DIAPORAMA PHOTO – Jean-Jacques André, créateur de meubles en carton depuis quinze ans, ouvre les portes de son atelier à Fontaine à l’occasion des Journées européennes des métiers d’art (JEMA) du 1er au 3 avril. Plongée dans l’univers de l’artiste, entre design et « recyclage créatif ».
Designer spécialisé dans les meubles en carton, Jean-Jacques André accueille le public dans son atelier Esprit carton, 12 avenue du Vercors à Fontaine, à l’occasion des Journées européennes des métiers d’art (JEMA) du 1er au 3 avril.
L’occasion idéale pour cet artisan membre du réseau C’est fait ici de montrer ses collections personnelles mais aussi les travaux des stagiaires qu’il forme depuis une dizaine d’années.
En amont de ce rendez-vous, nous l’avons rencontré dans son atelier, afin de mieux comprendre son univers, qui se situe entre design et « recyclage créatif ».
Jean-Jacques André : « Esprit carton c’est une histoire de valeurs »
Designer diplômé de l’École régionale des beaux-arts de Saint-Étienne (aujourd’hui École supérieure d’art et design), Jean-Jacques André découvre le carton en tant qu’indépendant, en travaillant pour des agences de graphisme sur des projets d’emballage et de design de stands.
« Après ces quelques années de papillonnage avec des agences où j’ai appris beaucoup et où je suis devenu polyvalent, j’ai créé ma propre agence – Alliage design », relate-t-il. Parmi ses premières commandes, la création d’un stand pour une exposition sur les arts de la table. Avec un défi de taille : la création devait être très légère et démontable. C’est là qu’il décide de travailler avec le carton.
Il part alors à Paris avec un but bien précis : apprendre les différentes techniques pour travailler le carton. Une expérience intéressante… mais légèrement décevante : « J’ai appris plus l’aspect “loisirs créatifs”. Pour moi, en tant que designer, ce n’était pas assez pointu, les finitions ne me convenaient pas. Je me suis dit qu’il fallait que j’intègre toutes mes exigences de designer à l’activité de création de meubles en carton. »
Après huit ans de travail en tant que designer indépendant, il décide donc de changer de cap et de réunir travail créatif et manuel. « J’ai eu cette idée de créer Esprit carton, de faire des créations avec mes propres mains, de ne plus passer ma vie devant l’ordinateur, d’être dans le relationnel, dans la transmission… C’était une révolution pour moi ! Esprit carton, c’est une histoire de valeurs : faire avec ses mains, transmettre, et puis être dans un collectif. »
Aujourd’hui, membre de 3bis (société coopérative d’activités et d’entrepreneurs salariés), du réseau C’est fait ici, Jean-Jacques André jongle entre Esprit carton et sa galerie Origin, toujours dans l’idée de diversifier ses activités. « Je suis un peu un papillon, j’ai plein de cordes à mon arc, estime-t-il. La difficulté, quand on fait plein de choses différentes, c’est de rester dans la qualité. Si on veut faire bien, il faut travailler beaucoup. »
Esprit carton, une démarche de « recyclage créatif »
Artiste « dans sa bulle », Jean-Jacques André est aussi un enseignant heureux de transmettre à ses élèves. « Ce sont des énergies presque antinomiques. Mais personnellement, j’ai besoin des deux. Ça m’équilibre », explique-t-il avec le sourire.
Designer rigoureux, il réalise également un travail artistique sur la base de collages de morceaux d’affiches trouvées dans la rue. « Pour moi, le design était un moyen de cadrer cette créativité », résume-t-il. Le point commun entre ces activités ? Il le définit par la notion de « recyclage créatif ». Pour ses premières créations, Jean-Jacques récupérait d’ailleurs des cartons chez des commerçants pour éviter le gaspillage de matériaux. Son activité étant devenue plus importante, il se fournit désormais chez un cartonnier de la région.
