d’une sorte de vice de forme… « La légumerie n’a pas signé la lettre d’engagement », note la conseillère, ce qui a rendu caduque sa candidature. Elle promet, quoi qu’il en soit, de se pencher sur le cas d’ABépluche. Mais pas toute seule : « Je vais les recevoir en lien avec les 49 autres communes et les différents chefs de service ».
Les collectivités pourront bientôt “acheter local”
Reste une autre difficulté que pointe la conseillère : l’interdiction d’introduire le critère « local » dans un marché public – critère jugé discriminatoire, à l’aune du principe de libre accès à la commande publique et de celui d’égalité de traitement des candidats. Alors que, dans le même temps, l’État français et l’Europe conviennent dans leurs discours qu’il faut soutenir les filières courtes, pour des raisons écologiques et économiques…
A la conseillère de fustiger une situation inextricable : « On reçoit des injonctions contradictoires : passer au bio, développer les circuits courts, privilégier le local. Et en même temps, il est interdit d’attribuer des contrats sur la base de la préférence locale, en droit des collectivités locales ! » Une situation qui devrait évoluer… Le 14 janvier 2016, une loi favorisant l’ancrage territorial de l’alimentation a été adoptée. Mais les modalités ne devraient entrer en vigueur qu’à partir du 1er janvier 2020.
En attendant, et jusqu’à ce que cela soit autorisé le critère “local”, les collectivités vont continuer à contourner l’obstacle comme elles savent déjà le faire, en trouvant des astuces pour privilégier le local. Il suffit qu’elles exigent dans leur marché public des « produits de saison » et « des animations pédagogiques avec la présence de producteurs » par exemple. La Ville de Grenoble y songe…
Séverine Cattiaux
Pour manger des légumes locaux, Saint-Étienne construit sa légumerie !
Les collectivités sont, du reste, très nombreuses à prendre le taureau par les cornes, afin de s’approvisionner en légumes locaux et bio à la fois. Ainsi, depuis 2014, la commune de Saint-Étienne sert-elle du 100 % bio à la cantine.
En 2009, la Ville a mis au point une plateforme d’approvisionnement local, dédiée à la restauration collective qui, en 2011, est devenue une société coopérative d’intérêt collectif. En 2013, constatant encore que 50 % de ses produits n’étaient toujours pas locaux, en particulier les légumes, la commune a décidé de contourner le problème… et a ouvert sa propre légumerie !