EN BREF – L’unique légumerie de l’agglomération grenobloise ABépluche, installée à Fontanil-Cornillon s’inquiète pour son avenir à très court terme. Ses comptes sont dans le rouge. Curieusement les clients – les cantines scolaires essentiellement – ne se bousculent pas. Un paradoxe alors que de plus en plus de collectivités – au premier rang desquelles Grenoble – ne jurent que par la « relocalisation » de la production, les circuits-courts, le local et le bio pour nourrir la population.
Chaque semaine, il sort de la légumerie ABépluche, installée sur la commune Fontanil-Cornillon, deux tonnes de légumes épluchés, râpés, coupés en cube ou en frites, ce qu’on appelle les produits de quatrième gamme.
Ces produits, pour l’essentiel, locaux ou bio, ou les deux, vont rejoindre les cuisines centrales des mairies afin de nourrir les enfants des écoles primaires du Pont-de-Claix, de Saint-Martin‑d’Hères ou d’Échirolles, par exemple. Les légumes d’ABépluche entrent aussi dans la composition des repas fabriqués dans les cuisines mutualisées du Département de l’Isère et servis aux collégiens. Cependant, les commandes ne suffisent pas… Il faudrait vendre une tonne supplémentaire de légumes épluchés par semaine pour équilibrer le budget de la légumerie, dont l’activité a démarré en 2012.
« Nous sommes parfois un peu plus chers que la concurrence »
Marianne Molina, cofondatrice d’ABépluche tient à le rappeler : « Nous sommes le maillon qui manquait localement entre les producteurs locaux et les cuisines centrales. Le projet de construire une légumerie destinée à satisfaire les besoins de toute la Région urbaine grenobloise remonte à 2009. Il se concrétise à Centr’Alps, dans le Voironnais en 2012. Les locaux de la nouvelle légumerie sont financés en grande partie par le Pays voironnais et la Métro. L’Europe participe également.
En mai 2015, les locaux sont dévastés par un incendie. L’entreprise ABépluche met six mois avant de redémarrer. Depuis deux ans, la légumerie est hébergée dans les anciens abattoirs du Fontanil. « Mais les commandes ne sont pas au rendez-vous et on se pose la question d’arrêter si rien n’évolue d’ici fin avril », alerte l’ingénieure reconvertie dans une activité correspondant à ses valeurs.
Il n’est pas encore trop tard. La cofondatrice d’ABépluche prend rendez-vous ces jours-ci avec les élus, afin de les sensibiliser aux difficultés que rencontre l’entreprise, et de les inciter à passer commande.
Avec pas moins de 630 cuisines de restaurations collectives en Isère, autant dire que le potentiel de débouchés existe pour la légumerie locale. Mais il y a un hic. Le local, la qualité et la transparence ont un coût. Ce que confirme Marianne Molina : « Nous sommes parfois un peu plus chers que la concurrence, mais nos produits sont irréprochables. » Autrement dit, il faut savoir ce qu’on veut : soutenir les circuits-courts, l’agriculture locale… ou acheter au moindre coût des légumes bio surgelés vendus par les agro-industriels.
Grenoble achète ses légumes épluchés… ailleurs
Qu’en est-il de la cuisine centrale de Grenoble qui a fortiori achète massivement des légumes épluchés ? Grenoble engloutit tout de même 4 tonnes de denrées par jour et vise le 100 % bio d’ici 2020 pour régaler ses 9 000 convives/jour.
Étonnamment, la légumerie n’a que très rarement fait affaire avec les responsables grenoblois. Un comble, puisque ABépluche est située aux portes de la capitale des Alpes – la même qui se targue d’être à l’avant-garde de la transition écologique. Reste maintenant à espérer pour la légumerie que cette “anomalie” puisse être rapidement corrigée suite aux rencontres avec les élus…
Séverine Cattiaux