« Dès les débuts de mon activité, je voulais sensibiliser les entreprises au recyclage. Plusieurs d’entre elles m’ont donc donné leurs cartons afin que je les recycle dans mes ateliers. On est dans la même démarche de prise en compte de l’environnement. Pour moi, c’est très symbolique de développer ma créativité et de recycler au travers des meubles en carton. » Une démarche qui semble être en résonance avec l’esprit écologique de la région.
Un éventail de références et de sources d’inspiration
Ce sont des publicitaires américains qui ont développé dans les années 70 les techniques de création de meubles en carton, notamment en faisant des fauteuils. Aujourd’hui, certains artistes vont plus loin en montrant qu’il est possible de créer un design d’intérieur uniquement avec le carton.
Promouvoir ce matériel et montrer les possibilités multiples qu’offre le carton dans le design, tel est l’objectif de Jean-Jacques André. Son travail se nourrit d’inspirations très diverses : « le design italien avec ses couleurs, son côté intuitif et spontané, le Bauhaus avec l’idée de l’artisanat mêlé à l’art, le design suédois, très proche de la nature, très épuré et sobre… Ce sont des courants contradictoires, mais qui correspondent à ma personnalité. »
La nature et la spiritualité l’animent également : « J’ai fait beaucoup de tai-chi-chuan (art martial chinois). C’est le travail sur des énergies, mais pour moi c’est aussi être en accord avec soi, avec son environnement. » Cet éventail de sources d’inspiration et de passions lui donne parfois des idées inattendues : « L’idée de ma première collection – Cali – m’est venue lorsque je rentrais d’une randonnée en Chartreuse. J’ai entendu une chouette et j’ai eu cette idée de faire des meubles en carton en m’inspirant de sa forme. Tout est lié – la nature, la création, la spiritualité, le recyclage – c’est vraiment mon univers. »
« Le meuble en carton a toujours le dernier mot ! »
La confection de meubles en carton est un processus long mais gratifiant, assure Jean-Jacques André. « Au lieu d’acheter un meuble en kit, on peut faire son propre meuble en carton ! Les gens qui viennent dans mon atelier font de vrais beaux meubles, solides, durables, qui supportent un poids de 180 kilos ! »
Le designer admet les contraintes liés au matériel : le carton craint l’humidité. « La couche de vernis encapsule le volume, donc il n’y a pas de problème, mais il ne faut quand même pas mettre des meubles en carton dans le jardin ou à la cave. C’est comme un beau meuble en bois, si on en prend soin, ça dure. » Et d’apporter la preuve par l’exemple : le plus vieux meuble en carton qu’il a lui-même créé a aujourd’hui 15 ans et il est toujours en bon état.
Reste qu’il faut garder en tête que « le carton est de la fibre de bois qui va toujours avoir le dernier mot. Par exemple, avec les années, les formes d’un fauteuil en carton vont se creuser. »
Un seul bémol : dans l’Hexagone, pays avec une grande tradition des arts décoratifs, le carton n’est pas assez reconnu : « C’est un matériau très dévalorisé en France. Par contre, quand je vends un meuble en carton, je vends une œuvre d’art. Toutes mes collections sont déposées à l’Inpi [Institut national de la propriété industrielle, ndlr]. Les designs sont originaux. »
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Texte et images : Yuliya Ruzhechka
Créer un meuble, du croquis à la finition
La quête du designer ? « Faire un volume qui soit esthétique et fonctionnel. » Pour que les stagiaires soient indépendants et capables de faire après leurs propres meubles en carton chez eux, Jean-Jacques André leur apprend toutes les étapes de création du design : du croquis à la finition.
Le tout est d’accepter la philosophie « imposée » par le matériel. « Il faut être rigoureux, parce que c’est un matériel souple. Mais aussi avoir certaine souplesse et se dire : « On ne va pas pouvoir tout maîtriser », explique Jean-Jacques André. Qui ajoute que la création en carton demande « d’être dans l’instant présent, bien concentré ». Une méditation créative en somme.